« Supprimer tous les vols de moins de 500 km éliminerait seulement 3% du Co2 émis par le transport aérien » (Willie Walsh, IATA)

Considéré comme l'un des plus grands patrons de compagnie aérienne du temps où il dirigeait le groupe IAG (British Airways, Iberia...), Willie Walsh, désormais directeur général de la puissante association du transport aérien international (IATA) est venu la semaine dernière au Paris Air Forum pour partager sa vision de l'avenir du transport aérien - et égratigner au passage les responsables politiques. Concernant les carburants durables, il pousse les compagnies pétrolières "à s'y mettre".
(Crédits : Reuters)

De la part des clients, les compagnies aériennes espéraient ce désir d'ailleurs, longtemps contenu pendant la pandémie et les confinements. Elles n'ont pas été déçues. Les réservations repartent en fanfare, en particulier en Europe. De quoi faire oublier le passé ? Pas si vite.... Certes, l'Irlandais Willie Walsh, vétéran du transport aérien et directeur général de l'IATA depuis 2021, invité au Paris Air Forum organisé par La Tribune et ADP, est ravi de la reprise actuelle et se dit optimiste pour l'avenir.

Mais s'il se souvient des turbulences précédentes, celles générées par les attentats du 11 septembre 2001, puis par la crise économique et financière de 2008, « les revenus des compagnies aériennes avaient baissé de 6% en 2002 et de 16% en 2009, alors qu'en 2020, la chute a été de 56% », a-t-il souligné.

Lire aussi 6 mnWillie Walsh, ce monstre sacré du transport aérien, quitte IAG

Un sacré trou d'air, qui mettra forcément du temps à se résorber, malgré l'embellie actuelle. D'ailleurs, les compagnies aériennes n'auraient pas dû souffrir autant, selon lui. Il met en cause le manque de coordination, voire les incohérences, en particulier au niveau de l'Europe, et les politiques de « stop and go » décidées à Londres, Paris ou Bruxelles.

« Nous avons été trop gentils avec les pouvoirs publics. Et aujourd'hui, ils nous critiquent en disant que nous aurions dû être prêts pour ne pas avoir les difficultés que nous connaissons en matière de vols annulés ou d'attente dans les aéroports ! Mais comment les patrons des compagnies aériennes auraient-ils pu anticiper, alors que les restrictions sanitaires n'ont pas cessé d'évoluer, de se contredire, de revenir en arrière ? Quelles garanties avaient-ils ? », s'est-il emporté.

Bref, cette « hystérie » concernant les perturbations, qui ont déjà existé dans le passé, lui paraît pour le moins excessive... Même s'il admet que les compagnies ont de nombreux défis à relever dans les mois et les années qui viennent.

Assainir les comptes

A court terme, d'abord. Si l'Europe est ouverte, l'Asie, en revanche, est encore en partie fermée, et en particulier la Chine, empêtrée qu'elle est dans la crise sanitaire et sa politique zéro Covid, alors que son marché intérieur était des plus prometteurs. Quant à la guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie, dont la fermeture des espaces aériens, elles ont certes un impact, mais il est, selon Willie Walsh, limité et donc gérable. Enfin, les compagnies doivent faire face, mais cela a déjà été le cas par le passé, à la hausse du prix du pétrole qui se répercute forcément sur le kérosène - et sur le prix des billets...

« Pour l'heure, la demande des consommateurs tient, mais en 2023 ? », s'est-il interrrogé...

En outre, les compagnies aériennes doivent assainir leurs comptes, alors que de nombreuses sont endettées, les montants additionnels contractés pendant la crise s'élevant à 200 milliards de dollars. Qui va s'en sortir ? Et de quelle manière ? Déjà, 85 compagnies aériennes ont fait faillite en 2021. « Il n'y a pas qu'un business model », a-t-il souligné.

Certaines compagnies régulières profitent pleinement du retour des passagers, encore plus marqué en classe affaires - et ce ne sont pas tous, d'ailleurs, des professionnels, mais aussi des familles aisées qui n'ont pas pu dépenser pendant la crise -, tandis que des low cost comme Wizz Air et Ryanair tirent également leur épingle du jeu. Verra-t-on cependant une consolidation dans le secteur ? Sans doute, mais Willie Walsh estime que de nombreux dirigeants seront prudents et ne dépenseront pas du cash sans compter...

Par ailleurs, question liquidités, justement, les compagnies  devront, après l'engouement de l'été, affronter le creux de l'hiver. Ce qui impliquera de faire preuve de flexibilité et de baisser en capacités si nécessaire...  Mais elles doivent dans le même temps déjà attirer de la main d'œuvre, pour le chargement et le déchargement des bagages, entre autres, et pour cela, sans doute offrir de meilleures conditions de travail.

Cela dit, « au Royaume-Uni, nous voyons des infirmières qui quittent les hôpitaux publics pour aller dans l'aérien... », a-t-il plaisanté.

Les compagnies aériennes misent aussi, en partie, sur l'automatisation, aussi bien en ce qui concerne l'accueil numérique des passagers aux aéroports qu'en matière de nouvelles technologies pour rendre des véhicules qui poussent les avions hors de leur porte plus autonomes, par exemple. D'ailleurs « toutes ces évolutions font que cette industrie n'a jamais été aussi attrayante », a-t-il dit.

Le carburant durable, clé de l'avenir

D'autant que d'autres évolutions sont également à venir. A moyen terme, mais l'avenir se prépare aujourd'hui, les compagnies aériennes vont devoir mettre en pratique l'engagement pris dans le cadre de l'assemblé générale annuelle de l'IATA, en octobre 2021, celui d'atteindre l'objectif de zéro émission nette de carbone dans leurs activités à horizon 2050. Là encore, Willie Walsh est optimiste. D'ailleurs, les compagnies aériennes ont profité du manque d'activité pendant la crise pour explorer des solutions.

Lire aussi 6 mnSortir du kérosène : le défi colossal mais impératif de l'aviation

« Alors que le carburant durable est 2,7 fois plus cher que le kérosène, les compagnies sont très intéressées, la preuve, elles s'arrachent la totalité du carburant durable produit. Il s'agit d'en produire plus. Et les compagnies pétrolières doivent s'y mettre », a-t-il rappelé.

D'autant qu'évidemment, les solutions à base d'hydrogène ou d'électricité ne peuvent se concevoir que pour des vols court et moyen-courriers. D'ailleurs, il croit toujours à la nécessité de ces vols. Et là encore, il s'emporte contre le personnel politique.

« Certains élus ne jurent que par le train, mais encore faut-il qu'il fonctionne bien, sans oublier de construire des infrastructures coûteuses et gérer les nuisances. Et si tous les vols de moins de 500 kilomètres étaient abandonnés, cela ne reviendrait qu'à éliminer 3% du Co2 émis par l'ensemble du transport aérien. C'est ridicule ! Alors que la production de carburant durable pour l'aviation - s'il y avait des incitations de la part des Etats - permettrait de le réduire de 10 à 12%. Il faut que le personnel politique, en particulier en Europe, le comprenne ! », a-t-il tonné.

Et, tirant les leçons de la crise Covid, Willie Walsh a clairement l'intention de faire entendre son point de vue...

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 12
à écrit le 15/06/2022 à 3:01
Signaler
3 %, cela représente tout de même le double de tout le parc automobile européen qui est donné à 1,5 %. Et la distance de 500 km est risible. C'est plus de la moitié des vols aériens qui devait être supprimés. Mais les vernis et avantagés ne son pas p...

à écrit le 14/06/2022 à 19:14
Signaler
Les lobbies se tous ordres plaident leur cause et c’est bien normal. Mais alors, d’efforts que nenni. L’environnement tout le monde s’en fiche et pendant ce temps les scientifiques qui nous alertent via le GIEC dépriment. Le souci c’est que ce genre ...

à écrit le 14/06/2022 à 19:14
Signaler
Les lobbies se tous ordres plaident leur cause et c’est bien normal. Mais alors, d’efforts que nenni. L’environnement tout le monde s’en fiche et pendant ce temps les scientifiques qui nous alertent via le GIEC dépriment. Le souci c’est que ce genre ...

à écrit le 14/06/2022 à 10:02
Signaler
Si on établit que l’émission de CO2 est le problème numéro 1 pour le futur de la planète, il faut commencer par s’attaquer à ce qui en émet le plus, par exemple, les centrales à charbon !! Cela nous concerne, très peu, mais cela concerne les Allemand...

le 14/06/2022 à 10:44
Signaler
Le charbon émet du co2... le gaz émet du méthane. Le co2 et le méthane sont émetteurs de gaz à effet de serre. Le méthane est 20 fois plus émetteur de gaz à effet de serre que le co2 charbon. Le gnl 28 fois. Les trous géants ( doline parfaite ) que ...

à écrit le 14/06/2022 à 9:55
Signaler
Faut être raisonnable il n'est plus possible de posséder à sa porte l'autoroute, le TGV et l'aéroport..

à écrit le 14/06/2022 à 8:16
Signaler
3% c'est un début et quand même 'pas mal' diront certains... :-) J'ai entendu, mais il faudrait refaire le calcul, que 10% du transport voyageurs c'est par le train, et que si on passait à 20%, 30% des émissions des véhicules disparaitraient, sans p...

le 14/06/2022 à 9:07
Signaler
@photo 73 L'avion n'est pas seulement un problème de pollution par les moteurs, La plus grande pollution est générée par le transport de masse lié au tourisme de masse avec des conséquences environnementales désastreuses. Il est légitime de voulo...

le 14/06/2022 à 11:50
Signaler
Valbel, en fait le seul problème, si on vous suit bien, c’est l’être humain et ses plus de 7 milliards de représentants sur la planète…… Alors une seule solution : vider les villages et les villes et remplir les cimetières !!

à écrit le 14/06/2022 à 8:15
Signaler
On pourrait donc conclure de simplement maintenir les vols de plus de 5000 kilomètres!

à écrit le 14/06/2022 à 8:09
Signaler
interdir les vol de moins de 500km oui mais en 1er que le president et les ministres montre l'exemple

le 14/06/2022 à 23:57
Signaler
Bah non, peut importe le president d'ailleurs, c'est leurs boulots, leur boulots c est de redresser ou d embellir le pays entre autre, pas de prendre le vélo pour faire plaisir aux opposants politiques

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.