Outre-mer  : un rapport sénatorial pointe une discontinuité territoriale exacerbée (Air France, Corsair, Air Caraïbes, Air Austral, Frenchbee)

Un budget de 16 euros par an et par habitant pour renforcer la mobilité entre l'outre-mer et la métropole, quand l'Espagne y consacre 223 euros. C'est l'amer constat dressé par un rapport sénatorial qui dénonce une politique nationale de continuité territoriale bien éloignée des enjeux auxquels elle doit répondre.
Léo Barnier
Un élargissement et un renforcement de l'aide à la continuité territoriale est demandé par les sénateurs de la délégation aux outre-mer.
Un élargissement et un renforcement de l'aide à la continuité territoriale est demandé par les sénateurs de la délégation aux outre-mer. (Crédits : Air Caraïbes – Harold Asencio)

L'Etat ne serait-il pas à la hauteur de ses engagements pour garantir la continuité territoriale de l'outre-mer ? C'est en tout cas le constat dressé par la sénatrice de la Martinique Catherine Conconne (Socialiste, Écologiste et Républicain) et son confrère de la Mayenne Guillaume Chevrollier (Les Républicains) dans un rapport d'information présenté ce jeudi. Celui-ci remet largement en cause la politique gouvernementale actuelle et appelle à une réforme systémique pour permettre aux ultramarins de se rendre en métropole ou de revenir et assurer une continuité pour l'éducation, le travail, les soins ou encore pour les services funéraires.

« Le sujet de la mobilité est au cœur des préoccupations des citoyens, que ce soit en métropole ou en outre-mer. Mais, la problématique de cette mobilité se pose à un niveau bien différent dans les territoires ultra-marins », constate Guillaume Chevrollier. « Je ne pensais pas, au moment où je faisais cette proposition de mission en décembre, découvrir une matière aussi dense », ajoute Catherine Conconne.

La sénatrice de Martinique pointe ainsi largement l'impossibilité pour une très large partie de la population ultra-marine, et ce de l'Atlantique à l'Océan indien et le Pacifique, de pouvoir voyager lorsque cela s'impose. Elle prend ainsi l'exemple de la Martinique, où environ 30 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté quand le prix d'un billet aller-retour avec la métropole peut atteindre 1.500 euros. Soit un écart quasiment impossible à combler.

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L'Etat blâmé plutôt que les compagnies

Pourtant, Catherine Conconne se garde bien de jeter la pierre aux compagnies aériennes, lesquelles, estime-t-elle, sont toutes en difficulté sur ces lignes à la sortie de la crise du Covid et confrontées à l'envolée des coûts du kérosène. Une situation qui touche « même la compagnie nationale », fait-elle valoirElle estime ainsi que « l'assassinat en règle des compagnies aériennes dès que l'on parle de la hausse du prix du billet est souvent très injuste ».

Selon les deux sénateurs, c'est davantage la politique nationale qui est en faillite ne serait qu'au vu du budget alloué à la continuité territoriale. L'effort consenti par l'Etat est de 257 euros par an et par habitant pour les liaisons entre la métropole et la Corse, mais seulement de 16 euros entre la métropole et l'outre-mer. C'est d'ailleurs pour l'Île de beauté laquelle a été développée la politique de continuité territoriale en 1976, avant d'être étendue aux régions ultramarines en 2003 seulement. Depuis, la dotation a essentiellement varié entre 35 et 52 millions d'euros par an pour un peu moins de trois millions d'habitants. Pour 2023, la dotation initiale atteint 53 millions d'euros, rallongée de 6 millions d'euros il y a quelques jours.

Le rapport compare également le niveau d'engagement français avec les autres pays européens dotés de régions ultrapériphériques, à savoir le Portugal et l'Espagne. Lisbonne accorde un budget équivalent à 34 euros par habitant et par an pour relier Madère et les Açores, tandis que Madrid monte à 223 euros pour les Baléares, les Canaries et Ceuta. En budget annuel, cela donne 17 millions d'euros pour le Portugal et 783 millions d'euros pour l'Espagne.

Cette faiblesse française se retrouve dans l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM), en charge du fonds de continuité territoriale pour les cinq départements et régions d'outre-mer (DROM). Celui-ci gère notamment l'aide à la continuité territoriale (ACT) qui permet de prendre en charge 50% du prix du billet d'avion. Mais comme le rappellent Catherine Conconne et Guillaume Chevrollier, cette subvention est soumise à un plafond de ressources très bas, soit un quotient familial inférieur ou égal à 11.991 euros sur l'année. Et encore, cette aide n'est attribuable qu'une fois tous les trois ans.

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Renforcer largement l'existant

Les deux sénateurs estiment ainsi avoir poser un diagnostic pour faire état des lacunes et de la dégradation de la politique de continuité territoriale et appellent donc à des mesures avec un ensemble de 12 propositions. Si Catherine Conconne conçoit tout à fait que les efforts puissent être progressifs, elle souhaite que les mesures soient engagées dès le prochain projet de loi de finances.

Le rapport attend ainsi de l'Etat qu'il améliore l'offre de transports avec un plan de modernisation des infrastructures portuaires et aéroportuaires et un financement à hauteur de 50% pour les lignes en délégation de service public (DSP) sans liaison routière pour ne pas laisser cette charge aux seules collectivités locales. Des aides renforcées au fret sont également souhaitées, notamment avec l'aide de l'Union européenne.

Les autres mesures portent davantage sur le renforcement des mesures pour permettre aux ultramarins de se déplacer à moindre coût. Le rapport appelle ainsi à renforcer l'aide à la continuité territoriale en « relevant très significativement le plafond de ressources », mais aussi en réduisant le délai de carence de trois ans ou en l'élargissant aux trajets entre territoires ultra-marins. Dans la même optique, une mesure est destinée à « muscler le passeport pour la mobilité des études (PME) » qui finance entre 50 et 100% des billets d'avion pour les étudiants, sous conditions de ressources.

Enfin, Catherine Conconne et Guillaume Chevrollier appellent à la mise en place d'un tarif plafonné pour les résidents ultramarins à l'image de ce qui se fait pour les liaisons sur la Corse sous délégation de service public. C'est également le cas au Portugal, tandis qu'en Espagne c'est une réduction de 75% qui s'applique. Une telle mesure vise à réduire l'impact de la saisonnalité, extrêmement forte dans la plupart des territoires d'outre-mer.

Reste désormais à savoir si ce rapport sera entendu par le gouvernement et si quelques mesures seront intégrées au prochain projet de loi de finances. Celui-ci a pour l'instant tenté de faire un premier pas avec la rallonge de 6 millions d'euros. Et ce quelques jours seulement avant la sortie du rapport comme ne manque pas de le signaler Stéphane Artano, sénateur de Saint-Pierre et Miquelon (Rassemblement démocratique et social européen) et président de la délégation sénatoriale aux outre-mer. S'il y voit un signe encourageant pour la portée à venir du rapport de ses collègues, il affirme qu'il faut aller beaucoup plus loin.

Léo Barnier

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Commentaire 1
à écrit le 31/03/2023 à 7:18
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Bonjour, Bien ils faut dire que l'ons donne énormément pour les étrangers sur le territoire français... Donc ild y a moins d"argent pour les francais d'outre mer... voir pour les francais tout cours .. Moins de prestation chômage... Moins de ret...

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