Le coavionnage face aux défis de la réglementation

Le vol à frais partagés s'ouvre depuis quelques temps au grand public via des plateformes numériques, sortes de Blablacars de l'aviation légère, qui mettent en relation des pilotes privées avec des passagers. Mais il se heurte à la volonté de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) d'encadrer plus fortement cette pratique. Ce thème a fait l'objet d'un débat passionné entre Emeric de Waziers, co-fondateur de la plateforme de coavionnage Wingly, Patrick Cipriani, Directeur de la sécurité de la DGAC et Jean-Luc Charron, vice-président de la fédération française de l'aéronautique, lors de la troisième édition de Paris Air Forum, organisée le 21 juin par La Tribune à la Maison de la Chimie.

Partager les frais de vol entre des pilotes privés et des passagers via une plateforme Internet : c'est le pari du coavionnage, une tendance qui commence à décoller dans l'Hexagone dans le domaine de l'aviation légère. Si le partage de vols n'est pas en soi une pratique nouvelle - il est en effet autorisé dans le cadre du transport privé, moins réglementé que le transport commercial, - il s'ouvre aujourd'hui au grand public. D'un côté, les pilotes, qui s'inscrivent sur le site Internet en renseignant leur licence et en postant leur offre. De l'autre, le passager, qui peut réserver cette dernière.

D'après Emeric de Waziers, co-fondateur de la plateforme de coavionnage Wingly, cette activité est orientée vers le loisir et concerne des promenades aériennes ou des vols reliant deux villes. Une sorte d'Uber ? Pour lui, ce serait plutôt comparable à Blablacar, « même si l'activité n'est pas vraiment celle de transport mais plus de loisir. L'offre vient du pilote et en aucun cas celui-ci ne va faire un bénéfice ».

La sécurité, une priorité

Seulement voilà, le coavionnage doit faire face à l'insistance de la Direction générale de l'aviation civile(DGAC) quant à l'encadrement de l'aspect de la sécurité des usagers. Ayant réuni à l'automne dernier un groupe de travail avec des sites Internet de coavionnage, la Fédération française d'aéronautique ou encore des représentants des personnels navigants techniques, elle a conclu que les acteurs du coavionnage devraient se doter d'un certificat de transport aérien (CTA) et d'une licence d'exploitation. « La nouveauté qu'apportent les sites de coavionnage est d'ouvrir cette pratique à un très large public et plus que cela, d'offrir dans bien des cas un réel service de transport », a estimé

Patrick Cipriani, Directeur de la sécurité de l'aviation civile de la DGAC. Et cela pose problème. « Non pas d'un ordre économique », mais de sécurité. Pour lui, « s'il y a plus d'accidents en aviation de loisirs, ce n'est pas un hasard. Les exigences de l'aviation de transport sont très élevées ». C'est bien là que se situe le cœur du problème réglementaire : « la DGAC considère que la manière dont ces sites sont aujourd'hui organisés fait qu'on a quitté la sphère du loisir partagé entre connaissances et qu'on est entré dans autre chose qui exige des règlements plus exigeants pour garantir un niveau de sécurité satisfaisant aux passagers », affirme-t- il.

Objectif destination

Emeric de Waziers, pour sa part, ne manque pas d'arguments. Face à ce qu'on appelle « l'objectif destination », autrement dit la volonté d'un pilote de poursuivre à tout prix le vol même si les conditions de sécurité ne sont pas réunies, pour s'assurer que les pilotes ne subissent aucune pression supplémentaire, Wingly assure « une communication intensive et une sensibilisation des passagers ». Par ailleurs, le site vérifie l'expérience et la licence du pilote, d'après son co-fondateur qui brandit en outre le cadre européen : « L'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) a confirmé en mars dans une lettre envoyée aux plateformes que le coavionnage était bien légal ».

Quant à la Fédération française d'aéronautique, elle étudie le dossier, indique son vice-président, Jean-Luc Charron. Mais outre les aspects réglementaires, se posent aussi des questions fiscales ou encore celles des assurances. Le coavionnage devra s'armer de patience...

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