C'est un énième rebondissement dans la transformation de la gare du Nord. Près de deux ans et demi après le feu vert du Conseil de Paris, suivi par une volte-face de la Ville avant un accord à l'amiable entre les différentes protagonistes, Gares & Connexions, filiale de la SNCF, vient d'annoncer la fin de la concession accordée à StatioNord, la co-entreprise que la compagnie ferroviaire porte (à 34%) avec Ceetrus, la filiale immobilière du groupe Auchan (66%). En février 2019, cette dernière s'était vu attribuer un contrat de financement, conception, réalisation et exploitation des commerces de la première gare d'Europe pour une durée de 46 ans.
Une facture qui double presque, un chantier retardé et des « perturbations sévères »
Mais, coup de théâtre le 5 juillet dernier, StatioNord a fait savoir à Gares & Connexions que la facture des travaux doublerait presque, passant de 389 à 750 millions d'euros, soit un coût global de 1,5 milliard d'euros « ne permettant plus de trouver un équilibre économique ». De la même façon que le chantier aurait pris fin « au plus tôt » en 2026, soit bien après les échéances de la Coupe monde de rugby de l'automne 2023 et les Jeux olympiques et paralympiques de l'été 2024. Sans oublier des « perturbations sévères » sur le bon fonctionnement de la gare et du trafic d'ici là...
« C'est une déchéance pour faute. Un vrai dysfonctionnement de la maîtrise d'ouvrage », assène à La Tribune Marlène Dolveck, directrice générale de Gares & Connexions.
En novembre 2020, c'est elle, en direct de l'Hôtel de Ville, qui avait annoncé, aux côtés de la maire (PS) Anne Hidalgo, de son premier adjoint Emmanuel Grégoire et du PDG de la SNCF Jean-Pierre Farandou, la "dédensification" du projet, en réponse au voeu exprimé par les élus de la capitale inquiets de voir la gare parisienne se transformer en centre commercial. Dès lors, il fallait retirer 7.500 mètres carrés d'activités commerciales et servicielles, dont la salle de spectacle, ainsi que la restitution du bâtiment de 7.100 m² de la rue de Maubeuge à la SNCF plutôt qu'une mutation en bureaux privés.
Recentrage sur des travaux plus légers
A cette occasion, l'opérateur de transports avait aussi promis une étude de faisabilité technique pour créer une passerelle entre l'arrière de la gare du Nord et le viaduc Saint-Ange, celui qui surplombe les rails entre les stations de métro Barbès-Rochechouart et La Chapelle, à la frontière des Xè et XVIIIè arrondissements. Objectif: ouvrir davantage cette dernière vers le Nord. Ce à quoi Gares & Connexions se disait prête à débloquer 20 millions d'euros pour réaliser l'ouvrage. Mais aucun contrat avec un constructeur n'a été signé jusqu'à présent.
Désormais, la filiale de la SNCF veut se concentrer sur des travaux plus légers comme l'amélioration de la signalétique, de l'accès des taxis et VTC, de la salle d'attente dans le terminal transmanche, la "pacification" du parvis avec l'arrivée de terrasses, l'ajout de places de vélos et d'escaliers mécaniques entre la gare souterraine - métro et RER - et la gare de surface - Intercités, TGV, Transilien - . La gare du Nord, qui accueille déjà près de 750.000 usagers quotidiennement, devrait en voir défiler 900.000 dans les prochaines années.
Un cahier des charges pour une gare rénovée en 2030
Avec son agence d'architecture internalisée (AREP), elle veut être prête pour rendre l'infrastructure « accueillante et confortable » d'ici aux prochaines échéances sportives. Invité de BFMTV-RMC, le ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari a en effet déclaré avoir « demandé à la SNCF un projet beaucoup plus réduit - dans une dimension de l'ordre 50 millions d'euros - pour répondre aux enjeux de 2023 et 2024 ».
Dans les deux ans, Gares & Connexions va également bâtir, avec l'ensemble des parties prenantes - les régions Île-de-France et Hauts-de-France, la ville de Paris, les associations de quartiers -, un cahier des charges, afin de livrer une gare rénovée à échéance 2030. Opposée à la transformation initiale, la maire (PS) du Xème arrondissement de Paris, Alexandra Cordebard, déclare, aujourd'hui à La Tribune, vouloir « un projet plus sobre, plus tourné vers les voyageurs » qui associe les habitants pour « éviter tout conflit ».
Sans attendre, Ceetrus a réagi dans un communiqué lapidaire de cinq lignes. Après avoir affirmé avoir « toujours agi dans l'intérêt du projet », la filiale immobilière du groupe Auchan « regrette le manquement manifeste de son partenaire, SNCF Gares & Connexions, à ses responsabilités de co-actionnaire et à la loyauté requise entre les partenaires d'une entreprise commune puisqu'il est pleinement partie-prenante à la réalisation du projet et à toutes les décisions afférentes dès son origine ».
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