
Pourquoi passer de la voiture, perçue comme un symbole d'évasion, de liberté et même de plaisir, aux transports publics, plus facilement liés à la contrainte, l'insécurité et le stress ? C'est ce qu'a essayé de déterminer l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) à travers son 10e observatoire de la mobilité, réalisé avec l'Ifop. Si la dimension écologique rentre en ligne de compte, notamment chez les jeunes générations, elle est loin d'être suffisante pour basculer du véhicule individuel, qui représente encore plus de 80 % des kilomètres effectués pour les trajets du quotidien, au collectif.
Cette enquête, réalisée sur un échantillon de 4.007 personnes représentatif de la population de plus de 18 ans dans des agglomérations de 20.000 habitants et plus, avait à cœur d'identifier les leviers possibles pour un report modal de la voiture vers le transport collectif chez les populations urbaines (donc avec une offre potentiellement disponible). Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'en l'état actuel des choses, il va falloir une véritable évolution des conditions de transport pour déclencher un mouvement massif.
Un contexte actuel peu impactant
Sur le panel interrogé, 41 % des répondants déclarent utiliser leur voiture et non les transports publics. Sur ce total, seul un tiers se dit prêt à faire la bascule en raison du contexte actuel, caractérisé par « l'inflation, la crise énergétique, l'urgence climatique », et encore seulement 7 % disent « oui, certainement » contre 28 % « oui, probablement ».
De fait, le coût est le troisième critère à entrer en ligne de compte dans le choix du mode de transport, cité par 69 % des répondants (dont près de la moitié juge que c'est extrêmement important), mais l'impact écologique n'apparaît qu'à la sixième place avec 46 % seulement. Et seuls 17 % des répondants jugent ce critère extrêmement important. Des chiffres loin de ceux de la sécurité (78 %) et de la rapidité (77 %). L'allongement du temps de trajet et les contraintes horaires apparaissent ainsi comme les principaux freins pour le choix des transports publics.
La prise de conscience écologique apparaît également comme très en retrait dans les déclencheurs d'un changement d'habitude, citée par seulement 13 % des répondants. C'est là encore loin de critères tels que l'évolution de situation personnelle (42 %) ou un déménagement personnel et/ou professionnel (22 %).
Seule tendance positive sur ce point, la prise en compte de l'impact écologique est sensiblement plus importante pour les personnes dont les habitudes se sont ancrées il y a moins de cinq ans : 41 % des répondants considèrent leur empreinte environnementale pour choisir leur mode de transport jusqu'en 2017, et 51 % depuis 2018. Cette tendance est aussi constatée pour la possibilité de faire autre chose pendant le trajet, qui est l'apanage des transports publics.
Ce constat global vient corroborer celui fait par la SNCF il y a deux ans, à l'occasion d'une enquête réalisée en partenariat avec l'Observatoire Société et Consommation (L'ObSoCo), le cabinet d'études et de prospectives Chronos et l'Agence de l'environnement et la maîtrise de l'énergie (ADEME).
La carotte peut marcher...
À en croire ce baromètre, il existe tout de même des leviers possibles pour favoriser ce report modal. La première, celle de « la carotte » selon Jérôme Benoit, directeur du pôle Services de l'IFOP, consiste à proposer une offre de transports publics améliorée. Elle est définie ainsi : « une nouvelle ligne garantissant un supplément maximum de 10 minutes ». Sur les 41 % d'urbains utilisant leur voiture, cette fois-ci plus de la moitié sont près à basculer vers les transports publics.
Ce qui va dans le sens du « choc d'offre » voulu par les membres de l'UTP, à l'instar de sa présidente Marie-Ange Debon, aussi présidente du directoire de Keolis, ou Thierry Mallet, directeur général de Transdev. Ce dernier estime ainsi que c'est le seul moyen pour aller plus loin dans le report modal, des opérations comme le passe rail ou la gratuité créant plus des effets d'aubaine qu'un véritable mouvement de fond. Et encore, principalement chez ceux qui prennent déjà les transports publics.
« Si nous voulons aller plus loin, il faut aller en périphérie, sortir de l'urbain avec un service de qualité dans des zones parfois peu denses », estime-t-il ainsi.
... surtout si elle est accompagnée du bâton
La seconde voie qui se dégage est celle « du bâton », avec un alourdissement des contraintes publiques (zones faibles émissions, voies fermées ou à sens unique, hausse des coûts de stationnement). Un peu moins efficace, elle permettrait un transfert potentiel de 47 % des automobilistes urbains. Mais aucun des dirigeants de l'UTP n'a pris le risque de rebondir dessus ou alors pour exposer le caractère nécessaire de la voiture individuelle pour les populations éloignées des moyens de transports collectifs. « La voiture fera partie de la solution » avec une approche multimodale, a ainsi déclaré Thierry Mallet. Il estime ainsi que si les trajets automobiles du quotidien passent de 50 km à 10 km, une grande partie du chemin aura été faite.
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Et à en croire ce 10e observatoire, la combinaison du bâton et de la carotte semble la solution la plus prometteuse avec 63 % des automobilistes urbains prêts à basculer vers les transports publics face à ce double effet.
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