Tests Covid pour les voyages : ce que veut faire Bruxelles (interview Adina Valean, commissaire européenne aux transports)

Mesures pour faciliter le transport de marchandises en Europe, harmonisation des tests Covid pour les passagers aériens, continuité de la circulation des marchandises dans l'UE, taxes environnementales pour l'aviation, transition énergétique des transports..., dans un entretien accordée à La Tribune, Adina Valean, la Commissaire européenne aux Transports, détaille les projets de la Commission européenne.
Fabrice Gliszczynski
Adina Valean, commissaire européenne aux transports : si nous n'avons pas de reconnaissance mutuelle des tests (...) les déplacements ne seront pas plus faciles.
Adina Valean, commissaire européenne aux transports : "si nous n'avons pas de reconnaissance mutuelle des tests (...) les déplacements ne seront pas plus faciles". (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - La Commission européenne a présenté de nouvelles recommandations intitulées «Coronavirus: réaction de l'UE à la deuxième vague». Comment garantir la continuité de la circulation des marchandises dans l'Union européenne?

ADINA VALEAN - Notre principal instrument pour garantir la circulation des marchandises, ce sont les voies réservées, appelées en anglais «green lanes», que nous avons mises en place au cours de la première vague, en mars. Ces voies réservées sont des points de passage aux frontières intérieures du réseau transeuropéen de transport (RTE-T), où le franchissement de la frontière ne devrait pas prendre plus de 15 minutes pour les véhicules de transport de marchandises, quelle que soit la marchandise qu'ils transportent. Cette approche a très bien fonctionné et nous avons vu que l'objectif de moins de 15 minutes a été atteint à la majorité de ces points de passage frontaliers. Mercredi, nous avons proposé d'étendre les voies réservées à des domaines telles que le fret ferroviaire, le fret aérien et le fret par voie navigable afin de garantir que le transport multimodal fonctionne aussi efficacement en ces temps difficiles. Nous continuerons à suivre la situation pour veiller à ce que plus de 90 % des points de passage frontaliers continuent d'être fluides en permanence, avec un temps de passage inférieur à 15 minutes.

Quand prévoyez-vous une reprise des transports?

Cela dépend bien entendu de la situation épidémiologique et c'est aux experts sanitaires qu'il appartient de dire quand. Toutefois, ceux qui doivent voyager, pour des raisons professionnelles, familiales, ou médicales devraient pouvoir le faire. C'est pourquoi, dans le paquet de mercredi, nous demandons également aux États membres de garantir une connectivité minimale pour les passagers à l'intérieur de l'UE.

Il y a des personnes qui ne peuvent tout simplement pas travailler depuis leur domicile, les élèves qui vivent loin de leurs écoles, le personnel médical et de soins qui doivent franchir les frontières dans le cadre de leur emploi, les travailleurs des transports ou les travailleurs saisonniers. Nous encourageons donc les pays européens à soutenir financièrement, si nécessaire, les services minimaux, afin de maintenir les avions, bus, autocars, trains ou transbordeurs circulant à l'intérieur de l'UE. Les gens ont besoin des moyens de transport pour se rendre au travail ou à l'école et nous devons assurer une prestation de services adéquate étant donné que des mesures sanitaires sont en place. Pour rétablir en toute sécurité les services de transport, nous avons déjà présenté une série de recommandations en mai, à la suite de la première vague de la pandémie, qui ont été largement mises en œuvre dans l'UE.

En revanche, la circulation des personnes est entravée par des mesures contraignantes pour les passagers prises par chacun des Etats (quarantaine notamment). Comment parvenir à une approche harmonisée des pays membres?

Nous constatons actuellement deux problèmes importants qui ont une incidence sur le transport de passagers: les restrictions imposées par les pays, avec de longues mises en quarantaine qui découragent les passagers et la réticence des passagers à voyager, compte tenu de ces mesures non coordonnées et en constante évolution.

Les États membres devraient donc s'efforcer d'éviter toute interdiction de voyager et toute limitation devrait être appliquée dans le respect des principes généraux du droit de l'Union, en particulier la proportionnalité et la non-discrimination, et ne devrait pas aller au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour préserver la santé publique.

Pour aider les gens à planifier leurs déplacements et à fournir en temps utile des informations précises sur les mesures de santé et les restrictions de déplacement dans tous les États membres, nous avons lancé l'outil en ligne «Re-open EU» à la mi-juin. Depuis lors, près de 7 millions de visiteurs ont eu recours à ce service. Une fois que les États membres fourniront un flux d'informations complet au Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), celui-ci deviendra le guichet unique d'information sur l'état des mesures sanitaires et les possibilités de déplacement à l'intérieur de l'UE.

Nous travaillons également actuellement à une plus grande coordination dans des domaines tels que les tests et la recherche des contacts. L'Agence de l'Union européenne pour la sécurité aérienne (AESA) et l'ECDC travaillent ensemble à l'élaboration de lignes directrices sur les protocoles d'essai qui pourraient être utilisés par les autorités de santé publique, les compagnies aériennes et les aéroports. Nous préparons également un formulaire numérique européen commun de localisation des passagers, afin de coordonner la recherche des contacts et l'échange d'informations entre les États membres, tout en respectant pleinement les exigences en matière de protection des données.

Certains pays comme la France sont favorables à mettre en place des tests antigéniques dans les aéroports pour les passagers au départ, mais là aussi il faudrait que ces tests soient acceptés par tout le monde. Quelle est la position de l'UE?

Il existe de nombreux modèles pour tester les passagers en Europe et dans le monde entier. Dans certains pays, vous pouvez passer un test à votre arrivée à l'aéroport, alors que d'autres pays requièrent un test 48 heures avant le départ. Certaines compagnies aériennes ont aussi tenté de mettre en œuvre des essais avant le vol. Comme vous pouvez le constater, nous ne disposons pas de règles communes. Fondamentalement, le problème reste le même: si nous n'avons pas de reconnaissance mutuelle des tests, si nous ne disposons pas d'indications claires et communes sur le type de tests, les déplacements ne seront pas plus faciles.

Ainsi, dans notre dernière communication, nous jetons les bases des règles relatives aux tests, règles qui seront élaborées en protocoles par nos experts de l'AESA et de l'ECDC.Il appartient aux experts de dire quels tests, dans quelles conditions sont fiables, et aux États membres de convenir d'une mise en œuvre commune.

L'objectif est de rendre les déplacements moins compliqués et, dans le même temps, de limiter les risques de propagation de la maladie. Nous espérons que ce protocole sera en place dans les semaines à venir.

Que peut faire l'UE pour répondre aux difficultés rencontrées par le monde des transports et faciliter une reprise qui permette d'accélérer sa transition énergétique?

Après avoir réagi rapidement pour maintenir la circulation des marchandises et, bien entendu, préserver la sécurité des passagers et des travailleurs du secteur des transports, nous sommes rapidement entrés dans la phase de relance d'activité. En ce qui concerne le transport, la relance nécessite une série d'actions: nous avons besoin de mesures de sécurité solides pour regagner la confiance des passagers, nous avons besoin d'un soutien financier pour les opérateurs en difficulté et nous devons renforcer notre résilience.

En ce qui concerne le soutien financier, la Commission a proposé un plan de relance sans précédent pour redémarrer l'économie. Dans le cadre de ce train de mesures, la facilité pour la reprise et la résilience dispose d'un budget total de 560 milliards d'euros qui sera alloué aux États membres sur la base de leurs plans en faveur de la reprise et de la résilience. Ces plans doivent définir les programmes nationaux d'investissement et de réforme en vue d'une reprise verte, numérique et durable. Nous disposerons également de la nouvelle facilité d'investissement stratégique pour soutenir les infrastructures critiques et le développement de chaînes de valeur résilientes, y compris pour de nouvelles technologies propres qui sont essentielles pour le secteur des transports.

Investir dans les technologies durables et numériques permettra non seulement de stimuler rapidement l'économie, mais aussi d'introduire de nouvelles capacités de résilience, en protégeant le système de transport contre les menaces futures — connues et inconnues. Et, bien entendu, elle contribuera à la création du système de transport intelligent et durable dont nos citoyens ont besoin.

Nous disposons également du Fonds européen de développement régional (FEDER), doté d'un budget prévisionnel de plus de 192 milliards d'euros pour tous les secteurs, y compris la mobilité durable et intelligente. Le nouveau mécanisme pour une transition juste, doté d'un financement supplémentaire pour les secteurs les plus durement touchés par la crise, y compris les transports, complétera les fonds.

À mesure que nous reconstruisons mieux, nous avons la possibilité d'accélérer les travaux visant à réduire les émissions dues aux transports, notamment par le passage à des carburants de substitution et durables. Nous déterminerons les moyens de stimuler la production et l'utilisation de carburants de substitution durables pour le transport aérien et maritime au moyen de deux nouvelles initiatives sur le ravitaillement en carburant pour l'aviation et sur les carburants maritimes. Nous nous sommes également engagés à disposer d'au moins 1 million de points de recharge et de ravitaillement pour le transport routier accessibles au public d'ici à 2025.

En 2021, nous prévoyons également de réviser à la fois la directive sur l'infrastructure pour carburants alternatifs et le règlement relatif au réseau transeuropéen de transport afin de jeter les bases d'une infrastructure de transport moderne et pérenne. Nous pourrions compléter ces révisions par des initiatives en matière de climat et d'énergie, y compris la révision des directives sur les énergies renouvelables et sur l'efficacité énergétique.

Où en est le projet de taxe environnementale sur l'aérien?

Cette année a été extrêmement difficile pour le secteur de l'aviation et pour l'ensemble du secteur des transports. Nous avons fait ce que nous pouvons pour accompagner le secteur, mais nos objectifs en matière de climat sont tout aussi importants aujourd'hui qu'avant le coronavirus — et ils sont réalisables. La fiscalité fait partie des options en cours d'évaluation pour faire face à l'augmentation des émissions du secteur de l'aviation. Toutefois, elle ne devrait pas être examinée isolément, mais dans le contexte d'une combinaison de mesures permettant d'atteindre le plus efficacement possible les réductions d'émissions ayant le plus faible impact sur la connectivité et la compétitivité.

Dans son discours sur l'état de l'Union, la présidente von der Leyen a réaffirmé l'engagement de la Commission à réformer les règles actuelles de l'UE en matière de fiscalité de l'énergie conformément au pacte vert pour l'Europe. Dans le cadre de la préparation de la proposition de révision de la directive en question, une consultation publique s'est déroulée jusqu'à la mi-octobre afin de recueillir des avis sur la manière de réformer la manière dont les produits énergétiques sont taxés dans l'UE, afin de mieux refléter les ambitions de l'UE en matière de climat. La Commission examine actuellement les réponses en vue de présenter sa proposition en 2021.

Là encore, les taxes sur l'aviation ne devraient pas être examinées isolément, mais en parallèle avec d'autres mesures politiques, notamment les échanges de quotas d'émission, les compensations, les normes en matière de carburant et d'aviation, les carburants durables pour l'aviation et les améliorations opérationnelles. Le pacte vert concerne également l'innovation. Par conséquent, la Commission évaluera également les mesures envisageables pour encourager la production et l'utilisation de carburants de substitution durables. Il est essentiel que la révision de la directive sur la fiscalité de l'énergie soit cohérente avec cette initiative.

Fabrice Gliszczynski

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Commentaire 1
à écrit le 30/10/2020 à 9:59
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"détaille les projets de la Commission européenne" Dire que nous ne connaîtrons jamais les détails des actions de la commission européenne, des projets encore des projets toujours des projets...

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