Covoiturage, Superéthanol : les bonnes combines des automobilistes pour contourner la hausse des prix du carburant

Alors que les prix du carburant flambent, les automobilistes élaborent des stratégies de contournement pour tenter de préserver leur pouvoir d'achat, tout en optimisant leur temps de trajet. Nouvelle envolée du covoiturage, ventes records de boîtiers de conversion au Superéthanol-E85, acquisition de véhicules flexifuel... Tour d'horizon des bonnes pratiques à adopter et des écueils à éviter.
Un conducteur transporte une passagère sur Klaxit, plateforme dédiée aux covoiturages sur les courts trajets.
Un conducteur transporte une passagère sur Klaxit, plateforme dédiée aux covoiturages sur les courts trajets. (Crédits : Klaxit)

Après l'explosion des cours du gaz et de l'électricité, ce sont maintenant les prix du carburant qui battent des records, au gram dam des automobilistes français, dont le pouvoir d'achat s'amenuise. Alors que le prix de l'essence a dépassé la barre des 1,50€ le litre, l'équation « réservoir rempli, portefeuille vidé » tend à se vérifier.

Face à cette situation tendue, les automobilistes sont de plus en plus nombreux à tenter de contourner la hausse du prix de l'essence à la pompe. Recours au covoiturage pour les trajets domicile-travail, installation de boîtiers de conversion au Superéthanol-E85, achat de véhicules flexifuel prévus pour fonctionner au biocarburant... tour d'horizon des grandes tendances dopées par la conjoncture actuelle et qui semblent bien parties pour s'installer dans la durée.

Montée en puissance du covoiturage domicile-travail

D'une part, bien que la pratique ne date pas d'hier, le covoiturage tend de plus en plus à se généraliser pour les courts trajets, et apparaît aux yeux de nombreux automobilistes comme une solution pérenne face à la flambée des prix du carburant. Symptomatique de cette tendance, le nombre de trajets proposés par les conducteurs sur les applications de covoiturage - comme BlaBlaCar daily (application séparée de BlaBlaCar lancée en 2018 pour cibler le marché des trajets quotidiens), Klaxit, Karos ou Mobicoop - bat son plein.

Au cours du dernier mois, Klaxit, plateforme de covoiturage qui opère sur le segment des trajets domicile-travail, a vu son activité décoller.

« Depuis le 1er octobre, nous avons eu une hausse de 50% du nombre de trajets de covoiturage proposés par les conducteurs, qui souhaitent ainsi rentabiliser leur véhicule », dévoile à La Tribune son président Julien Honnart. « Et la demande suit », renchérit-il.

La tendance est identique chez BlaBlaCar daily, application elle-aussi dédiée au covoiturage domicile-travail, qui a enregistré « plus de 100.000 nouveaux inscrits au mois de septembre 2021, soit autant que sur la période janvier-août », et a vu son nombre d'inscrits « se multiplier par cinq ces deux derniers mois », confie son directeur général Arthur Tahon. Et alors que Klaxit vient de franchir le cap du million de membres, BlaBlaCar daily, aujourd'hui dominant sur ce marché des covoiturages domicile-travail, a dépassé la barre des deux millions de membres.

Cette tendance est encore plus marquée dans les collectivités (métropoles, régions) qui ont passé des accords avec ces plateformes et subventionnent de fait tout ou partie des covoiturages domicile-travail, faisant ainsi bondir la demande.

Ces subventions s'inscrivent dans la logique de la loi d'orientation des mobilités, qui incite les entreprises et territoires à subventionner le covoiturage, avec un objectif : tripler d'ici à 2024 les déplacements quotidiens en covoiturage, pour atteindre les 3 millions. Klaxit dispose par exemple d'accords exclusifs avec des métropoles comme Nantes, Rouen ou Montpellier, et BlaBlaCar daily vient de signer un accord avec Nice métropole. Quelques régions, à savoir l'Île-de-France et les Pays de la Loire, subventionnent quant à elles plusieurs plateformes de covoiturage dont Klaxit et BlaBlaCar daily.

Car en réalité, pour les automobilistes qui deviennent passagers, le covoiturage domicile-travail n'est vraiment rentable que lorsque les collectivités le subventionnent, faute de quoi le coût de revient - situé entre 2 et 4 euros par trajet - égale quasiment le coût d'un plein d'essence.

« Dans les collectivités qui subventionnent Klaxit, le trajet devient gratuit pour le passager, si bien que de nombreux automobilistes se posent la question de passer passager et de se rendre ainsi au travail gratuitement », note Julien Honnart.

En Île-de-France un accord permet à tous les détenteurs d'un pass Navigo d'accéder gratuitement aux services proposés par les plateformes de covoiturage comme Klaxit et BlaBlaCar daily. Le prix est de 0.50 euro par trajet pour les autres usagers.

Quant aux conducteurs, qu'il soit subventionné ou non, le covoiturage est le gage de réaliser des gains significatifs. « En moyenne, le covoiturage permet aux conducteurs de diviser les frais de carburant par deux voire trois », confie ainsi le président de Klaxit, qui affirme qu' « un conducteur qui transporte deux passagers matin et soir sur vingt jours travaillés chaque mois et effectue ainsi quarante trajets, rémunérés 2 euros chacun, est assuré d'empocher 160 euros par mois (non imposés) ».

Et d'ajouter: « concrètement, un passager transporté rembourse les frais de carburant du conducteur et deux ou plus remboursent l'ensemble des frais du véhicule, comme l'assurance, l'entretien... ».

Même constat chez BlaBlaCar daily, où les conducteurs perçoivent au minimum trois euros par passager transporté, et peuvent ainsi s'assurer, en conduisant un travailleur de manière régulière, d'économiser « entre un et deux pleins d'essence par mois », selon Arthur Tahon. Depuis l'explosion des prix du carburant, BlaBlaCar daily connaît d'ailleurs pour la première fois une progression du nombre de conducteurs « plus rapide que l'augmentation du nombre de passagers ».

À noter que les conducteurs transportent en moyenne 2,4 passagers sur BlaBlaCar daily, contre 1,7 passagers chez Klaxit. A titre de comparaison, le nombre moyen de personnes dans les 16 millions de voitures sur la route chaque jour pour se rendre au travail en France se situe aujourd'hui à 1,1.

Installation de boîtiers de conversion au Superéthanol-E85

Face à la hausse des prix de l'essence, une autre alternative réside dans le recours au Superéthanol, un biocarburant moins coûteux, qui permet en moyenne de faire le plein pour un panier moyen compris entre 25 et 30 euros.

Parmi les automobilistes, le Superéthanol-E85 suscite un véritable engouement, qui s'explique avant tout par sa compétitivité-prix par rapport à l'essence. Aujourd'hui, le prix moyen du litre du Superéthanol-E85 est de 0.65 euro, contre plus d'1.65 euro le litre de sans plomb.

« En moyenne, le boîtier de conversion au bioéthanol permet d'économiser 50 euros par plein, puisque le plein de 50 litres passe de 82 euros à l'essence à 32 euros lorsqu'il est effectué au Superéthanol », confie à La Tribune Alexis Landrieu, le directeur général de Biomotors.

Biomotors est l'un des deux acteurs clés du marché - avec FlexFuel Energy Development - produisant des boîtiers homologués par l'Etat depuis décembre 2017 et pouvant être branchés sur la plupart des moteurs à essence, permettant aux automobilistes d'alterner entre essence et bioéthanol. Sachant qu'il faut compter « environ 900 euros par boîtier », celui-ci est donc « amorti en dix-huit pleins », précise Alexis Landrieu.

Seul bémol à noter : le Superéthanol entraîne une surconsommation de l'ordre de 20%, mais qui n'entrave pas l'avantage compétitif du biocarburant puisque « même avec une consommation supplémentaire de 20%, on peut se dire que le litre est à 0.78 centimes, ce qui est toujours plus avantageux que l'essence », observe Alexis Landrieu.

Alors que le cap des 2.000 boîtiers installés par mois a été franchi chez le leader Flex Fuel Energy, soit une augmentation de 66% depuis le début du mois d'octobre, le numéro 2 Biomotors enregistre une demande trois fois plus élevée qu'avant la hausse des prix du carburant.

« Nous étions à 800 boîtiers installés par mois en 2021, avant la flambée des prix de l'essence. Désormais, nous en commercialisons le double, avec entre 1500 et 2000 boîtiers vendus chaque mois », explique le directeur général de Biomotors.

À noter que l'installation d'un boîtier de conversion se fait obligatoirement dans l'un des 600 garages partenaires habilités et entraîne une modification sur la carte grise du véhicule. « Le changement permet de bénéficier d'une exonération de carte grise au moment du changement de propriétaire », souligne ainsi Alexis Landrieu (Biomotors), notant que trois régions subventionnent l'achat de boîtier à hauteur de 200 euros sur présentation de la facture d'achat (PACA, Hauts de France et la région Grand Est, qui subventionne même à hauteur de 500 euros puisqu'elle est la principale productrice d'éthanol en France).

En outre, les modèles compatibles E85, qu'ils soient modifiés via un boîtier homologué ou vendus par un constructeur, disposent aussi d'une exonération totale de la taxe régionale sur la carte grise dans la plupart des régions françaises (seuls la Corse et les territoires d'outre-mer ne prévoient aucun avantage particulier).

Et depuis un arrêté du 5 mars dernier, l'équipement d'un véhicule à essence avec le boîtier ne fait plus sauter la garantie du constructeur automobile, mais entraîne un transfert de garantie vers l'installateur du boîtier, à une condition : que le boîtier de conversion adopté fasse partie des boîtiers homologués par l'Etat.

Et le mouvement est double. Non seulement le nombre de boîtiers augmente de manière significative, mais les stations-essence sont en conséquence de plus en plus nombreuses à s'équiper pour être en mesure de fournir du bioéthanol E85 à la pompe. « À ce jour, une station-service sur trois en France propose du Superéthanol », estime Alexis Landrieu (Biomotors).

Au total, 2.500 stations sont équipées toutes marques confondues. TotalEnergies est le premier distributeur de Superéthanol E85 en France. Son nombre de sites de distribution équipés a quadruplé en trois ans, passant de 200 en 2018 à 800 en 2021, selon les données de l'AFP.

Accroissement du parc de véhicules flexifuel d'origine

La démocratisation des boîtiers de conversion au Superéthanol, pouvant être installés sous le capot de véhicules à essence, est un phénomène qui se répand petit à petit: la gamme de véhicules flexifuel, c'est-à-dire conçus pour fonctionner au Superéthanol-E85, s'agrandit. Si les véhicules compatibles avec l'usage de l'éthanol ne représentent pour l'heure que 1% du parc automobile, l'offre s'élargit petit à petit, et deux constructeurs se partagent aujourd'hui ce marché, Land Rover et Ford, tandis que les autres constructeurs s'abstiennent pour le moment.

Land Rover souhaite donc miser sur cette offre « différentiante » pour se démarquer et a enregistré au cours de l'année 2021, « un quart des commandes mensuelles pour des SUV en flexifuel », explique à La Tribune Olivier Bioteau, le directeur produit Jaguar Land Rover France. Ce dernier souligne également qu'il s'agit d'une offre « très pragmatique », puisque le Superéthanol-E85 est un carburant durable, produit en France à partir de betterave, de blé, de maïs et de résidus sucriers et amidonniers, qui permet de réduire les rejets de CO2 de 70% en moyenne par rapport à un carburant classique, et constitue en outre un « levier d'indépendance énergétique ».

Ford a aussi présenté début octobre cinq nouveaux modèles compatibles et compte se relancer en France en vendant une voiture sur deux au parfum d'E85 en 2022.

« À date, nous enregistrons un mix de moteurs flexifuel E85 de plus de 60% sur les modèles proposés », confie ainsi Fabrice Devanlay, directeur des relations publiques de Ford à La Tribune.

Comme son homologue de Land Rover, il précise que dans le contexte actuel de hausse des prix du carburant, les ventes de véhicules flexifuel dépassent les objectifs fixés, et que le triple avantage du Superéthanol, qu'il décrit comme « économique, écologique et patriotique », devrait lui permettre de conquérir de nouvelles parts de marché dans les années à venir.

En somme, si le parc de véhicules flexifuel est pour l'heure encore infime, celui-ci pourrait bien s'accroître si la hausse des prix du carburant perdure. Idem pour le covoiturage domicile-travail, qui semble enfin connaître le succès et pourrait bien, à terme, constituer une alternative durable à l' « autosolisme », aujourd'hui encore dominant. Une chose est sûre : comme le rappelle le directeur général de BlaBlaCar daily, au vu de la durée moyenne des trajets domicile-travail, qui s'élève à 30-35 kilomètres, et fait qu'ils « ne peuvent pas tous être substitués par le vélo ou les transports collectifs », l'usage de la voiture mérite d'être repensé.

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Commentaires 5
à écrit le 09/11/2021 à 11:17
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bien joli tout cela attention aux risques de casse si vous etes encore sous garantie n'y touchez surtout pas et apres la garantie si probleme moteur n'attendez pas un geste du constructeur vous etes perdant d'avance

le 09/11/2021 à 14:29
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On a plus de chances de rencontrer un troll qui un jour dira un truc intéressant c'est pour dire la marge qu'il y a. :-)

à écrit le 09/11/2021 à 8:52
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il faut taxer toutes ces strategies de contournement qui rechauffent la planete ( et surtout vident les caisses de l'etat qui fait de l'ecologie sociale et punitive)......j'attend avec impatience les nouvelles lois et normes ( accompagnees de leurs t...

à écrit le 09/11/2021 à 8:02
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L'éthanol fonctionne très bien dans des moteurs 16 soupapes sans boitier qui sont chers, qui consomment beaucoup et qu'en plus les mines ne valident pas. En mélangeant moitié essence moitié éthanol la plupart des 16 s tourneront parfaitement. Faut pa...

à écrit le 09/11/2021 à 3:34
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"Au gram dam " ! Mais les pigistes de ce journal se relisent-ils ? L'expression idoine est grand dam.

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