Neutralité carbone en 2050 : comment Bouygues, Eiffage, La Poste et Saint-Gobain avancent vers cet objectif

Au premier plan de la fabrique de la ville, les groupes Bouygues, Eiffage, La Poste et Saint-Gobain viennent de présenter leurs résultats annuels 2022. Chacune de ces quatre sociétés cotées - ou pas - au CAC 40 ou au SBF 120 ont annoncé de nouvelles initiatives pour décarboner leur bilan et activités.
César Armand
(Crédits : Reuters)

Quels sont les trois points communs à Eiffage, Bouygues, La Poste et Saint-Gobain ? Primo, les quatre entreprises ont présenté leurs résultats annuels ce 23 février 2023. Deuzio, elles participent, chacune, à la fabrication de la ville en interaction avec les responsables politiques, publics et privés : Eiffage et Bouygues érigent des infrastructures et des bâtiments, grâce à des matériaux fournis, notamment, par Saint-Gobain ; le groupe La Poste, lui, est présent sur tout le territoire avec ses bureaux, ses colis ou encore ses entrepôts logistiques. Tertio, toutes maîtrisent parfaitement le vocabulaire de la neutralité carbone - objectif fixé à horizon 2050 - : scope 1 pour leurs émissions directes de gaz à effet de serre - chauffage, carburants des véhicules -, scope 2 pour les émissions indirectes de GES liées à l'énergie - c'est-à-dire liées à la fabrication d'un produit par exemple - et le scope 3 pour celles liées à l'achat de produits et de service ou celles corrélées à leurs usages. Sans oublier la validation de leur trajectoire carbone par le SBTi, le Science-based target initiative, notamment porté par l'ONU pour limiter le dérèglement climatique.

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Chez Bouygues, les trajectoires de décarbonation en cours de validation

Premier de la journée à s'exprimer, le groupe Bouygues a fait un point d'étape sur la certification SBTi de ses cinq métiers. Après Colas, spécialisé dans la rail et la route validé dès 2021, toutes les autres entités ont déposé leur dossier, a déclaré le directeur général Olivier Roussat.

Si la trajectoire de décarbonation de Bouygues Télécom a été validée dès 2022, celle de Bouygues Construction, de Bouygues Immobilier et TF1 est « attendue » pour cette année.

La dernière-née du groupe, Equans, rachetée à Engie en novembre 2021, spécialisée dans les installations électriques, la mécanique, la robotique, le numérique et le services généraux, a lancé un audit de son « empreinte carbone mondiale » et vise un dépôt de son dossier en 2024.

A cet horizon, la multinationale au logo orange devrait avoir consommé une enveloppe de 2,2 milliards d'euros, débloquée l'an dernier pour les années 2023 et 2024, pour agir sur les scopes 1, 2 et 3.

Interrogé par La Tribune sur un point d'étape, le directeur général délégué du groupe chargé, notamment, de la RSE et de l'Innovation, Edward Bouygues a refusé de donner « un chiffre ou un pourcentage », mais la situation est « en ligne » avec les prévisions initiales.

« Nous avons réalisé des réunions dans chacun de nos métiers avec nos fournisseurs et leur avons demandé de travailler sur une forte baisse de leurs émissions dans chacune des catégories de produits et de services », a-t-il ajouté. « Nous testons des choses ensemble comme le passage à des engins plus vertueux. J'ai par exemple le sentiment que l'hydrogène sera davantage une solution que la batterie sur les grosses machines », a-t-il encore précisé, en privé, à l'issue de la conférence.

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Un 3ème rapport climat et un 2ème sur la biodiversité chez Eiffage

Également engagé dans la lutte contre le dérèglement climatique, Eiffage a publié, en 2022, son 3ème rapport climat, soumis sa démarche bas-carbone au SBTi, et déposé à l'Office français de la biodiversité son rapport de suivi de son plan d'action 2020-2022 et son nouveau plan 2023-2025.

Le troisième groupe de BTP français a également mis en place, « pour la première fois », des indicateurs de la taxonomie européenne, c'est-à-dire classé ses activités économiques selon leur impact favorable sur l'environnement. Si 45,8% de son chiffre d'affaires est éligible à cette labellisation, seuls 16,7% sont alignés avec ce standard voté par le Parlement européen en juillet dernier, a semblé regretter son PDG Benoît de Ruffray.

« La liste des critères techniques est très détaillée », a expliqué Christian Cassayre, son directeur financier, interpellé par La Tribune sur l'écart entre ces deux pourcentages. Par exemple, les véhicules électriques sont éligibles, mais pour être alignées, le taux de recyclage des composants doit être de 90%. Idem avec le bâtiment neuf éligible à 81%, mais dont les critères d'alignement sont tels qu'à la fin, seul 1% est validé. En cause : les matières premières polluantes qui entrent dans la fabrication des matériaux de construction. Autrement dit, les fournisseurs d'Eiffage doivent encore améliorer la décarbonation de leurs procédés de fabrication.

En attendant, la major au logo rouge et noir a déjà développé son propre enrobé - revêtement de chaussée - baptisé « Biophalt » pour l'autoroute A40 qu'elle a en concessions sous la marque APRR. Né dans ses laboratoires, il repose sur l'utilisation des liants biosourcés - c'est-à-dire d'origine naturelle - à la différence des autres chimistes de la construction qui ont tendance à recourir à des hydrocarbures.

En plus des concessions autoroutières, Eiffage va investir pour couvrir et couvrir son parc aéroportuaire de panneaux photovoltaïques pour y réaliser au moins 50% d'autoconsommation.

En parallèle, Eiffage accélère dans la rénovation, faute de réservations de logements neufs à des niveaux satisfaisants. Des opérations dans des parcs sociaux encore occupés qui redonnent même de l'attractivité aux métiers du BTP, a affirmé le patron. Outre l'intérêt pour la transition écologique des jeunes ingénieurs travaux, ces affaires de plus en plus complexes sur le plan technique, qui nécessitent de développer aussi des relations avec les locataires, constituent « une très bonne école très exigeante », a poursuivi Benoît de Ruffray.

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La Poste veut atteindre la neutralité carbone avec dix ans d'avance

Sans transition, le groupe La Poste a, lui, martelé ses engagements de réduction des émissions sur les scopes 1, 2 et 3 à horizon 2030 et son objectif de « zéro émission nette » en 2040, soit avec dix ans d'avance sur la réglementation nationale. Chez GeoPost/DPDgroup, la branche chargée de la livraison de colis en France et à l'international, la trajectoire a été validée par le SBTi : il s'agit de réduire de 43% d'ici à 2030 avant le zéro en 2040.

Concrètement, dans les sept ans qui restent, il s'agit de baisser de 68% les émissions par colis, a précisé son patron Yves Delmas, sollicité par La Tribune. Pour l'échéance 2040, il s'agit de les faire chuter de 90%. Les 10% restants, dus au transport aérien, se feront par capture de C02, mais il n'a pas été précisé comment...

S'agissant de la Banque postale, qui s'est engagée depuis longtemps à ne plus financer le gaz et le pétrole à horizon 2030, elle s'est engagée à baisser de 48% ses émissions et à atteindre des objectifs déterminés par le SBTi sur 85% de son portefeuille de financements et d'investissements d'ici à 2030.

« Nos clients doivent être les acteurs de la transition en y participant eux-mêmes avec notre gamme de produits et de services », a martelé son patron Philippe Heim.

Pour le PDG du groupe Philippe Wahl, de par sa mission de service public, « le leadership écologique et la lutte contre le dérèglement climatique constituent une nouvelle mission d'intérêt général ». « Nous devons être leader dans ce domaine. En convertissant nos activités et nos bilans, nous nous protégeons contre les explosions des prix du carbone à venir », a-t-il enchaîné.

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Les émissions de gaz à effet de serre chutent chez Saint-Gobain

Saint-Gobain accroît, lui aussi, ses investissements dans la transition écologique. Dans le cadre de sa feuille de route pour atteindre la neutralité carbone publiée en novembre 2020, le fabricant et distributeur coté de matériaux de construction et de verres avait annoncé le déblocage annuel de 100 millions d'euros pour la recherche et le développement. En 2022, le montant alloué à la décarbonation a même été supérieur : 130-140 millions, tant est si bien que son directeur général Benoit Bazin prévoit déjà 200 millions d'euros pour 2023.

Dans le même esprit, la part de l'électricité verte, qui avait doublé de 20 à 40% en 2021, dans ses processus de production, est désormais de 50% et devrait atteindre les 75% en 2025. Les prix du carbone, ce levier économique permettant d'intégrer dans les prix du marché les coûts des dommages causés par ses propres émissions, ne varient pas en revanche. Ils demeurent de 75 euros pour les investissements industriels et de 150 euros pour la R&D.

Cela a permis à l'ex-Manufacture des glaces de proposer, depuis 2022, la première offre de verre bas-carbone - 40% de CO2 en moins que le verre traditionnel et déjà acheté par Bouygues Construction, Icade ou Nexity -, des plaques de plâtre avec 50% de plaque recyclé ou même de la laine de verre avec 55% de produits recyclés. Tant est si bien que son patron Benoit Bazin l'assure : entre 2017 et 2022, les tonnes de CO2 émises par Saint-Gobain ont baissé de 27%. Rapportés à l'intensité du chiffre d'affaires, elles ont même chuté de 42% !

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César Armand

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