Comment Rouen est devenue la ville la plus « covoiturée » de France

La métropole normande caracole largement en tête des agglomérations pour le nombre d’utilisateurs du covoiturage domicile-travail, selon un chiffrage du ministère des Transports publié par la startup Klaxit. Une médaille d’or qui ne doit rien au hasard mais beaucoup à la stratégie accélératrice adoptée par la collectivité. Explications.
Rouen est devenue la figure de proue du co-voiturage courte distance en France pour Julien Honnart, président de Klaxit, première plateforme pour le co-voiturage domicile-travail.
"Rouen est devenue la figure de proue du co-voiturage courte distance en France" pour Julien Honnart, président de Klaxit, première plateforme pour le co-voiturage domicile-travail. (Crédits : DR)

Deux fois mieux que Montpellier et presque trois fois mieux qu'Angers, la ville du ministre de la transition écologique Christophe Béchu. Comme tous les mois depuis le début de l'année, la métropole de Rouen devance ses suivantes sur le podium des villes les plus « co-voiturées » de France, selon les dernières statistiques fournies par le ministère des Transports*. En juin, Rouen avait franchi la barre des 30.000 trajets quotidiens en co-voiturage. En septembre, elle a battu un nouveau record avec un peu moins 55.000 trajets réalisés. Soit un dixième du total national. Mais à quoi attribuer cette pole position ?

Si la flambée du prix des carburants expliquent en partie ces bons résultats, ils découlent surtout de la politique très incitative mise en place par la Métropole depuis deux ans avec la complicité de la plateforme Klaxit, leader français du co-voiturage sur courte distance, retenue à l'issue d'un appel d'offres. Dès l'origine, la collectivité a, en effet, décidé de subventionner sans limite cette forme de déplacement au nom de ses impacts positifs sur la consommation d'énergie et la réduction des émissions de CO2. Une stratégie assumée droit dans ses bottes par son président Nicolas Mayer Rossignol.

« Les gens considèrent la voiture comme un espace privé et ont encore du mal à ouvrir leur portière surtout sur des trajets courts. Dès lors, si nous jouons petit bras, nous ne réussirons pas à impulser ce qui relève d'un changement culturel », théorise t-il.

La subvention, une clef pour le passage à l'acte

Concrètement, la Métropole prend en charge le trajet des passagers et reverse entre 2 et 4 euros par personne transportée à tous les conducteurs inscrits sur la plateforme qui acceptent d'ouvrir leur portière. A première vue, une approche assez classique sauf que contrairement à la plupart des collectivités, elle n'a donc pas fixé de plafond au nombre de trajets domicile-travail qu'elle finance sur fonds publics. Et c'est ce qui fait toute la différence pour David di Nardo, directeur du développement de Klaxit.

« Beaucoup d'autorités organisatrices optent pour un budget fermé ce qui bride le développement et oblige les opérateurs de co-voiturage à contracter individuellement avec des entreprises ou des établissements prêts à assumer le coût des trajets. Dans le cas de Rouen, rien n'empêche d'aller chercher de plus en plus de conducteurs ».

Forte de cet argument sonnant et trébuchant, Klaxit a pu aisément nouer des partenariats avec la plupart des zones d'activités et des gros employeurs de la métropole rouennaise ainsi que des universités et des grandes écoles. Lesquels communiquent à leur tour sur le service. Résultat : la plateforme atteint aujourd'hui une masse critique d'offres qui lui permet de proposer plus de trajets porte à porte (dits « sans coutures » dans le jargon) aptes à séduire davantage d'utilisateurs. Un autre effet vertueux réside dans l'amplification du bouche à oreille. « Ceux qui utilisent l'application sont aujourd'hui nos meilleurs ambassadeurs. L'effet d'entraînement est évident. J'en veux pour preuve les 10.000 inscrits supplémentaires que nous enregistrons depuis août sur l'application », souligne David di Nardo.

« Une dépense très efficiente »

Face à ce boom, la Métropole a voté au printemps dernier une multiplication par cinq de l'enveloppe consacrée au co-voiturage passée de 200.000 euros à un million. Là encore, son président assume. « En réalité, c'est une dépense très efficiente en euro par utilisateur », affirme t-il. « Mettre des lignes de bus partout coûterait infiniment plus cher et n'aurait pas de sens parce qu'elles seraient vides ». Le directeur du développement de Klaxit souscrit pleinement à l'analyse. « Les pouvoirs publics dépensent régulièrement des dizaines de millions d'euros dans le transport public pour espérer convaincre une minuscule part des auto-solistes de lâcher leur voiture », rappelle t-il.

Manifestement, le gouvernement en est arrivé aux mêmes conclusions que Nicolas Mayer Rossignol puisqu'il envisage de verser un chèque de 100 euros à tous les  conducteurs nouvellement inscrits sur des plateformes de co-voiturage. Quant à la Métropole rouennaise, elle n'entend pas mettre le pied sur le frein. « Nous sommes encore dans la phase d'amplification. Quand nous aurons atteint nos objectifs, on réfléchira à une dégressivité progressive des aides », explique son patron. Quant au risque que le co-voiturage siphonne une partie des "clients" du transport public comme le pointent certains spécialistes, il ne semble pas avéré. A Rouen, le réseau métropolitain de bus et de tramway a enregistré une hausse de sa fréquentation d'un peu plus de 10% en  septembre.

* Le ministère des Transports comptabilise quotidiennement l'ensemble des trajets réalisés par l'intermédiaire des 22 opérateurs du co-voiturage qui opèrent sur le territoire français. Klaxit les publie sur une base mensuelle avec un palmarès des villes les plus "co-voitureuses".

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