Les mesures de réduction de coûts que prendront les compagnies aériennes pour survivre à la crise sans précédent qu'elles traversent vont-elles faire bouger les lignes en termes de compétitivité intrinsèque? Vont-elles en effet conforter les tendances qui prévalaient avant la crise du Covid-19? Les renforcer? ou au contraire les modifier?
Toutes les compagnies aériennes ont pris des mesures d'urgence pour préserver leur trésorerie pendant la phase de l'arrêt des vols. Et toutes vont se restructurer pour afronter une phase de reprise qui s'annonce poussive puisqu'il faudra plusieurs années avant de retrouver les niveaux de trafic d'avant crise. Les compagnies aériennes vont diminuer de taille pour s'ajuster leurs moyens de production à un trafic qui sera inférieur pendant quelques années à ce qu'il était jusqu'ici. Elles vont donc être plus petites avec moins d'avions et de personnels, mais aussi, pour certaines, des conditions de travail de rémunération revues à la baisse. Objectif : survivre bien entendu, mais aussi avoir un avantage compétitif par rapport aux concurrents et attirer les investisseurs dans la perspective des augmentations de capital qui risquent d'être nécessaires l'an prochain pour un grand nombre d'acteurs.
Réduction de 16% des effectifs
Dans ce contexte, à trois semaines de l'annonce du plan de suppressions de postes à Air France, les concurrents européens de la compagnie française mettent la pression.
Moins de quinze jours après avoir reçu une aide de 9 milliards d'euros du gouvernement allemand, le groupe Lufthansa (composé des compagnies Lufthansa, Swiss, Austrian, Eurowings et Brussels Airlines) a annoncé qu'il comptait supprimer 22.000 postes dans le monde, soit 16% de ses effectifs (135.000 personnes), dont la moitié en Allemagne. Soit plus du double que le sureffectif de 10.000 personnes évoqué jusqu'ici. Le groupe allemand justifie de telles coupes par la faiblesse de la reprise.
"La demande du trafic aérien va visiblement reprendre très lentement", explique Lufthansa.
Aujourd'hui, seuls 160 des 760 avions que comptent le groupe sont en service pour desservir plus de 100 destinations, principalement en Allemagne et en Europe. L'ajout des capacités sera en effet très progressif. D'ici à septembre, l'offre en sièges ne dépassera pas 40% de ce qui était prévu avant la crise. Lufthansa compte maintenir au sol 300 avions en 2021 et 200 en 2022, et se séparer d'une centaine d'appareils. Le retour au niveau de trafic de 2019 n'est pas attendu avant 2023.
"Sans une réduction significative des coûts de personnels pendant la crise, nous gâcherons la possibilité d'un meilleur redémarrage, et risquons d'affaiblir Lufthansa", commente Michael Niggemann, responsable des ressources humaines au conseil exécutif du groupe.
BA supprime 30% des effectifs et veut des contrats moins-disants
De son côté, British Airways a déjà annoncé fin avril une suppression de 12.000 postes, soit près de 30% des effectifs. Membre du groupe IAG qui compte également Iberia, Vueling, Aer Lingus, la compagnie britannique veut même aller plus loin en cherchant à durcir les conditions de travail et à baisser les salaires. Selon le syndicat Unite, la direction menace de licencier tous ses employés puis d'embaucher à nouveau ceux dont les postes ne sont pas supprimés à des conditions moins intéressantes. Une "trahison", dénonce ce syndicat, alors que la compagnie a largement bénéficié des plans d'aide du gouvernement via un prêt et le chômage partiel. Au total, 70.000 emplois directs et indirects sont menacés au Royaume-Uni dans les trois mois à venir, d'après une étude publiée mercredi.
Ventes des œuvres d'art
Selon le quotidien Evening Standard, British Airways veut vendre une partie de sa collection d'œuvres d'art afin d'améliorer ses finances mises à mal par la crise sanitaire. La compagnie a fait évaluer par une maison de ventes aux enchères plusieurs pièces exposées dans ses salons d'accueil dont certaines des artistes britanniques Damien Hirst, Peter Doig et Bridget Riley. L'une des œuvres a été évaluée à plus d'un million de livres et au total 10 pièces seront mises en vente. L'idée est venue d'un salarié de la compagnie, laquelle entend explorer toutes les possibilités pour préserver ses finances et les emplois. La vente pourrait être organisée dès que possible par la maison d'enchères Sotheby's.
Encadré : Les recommandations de Bruxelles pour lever les restrictions de voyage
Bruxelles a recommandé jeudi la levée de toutes les restrictions de voyage au sein de l'Union européenne et de l'espace Schengen au 15 juin, et la réouverture des frontières extérieures de l'UE dès le 1er juillet aux voyageurs des Balkans occidentaux. Si la majorité des pays de l'UE et de l'espace Schengen auront rouvert leurs frontières entre eux au 15 juin, certains comme l'Espagne prévoient de le faire plus tard. L'exécutif européen préconise que "toutes les restrictions" mises en place pour lutter contre la pandémie de coronavirus soient levées à cette date. La Commission préconise aussi une réouverture "partielle et progressive" des frontières extérieures de l'UE et de l'espace Schengen après le 30 juin. Le dernier mot sur les frontières appartient aux États, la Commission ne pouvant faire que des recommandations. L'exécutif européen estime que dès le 1er juillet les voyageurs venant des Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Monténégro, Macédoine du Nord, Serbie) doivent être autorisés dans l'Union, étant donné que la situation épidémiologique de ces pays est "similaire ou meilleure" que celle de l'UE. L'exécutif européen a appelé les États membres à se mettre d'accord sur une liste de pays tiers pour lesquels les restrictions seraient aussi levées, en fonction de leur situation sanitaire. L'interdiction des voyages "non essentiels" vers l'UE avait été mise en place le 17 mars de façon coordonnée entre les États membres et la Commission européenne pour lutter contre la propagation de la pandémie de nouveau coronavirus.
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