Paris, Dubai, Doha..., quels aéroports gagneront la bataille des hubs ?

L'essor des aéroports du Golfe persique et de Turquie chamboule les flux de trafic long-courrier et concurrence fortement les hubs historiques, notamment ceux d'Europe et d'Asie. La "guerre des hubs" sera l'un des sujets du Paris Air Forum (organisé le 21 juin par La Tribune) sur lequel débattront Paul Griffiths, CEO de Dubai Airports, et Augustin de Romanet, PDG du groupe ADP.
Fabrice Gliszczynski

Paris, Amsterdam, Londres, Francfort, Madrid, Dubaï, Doha, Abu Dhabi, Istanbul, Bangkok, Singapour, Kuala Lumpur ..., plus que jamais la bataille du transport long-courrier sera demain une bataille de hubs, ces aéroports où les passagers font des transits dans leur voyage pour prendre un autre vol en correspondance et se rendre vers leur lieu de destination.

Doublement du trafic aérien d'ici à 20 ans

Même si le nombre de vols "non-stop" augmentera plus vite sur le long-courrier que celui des vols en connexion, du fait de l'arrivée d'avions à long rayon d'action qui permettent de court-circuiter les grands nœuds de correspondances, les itinéraires avec escale (45% des déplacements selon l'Iata) continueront également de croître en valeur absolue en raison de la croissance globale du trafic aérien, appelée à doubler d'ici à 20 ans, à 7 milliards de passagers.

Surtout, avec l'essor des hubs du Moyen-Orient depuis une dizaine d'années (Dubaï, Abu Dhabi, Doha, Istanbul), le champ de bataille s'élargit considérablement avec des modifications sensibles des flux de trafic.

La bataille des hubs n'est plus que régionale

Jusque-là, les schémas étaient relativement simples. En Europe par exemple, les compagnies disposant d'un réseau international ont créé dans les années 1990 des systèmes de correspondances très pointus sur leur base aéroportuaire principale (Roissy pour Air France, Amsterdam pour KLM, Francfort pour Lufthansa, Londres-Heathrow pour British Airways, ...), leur permettant d'aller chercher des passagers partout en Europe pour les ramener sur leur base principale et alimenter leurs vols long-courriers. La bataille était uniquement régionale. Le schéma était le même en Asie du sud-est avec la rivalité entre Bangkok, Singapour et Kuala Lumpur.

Aujourd'hui, ces schémas demeurent mais sont bousculés par les compagnies du Golfe, Emirates (Dubai), Etihad (Abu Dhabi), Qatar Airways, mais aussi de Turkish Airlines, notamment quand elles ouvrent des lignes directes entre les métropoles régionales européennes et leur hub du Moyen-Orient. Un tel procédé leur permet de court-circuiter les grands hubs européens sur les axes reliant l'Europe au Moyen-Orient, l'Inde, l'Asie centrale et du sud-est, l'Australie, l'Afrique de l'est et australe.

Un Lyonnais, par exemple, qui passe par Paris, Francfort ou Munich pour se rendre à Bangkok peut désormais transiter par Dubaï en utilisant le vol direct Lyon-Dubaï d'Emirates, ou par Istanbul en utilisant Turkish Airlines.

Nouvelle donne sur les correspondances entre vols long-courriers

La concurrence du Moyen-Orient redistribue également les cartes du marché des correspondances entre deux vols intercontinentaux. Plaques tournantes pour les grands flux de trafic entre, par exemple, l'Amérique du Nord et l'Inde ou entre l'Asie et l'Afrique, les grands hubs européens sont, là aussi, sous la pression des hubs du Moyen-Orient, à partir desquels Emirates, Qatar Airways, Etihad Airways ou encore Turkish Airlines ont bâti des réseaux immenses qu'elles exploitent avec des flottes d'avions à long rayon d'action.

Un passager chinois souhaitant se rendre en Afrique n'est plus obligé de passer par l'Europe (Paris essentiellement), mais peut aujourd'hui transiter par le Golfe ou Istanbul. Idem pour les Américains souhaitant aller en Inde.

Quelle connectivité directe pour l'Europe?

Enfin, l'essor des compagnies du Moyen-Orient menace la connectivité directe des grands aéroports européens et asiatiques. En fragilisant les compagnies européennes, au point de les contraindre à fermer des lignes, elles détricotent ainsi le nombre de dessertes directes proposées au départ des grands hubs européens. L'enjeu dépasse le cadre aéroportuaire puisqu'il touche au rayonnement économique politique et diplomatique des pays européens. Quand Emirates assure 7 vols quotidiens entre Dubaï et Bangkok, et une centaine entre l'Europe et Dubaï, les chances pour les compagnies européennes et thaïlandaises de maintenir leur desserte sur cet axe s'effondrent. Au point où certains se demandent si dans 20 ans, tout le trafic des aéroports européens vers l'Asie du sud-est ne va pas transiter par le Golfe.

Aujourd'hui, déjà, le volume de correspondances entre deux vols intercontinentaux de l'aéroport Dubaï est 3,6 fois supérieur à ceux de Londres, Paris et Francfort réunis !

Un exemple qui traduit la puissance et l'attractivité de ces hubs du Moyen-Orient. Leurs atouts sont nombreux. Leur situation géographique est idéale, leurs infrastructures financées essentiellement par l'Etat sont modernes et efficaces, et leurs compagnies, soutenues pour certaines directement ou indirectement par leurs Etats-actionnaires, sont dynamiques. Pour ces Etats, transport aérien et tourisme sont stratégiques. C'est pourquoi ils donnent à leurs compagnies aériennes les moyens de leurs ambitions en mettant à leur disposition un outil aéroportuaire ultra-performant

Des projets aéroportuaires colossaux au Moyen-Orient

Que se passera-t-il demain ? Au regard des projets aéroportuaires pharaoniques au Moyen-Orient, les hubs d'Europe et d'Asie du sud-est peuvent trembler. Les aéroports du Moyen-Orient vont atteindre des tailles jamais observées dans l'histoire du transport aérien. Le prochain aéroport d'Istanbul pourra en effet accueillir jusqu'à 160 millions de passagers par an, le double du trafic de Roissy en 2015. Une fois achevé, le nouvel aéroport de Dubaï pourra en accueillir autant. Un développement qui fait débat.

 "Au total, les aéroports de la région pourront accueillir un demi-milliard de passagers au cours des prochaines années. On peut raisonnablement penser qu'il y a une sorte de bulle", explique un expert aéroportuaire.

D'autres estiment au contraire que les capacités des aéroports du Golfe sont réalistes. Et ne font qu'accompagner la croissance effrénée du trafic aérien (plus de 5% par an d'ici à 20 ans), sans porter préjudice aux aéroports européens.

Capacités pistes

Compliqué de faire des pronostics. En fait, les éléments qui influeront sur cette guerre des hubs sont multiples. Tout d'abord, celle-ci dépendra de la capacité des grands hubs européens à augmenter leur capacité pistes (ce qui est compliqué pour des raisons environnementales), et à continuer d'améliorer leur qualité de services pour pouvoir rivaliser avec leurs homologues du Moyen-Orient, mais aussi leur compétitivité pour contribuer à améliorer celle des compagnies européennes, aujourd'hui à la peine face à leurs concurrentes du Moyen-Orient.

Le jeu des alliances

Cette guerre des hubs dépendra également du jeu des alliances du ciel. Signée début 2016, l'alliance entre l'américaine Delta, Air France-KLM et l'indienne Jet Airways constitue, par exemple, un bon bouclier contre les compagnies du Golfe pour continuer à faire passer les flux de trafic entre les Etats-Unis et l'Inde (10.000 passagers par jour selon le PDG d'Air France-KLM, Alexandre de Juniac) par l'Europe. L'alliance entre Air France-KLM et China Eastern et Southern est également un bel atout pour continuer de faire transiter les passagers chinois se rendant en Afrique par Paris.

A l'inverse, la capacité de certaines compagnies du Golfe de bâtir leur propre système d'alliances est impressionnante. En signant un partenariat stratégique avec Qantas, Emirates a réussi à convaincre la compagnie australienne de transférer son hub international de Singapour à Dubai. S'il perdure, le modèle de prises de participations capitalistiques aux quatre coins du globe d'Etihad contribuera, quant à lui, à attirer du trafic vers Abu Dhabi.

Mais l'issue de la bataille des hubs de demain dépendra aussi de la capacité des compagnies du Moyen-Orient, essentiellement du Golfe, à pouvoir développer leur réseau. Autrement dit, de la capacité des Emirats et du Qatar à pouvoir résister aux Etats européens, américains et autres, qui souhaitent geler ou encadrer l'obtention de nouveaux droits de trafic (autorisations de vols). Ce qui est encore loin d'être acquis.

Paf

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 7
à écrit le 31/05/2016 à 3:25
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Pour avoir fait 2 transits chacun de 8h à Doha pour un aller retour Paris-Vietnam par Qatar Airways, je confirme que ce hub devrait d'abord améliorer son wifi gratuit dont la vitesse ridicule n'atteint que 1mb/s en heure creuse et 0,2mb/s en heure de...

à écrit le 29/05/2016 à 18:00
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Qu'adviendra t-il lorsque le survol de la Russie sera interdit ? Berlin et Paris ont coupé les ponts . Etait-ce bien raisonnable ?

à écrit le 27/05/2016 à 15:56
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Le transfert d'un avion à l'autre en pleine nuit que ce soit à Doha ou à Dubaï sont un des bons (!) souvenirs de ma vie professionnelle. Autant dire que si je peux l'éviter maintenant, je l'évite. Tous les aéroports d'Europe ont un défaut difficile...

à écrit le 27/05/2016 à 15:51
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Je n ai jamais pris un avion de ma vie . J espère que Paris n aura pas un hub géant . La pollution est entrain de nous tuer ! Alors les avions pollueurs OUT !

à écrit le 27/05/2016 à 13:07
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A voir ! Reste que ce soit pour raisons personnelles et/ou professionnelles, nous évitons Paris. Trop de grèves, trop de lourdeurs et si peu de convivialité. Et, nous préférons/privilégions les escales/transits à l'étranger avec une préférence pour A...

le 20/01/2017 à 12:23
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Le changement a Madrid est excellent,simple ,rapide . Franchement chapeau aux espagnols. Roissy est très compliqué.

à écrit le 27/05/2016 à 13:06
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Depuis l'aeroport de Lyon, je voyage avec Turkish Airlines pour me rendre a mes destinations. Je n'ai jamais connu une compagnie avec un si bon service que Turkish Airlines. Je recommande a chacun cette compagnie aerienne.

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