Willie Walsh, ce monstre sacré du transport aérien, quitte IAG

Willie Walsh, le directeur général d'International Airlines Group (IAG), la maison mère de British Airways notamment, va quitter le groupe d'ici au 30 juin. Il sera remplacé par Luis Gallego, le patron d'une autre filiale, Iberia. "La Tribune" retrace les faits marquants de sa carrière.
Fabrice Gliszczynski
Willie Walsh a accompli ses premiers faits d'armes chez Aer Lingus. Entré dans la compagnie irlandaise comme pilote en 1979 à l'âge de 18 ans, il devint commandant de bord sur Boeing 737 tout en poursuivant des études de management.
Willie Walsh a accompli ses premiers faits d'armes chez Aer Lingus. Entré dans la compagnie irlandaise comme pilote en 1979 à l'âge de 18 ans, il devint commandant de bord sur Boeing 737 tout en poursuivant des études de management. (Crédits : Reuters)

Après l'annonce fin décembre du départ de Tim Clark de la présidence d'Emirates Airlines fin juin, un autre géant du transport aérien va lui aussi lâcher les manettes d'un grand groupe. Ce jeudi, Willie Walsh, le directeur général du groupe IAG constitué de British Airways, Iberia, Aer Lingus, Vueling, Level et prochainement la compagnie espagnole Air Europa, a annoncé sa démission. Cet Irlandais de 58 ans ne siègera plus au conseil d'administration à partir du 26 mars prochain et quittera le groupe le 30 juin prochain pour, indique le groupe, partir à la retraite. Luis Gallego, le PDG d'Iberia, la deuxième plus grosse filiale du groupe, lui succèdera.

Forcément, même si le groupe explique qu'il partira à la retraite, la simultanéité de l'annonce de son départ avec celle de Tim Clark laisse libre cours à l'imagination de tous les scénarios, notamment celui du remplacement du second par le premier. La volonté de la compagnie de Dubai de recruter les meilleurs (une nécessité alors que la compagnie ouvre une nouvelle page de son histoire, plus incertaine), son côté très anglo-saxon depuis sa céation en 1985, et l'absence constante d'agressivité de Willie Walsh à l'égard des compagnies du Golfe, accusées par Air France-KLM et Lufthansa de leur faire une concurrence déloyale, peut en tout cas donner du grain à moudre à certains pronostics.

Un des meilleurs dirigeants, sinon le meilleur, du transport aérien

Willie Walsh est une figure extrêmement respectée du transport aérien comme il en existe peu dans le secteur. Comme Tim Clark, il est considéré par les spécialistes comme l'un des meilleurs dirigeants de compagnies aériennes, si ce n'est le meilleur. Homme à poigne, peu adepte de la langue de bois, "cost-killer", il a eu un parcours couronné de succès, d'abord à la tête d'Aer Lingus, qu'il sauva entre 2002 et 2005, puis aux commandes de British Airways, où il continua la transformation de la compagnie largement initiée par son prédécesseur, et enfin au pilotage d'IAG, ce groupe né en 2010 du rapprochement de British Airways et d'Iberia, aujourd'hui numéro deux en Europe derrière le groupe Lufthansa en taille, mais de loin le numéro un en rentabilité.

Lire aussi : Résultats financiers : IAG loin devant Lufthansa et Air France-KLM

Pendant toutes ces années, Willie Walsh a su être à la fois un redresseur, un développeur, et un stratège hors pair.

Aer Lingus, l'épreuve du feu

Il accomplit ses premiers faits d'armes chez Aer Lingus. Entré dans la compagnie irlandaise comme pilote en 1979 à l'âge de 18 ans, il devint commandant de bord sur Boeing 737 tout en poursuivant des études de management. Il intégra l'équipe de direction et fut nommé en 1998, à l'âge de 37 ans, directeur général de la modeste Futura Airways, une compagnie charter espagnole dans laquelle Aer Lingus détenait une partie du capital. Deux ans plus tard, en 2000, il retourna chez Air Lingus au poste de chief operating officer (COO), puis, en octobre 2011, après le 11-Septembre, directeur général. A ce moment-là, fragilisée par la crise qui suivit les attentats aux Etats-Unis et par la concurrence naissante de Ryanair, Aer Lingus était en danger de mort. La petite compagnie perdait 2 millions d'euros par jour. Pour beaucoup, elle était condamnée. Willie Walsh la redressa d'une manière aussi spectaculaire que brutale. Un tiers des effectifs fut par exemple supprimé. Une fois le sauvetage réussi, Willie Walsh démissionna début 2005.

Son succès chez Aer Lingus n'est pas passé inaperçu. British Airways fit appel à lui pour remplacer l'Australien Rod Eddington en octobre 2005, lequel avait également pris des mesures extrêmement fortes pour restructurer la compagnie britannique, elle aussi très mal en point depuis le début des années 2000. La nomination de Willie Walsh à la tête de British Airways signifiait que la compagnie britannique ne baisserait pas la garde sur les coûts. Willie Walsh continua donc de les réduire dans tous les domaines. Notamment dans ses frais de distribution et dans l'implantation, plus que chez ses concurrents européens, des nouvelles technologies d'e-ticket ou d'enregistrement en ligne. Autant d'investissements qui réduisaient les effectifs dans les aéroports. Ceci sans remous sociaux. Du moins jusqu'en 2010. Cette année-là, Willie Walsh s'attaqua aux coûts des hôtesses et stewards, en instaurant un nouveau contrat, moins avantageux, pour toutes les nouvelles recrues. Le projet déclencha une grève longue et dure. Willie Walsh ne céda pas d'un pouce et son projet fut mis en oeuvre.

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La réussite d'IAG

Changement de costume dans la foulée. En 2010, le rapprochement contraint annoncé deux ans plus tôt entre British Airways et Iberia devint effectif. Willie Walsh lâcha les rênes de la compagnie britannique et devint le directeur général d'IAG (International Airlines Group), la maison-mère chapeautant les deux compagnies aériennes. Le choix du nom est judicieux. Ne rappelant aucun nom d'une compagnie membre du groupe, il permet d'intégrer facilement de nouvelles compagnies en évitant des tensions identitaires.

Ce rapprochement arriva bien après ses rivaux. Air France avait acheté KLM en 2004 et Lufthansa avait mis la main sur Swiss en 2005, puis sur Austrian Airlines, la britannique BMI, et une partie du capital de l'américaine JetBlue et de Brussels Airlines. Dans ses nouvelles fonctions, Willie Walsh imposa la restructuration à la hache d'Iberia et lança IAG dans une phase de développement extrêmement rapide, en combinant croissance organique d'un côté (possible par l'attention portée sur les coûts) et croissance externe.

Grâce à une structure souple facilitant l'entrée dans le groupe de nouvelles compagnies, IAG n'a cessé de grossir. Rachat à Lufthansa de BMI par British Airways (qui fit disparaître la marque), puis rachat par le groupe IAG cette fois de Vueling, d'Aer Lingus et demain de l'espagnole Air Europa, création de Level... IAG a depuis plusieurs années dépassé Air France-KLM. Cette compilation de compagnies fonctionne grâce à une subtile gouvernance autorisant une certaine autonomie des compagnies dans un cadre commun fixé au niveau du groupe.

IAG de plus en plus espagnol, sauf le capital

Avec trois compagnies espagnoles (Iberia, Vueling et demain Air Europa, auxquelles il faut ajouter une partie de l'activité de Level), IAG penche de plus en plus vers l'Espagne sur le plan opérationnel et de la gouvernance. Avec Luis Gallego à la tête d'IAG et probablement un Espagnol pour le remplacer chez Iberia, mais aussi Alex Cruz aux commandes de British Airways depuis 2015, les postes les plus importants sont trustés par des Espagnols. Seuls les capitaux restent encore majoritairement détenus par des Britanniques. Une part que le groupe devra faire passer sous la barre des 50% au moment du Brexit s'il ne veut pas courir le risque d'être considéré comme appartenant à un pays tiers.

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Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 2
à écrit le 11/01/2020 à 13:33
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Un dirigeant de compagnie aerienne ancien pilote de ligne donne tout de suite un dimension terrain au management. L'article montre bien l'adaptation stratégique de la compagnie à l'évolution du marché. Avec cette culture de l'anticipation, l'obstacle...

le 11/01/2020 à 22:50
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pas convaincu par le fait que d'être pilote est un atout...souvenez-vous une compagnie française au début des années 2000...

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