Décarbonation de l'économie : Keolis y travaille encore, Spie accélère

Parmi les premiers interlocuteurs des élus locaux et des collectivités territoriales, Keolis et Spie viennent de dévoiler leurs résultats annuels 2022. L'opérateur de transports publics se présente en « pierre angulaire » de la décarbonation mais travaille encore à l'analyse de ses scopes 1, 2 et 3 - émissions directes de CO2, consommations d'énergie et achats fournisseurs. Chez le « leader européen indépendant des services multi-techniques dans les domaines de l'énergie et des communications », les émissions de dioxyde de carbone baissent, mais le groupe n'est pas exempt de contradictions... Décryptage.
César Armand
(Crédits : Reuters)

C'est un impératif qui s'impose à tous les décideurs privés et publics : atteindre la neutralité carbone en 2050. Qu'elles soient dans les transports publics et le stationnement aux côtés des acteurs politiques (Keolis) ou dans les services écologiques aux collectivités et aux entreprises (Spie), les sociétés cotées, ou non, n'ont plus le choix. Dans les trente ans qui viennent, elles doivent réduire leurs émissions directes de gaz à effet de serre (scope 1), leurs consommations d'énergie (scope 2) et leurs achats carbonés (scope 3). Dans l'idéal, ces trajectoires bas-carbone doivent être validées par le SBTi, le Science-based target initiative, notamment porté par l'ONU pour limiter le dérèglement climatique.

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Keolis se présente en « pierre angulaire » de la décarbonation...

Dans le lot des majors regardées à la loupe, Keolis et Spie ont présenté leurs résultats annuels 2022 ce 10 mars 2023. Outre le fait que Patrick Jeantet a été président du directoire de la première de janvier à juin 2020, avant de devenir administrateur référent de la deuxième en avril 2021, ces deux compagnies se présentent, toutes les deux, comme des « pierres angulaires de la transition écologique et de la décarbonation » de l'économie.

L'opérateur de transports publics en France à l'international a ainsi rappelé qu'il s'était fixé comme objectif de réduire de 30% ses émissions de gaz à effet de serre en 2030, sur la base de celles de 2019, « en multipliant par trois les kilomètres opérés avec des énergies alternatives ». Rien que pour l'année 2022, Keolis, revendique d'avoir parcouru 400 millions de km en énergies alternatives, dont 45% en électrique, soit plus d'un tiers de son parc d'exploitation.

« Keolis accompagne la métropole de Dijon dans son projet de développement de l'hydrogène, la métropole d'Orléans dans sa stratégie de mix électrique [...] Un accord a également été signé avec Iveco France [autocariste, Ndlr] et Forsee Power [producteur de batteries, Ndlr] pour améliorer la connaissance du fonctionnement des batteries des bus électriques [afin de] mieux maîtriser le vieillissement des batteries et optimiser l'utilisation des véhicules », écrit le groupe dans la déclaration transmise à la presse.

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...mais travaille encore à l'analyse de ses scopes 1, 2 et 3

De même qu'il déclare réduire son impact environnemental en renouvelant les véhicules, en faisant du rétrofit, en valorisant les mobilités actives - vélo, marche... -, en maîtrisant ses consommations d'énergie et d'eau ainsi que sa production de déchets, ou encore en préservant la biodiversité. Et ce avec des plans de sobriété et d'efficacité énergétique dans chacune de ses entités.

Sans pour autant se fixer des objectifs en matière de scope 1, 2 et 3 - émissions directes, consommations d'énergie et bilan carbone de ses fournisseurs -...

« Si, nous travaillons à l'analyse de nos scopes 1, 2 et 3, mais nous n'avons pas encore fixé d'objectifs de manière complètement structurée. Au-delà des chiffres, ces indicateurs doivent avoir une déclinaison locale. Une partie de la flotte que nous avons en bus ou en trams dépend en effet des pays et des autorités organisatrices », rétorque à La Tribune la présidente du directoire Marie-Ange Debon.

« Par exemple, opérer un bus en France ou en Australie n'a pas du tout le même impact en termes de scope. Là-bas, la composition de l'électricité est très fossile, à la différence de la France où elle est nucléaire et verte. L'effet scope n'a donc rien à voir avec des ratios de 1 à 5. Idem à Dubaï où l'intensité CO2/Km par passager varie selon les fluctuations de la fréquentation », ajoute-t-elle.

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Chez Spie, les émissions de dioxyde de carbone baissent...

A contrario, Spie progresse sur la réduction de son empreinte carbone. Celle qui se présente comme le « leader européen indépendant des services multi-techniques dans les domaines de l'énergie et des communications » qui revendique la place de numéro 1 aux Pays-Bas, de numéro 2 en Allemagne et de numéro... 4 en France entend baisser de 25% ses émissions de CO2 d'ici à fin 2025. Sur les scopes 1 et 2, elle l'assure : les tonnes de dioxyde de carbone émises ont chuté de 9% par rapport à 2019.

En revanche, sur le scope 3, la boite cotée au SBF 120 est encore loin de ses objectifs. Si elle s'est aussi engagée à ce que 67% de ses fournisseurs aient également défini des objectifs de réduction de leur gaz à effet de serre fondées sur des données scientifiques, cette part n'est que de 29% contre 17% en 2021.

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Comment Spie compte-t-elle rattraper son retard d'ici à fin 2025 ?

« Nous achetons déjà en écrasante majorité sur le territoire européen auprès de grandes entreprises engagées sur cette trajectoire. De même que les PME vont devoir s'y mettre du fait de la loi Climat », réplique la directrice de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), Isabelle Lambert.

D'autant que dès 2019, Spie a fait certifier par PwC sa conformité avec les exigences de la taxonomie européenne, c'est-à-dire qu'elle classe ses activités économiques selon leur impact favorable sur l'environnement. Si 58% de son chiffre d'affaires est éligible à cette labellisation, seuls 46% sont alignés avec ce standard voté par le Parlement européen en juillet dernier, alors qu'elle vise 50% de sa production en 2025.

Sa directrice RSE regrette ainsi que ses services numériques et ses actions d'efficacité énergétique au service de l'industrie ne soient pas prise au compte « au même titre » que la décarbonation des bâtiments.

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...mais le groupe n'est pas exempt de contradictions

Pour être dans les clous, « il faudrait qu'on puisse apporter de l'efficacité énergétique sur des data centers ou que nous installions des panneaux photovoltaïques sur nos antennes 4G et 5G », affirme Isabelle Lambert.

Le groupe n'est pas non plus exempt de contradictions. Son activité « Oil & Gas and Nuclear » représente encore 6% de son chiffre d'affaires - contre 7% en 2021, et ce alors qu'en mars 2022, son PDG avait fait savoir que Spie se trouvait « dans une phase où le développement des énergies renouvelables [les] impact[ait] davantage et significativement ».

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« C'est un métier où il y a aussi des travaux vertueux à faire », s'est justifié aujourd'hui Gautier Louette.

« Nous travaillons sur l'optimisation des consommations énergétiques des installations pétrolières par baril et par mètre cube tout comme nous accompagnons nos clients qui ont une politique de diversification », a-t-il poursuivi, prenant en exemple une ferme solaire pour Total au Moyen-Orient.

Son organisation commence également à pivoter. Pas plus tard que le 2 janvier dernier, ses services ont annoncé la création d'une entité spécialisée dans la gestion des bâtiments tertiaires publics et privés, un marché à plusieurs milliards d'euros.

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César Armand

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