
> Pour aller plus loin, la série La Tribune : HOP, une saga au coeur d'Air France
Coup de tonnerre chez HOP et Air France. Le plan social de la filiale régionale d'Air France n'est pas homologué en l'état par l'administration du Travail. Le PDG de HOP, Pierre-Olivier Bandet, l'a annoncé ce mardi aux salariés dans un courrier que La Tribune s'est procuré.
"Nous avons reçu aujourd'hui une lettre d'observation de l'Administration en charge de l'homologation du projet de PDV-PSE (plan de départs volontaires-plan de sauvegarde de l'emploi, NDLR) de HOP!. Ce courrier nous demande de revoir certaines mesures prévues au Plan et applicables aux personnels navigants dans le cadre du PDV-PSE. Nous ne partageons pas toutes les observations de l'Administration, nous devons néanmoins prendre en compte ses demandes pour pouvoir assurer la mise en œuvre rapide du Plan. Nous regrettons ce nouveau délai qui entraîne une inquiétude supplémentaire, mais notre objectif reste de fiabiliser le Plan de Départs afin de sécuriser l'avenir de notre compagnie", écrit Pierre-Olivier Bandet.
Et d'ajouter :
"Un CSE extraordinaire sera convoqué très rapidement afin d'échanger sur la situation avec les représentants du personnel. Nous rencontrerons aussi les organisations syndicales représentatives afin d'identifier les modifications requises par l'Administration qui nécessiteront de repenser les modalités de reclassement au sein du groupe pour les navigants. Dans la crise sans précédent que nous traversons, je tiens à préciser que le plan industriel de HOP! n'est pas remis en cause".
Les règles de reclassement se heurtent aux accords d'entreprise d'Air France
Tout est dit dans ce courrier. La Direccte des Pays de la Loire (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi), l'administration officiellement en charge de ce dossier, a pointé le problème litigieux de ce plan qui concerne 1.007 personnes sur 2.400 : celui du reclassement des personnels navigants, pilotes, hôtesses et stewards. En effet, dans le dossier envoyé à la Direccte, ne figurent ni le principe du maintien d'un poste équivalent, ni celui d'une reprise de l'ancienneté, contrairement à ce que prévoit le code du travail.
La raison était simple : personne à la direction d'Air France n'avait envie de se froisser avec les syndicats de navigants de la compagnie, très sensibles à ce sujet, en particulier les pilotes. Un maintien de l'ancienneté et du poste serait contraire aux règles d'embauche inscrites dans les accords d'entreprise des navigants d'Air France. Celles-ci sont claires, notamment chez les pilotes : quel qu'il soit, d'où qu'il vienne, tout nouvel embauché doit avoir passé avec succès la sélection d'Air France (sauf en cas de fusion) et commencera sa carrière dans la compagnie au bas de l'échelle, à savoir copilote sur avion moyen-courrier.
Conséquence pour les pilotes d'Air France, un commandant de bord de HOP avec 20 ans d'ancienneté reclassé chez Air France doit commencer sa carrière au sein de la maison-mère comme copilote sur A320 ou sur B737 de la filiale Transavia, (puisque chez cette dernière les pilotes sont tous des pilotes d'Air France), avec une forte chute de rémunération, même avec l'obtention d'une prime compensatrice proposée par le groupe Air France (un mois de salaire multiplié par le nombre d'ancienneté plafonné à 12 ans). Si un tel procédé est acceptable pour les jeunes copilotes, il ne l'est pas pour les commandants de bord. Ils y voient une injustice, alors qu'ils sont, pour certains, dans le groupe Air France depuis une vingtaine d'années. Une injustice qui a, à leurs yeux, d'autant moins de sens aujourd'hui avec l'arrêt de toute activité commerciale en propre de HOP, puisqu'en septembre 2019 HOP est devenue une société d'affrètement pour Air France.
Ligne rouge
Bien avant l'annonce d'un plan de suppressions de postes en juillet 2020, le syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) de HOP avaient tenté de convaincre le SNPL Air France d'assouplir ses règles. En vain. Pour ce dernier, le respect des règles d'embauche en vigueur à Air France constitue une ligne rouge à ne pas franchir. Dans toutes les compagnies aériennes du monde, la liste de séniorité des pilotes est cruciale. Appelée liste de classement professionnel (LCP), elle définit en effet les actes de carrière des pilotes de la compagnie (passage par exemple de copilote à commandant de bord), et donc sa rémunération.
Reprendre les pilotes de HOP avec leur ancienneté reviendrait en effet à les faire passer pour certains devant des pilotes d'Air France dans la liste de séniorité. Les plus anciens commandants de bord pourraient même entrer directement commandant de bord long-courrier, prenant ainsi la place de pilotes d'Air France.
Nécessaire de mettre en oeuvre le plan de départs, dit Air France
Une nouvelle négociation sur le même schéma semble difficile. Certains poussent à maintenir le plan pour les seuls personnels au sol et de régler le sureffectif pilotes par une rupture conventionnelle collective (RCC), comme ce fut le cas cet automne à Air France, comme le demandait le SNPL Air France. Avec le risque que cette RCC ne suffise pas à absorber le sureffectif de pilotes.
"Face à une crise dont l'impact est considérable sur son activité, HOP! doit impérativement poursuivre sa transformation et se restructurer. Malgré le délai imposé aujourd'hui, il est plus que jamais nécessaire de mettre en œuvre le Plan de Départs dans les meilleurs délais afin de sécuriser l'avenir de la compagnie", a réagi Air France.
En attendant, la Direccte a été claire : si HOP ne peut régulariser sa demande d'homologation "dans les délais impartis par le délai d'instruction, la compagnie est "invitée" à réitérer sa demande. "Dans le cas contraire, l'administration du Travail ne pourra "pas y donner une suite favorable".
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