Allumer ou pas le chauffage, le dilemme des copropriétés

De nombreuses copropriétés repoussent le démarrage de leur chauffage. Echaudés par les prix du gaz et encouragés par la douceur du climat, les habitants d'immeubles sont plus que jamais enclins à faire des efforts. Plafonnement de la température, radiateur d'appoint, épaisseurs supplémentaires… Toutes les options sont envisagées pour restreindre la consommation domestique de gaz. Jusqu'à s'en priver tout l'hiver.
10 millions de Français résident dans des copropriétés selon l'Association des responsables de copropriétés.
10 millions de Français résident dans des copropriétés selon l'Association des responsables de copropriétés. (Crédits : Reuters)

Une facture de chauffage décuplée. Dans le centre-ville de Nice, la centaine de propriétaires de la résidence d'immeubles du Parc Lubonis ont eu l'amère surprise de voir leurs dépenses de gaz pour cet hiver exploser dans des proportions inattendues, à savoir multipliées par 10. L'ancienne filiale de Gazprom qui les fournit habituellement vient de modifier ses tarifs, en phase avec l'envolée des cours du gaz depuis la guerre en Ukraine. En réponse, l'assemblée des résidents a fait voter la décision de ne pas se chauffer cet hiver.

En France, de nombreuses copropriétés sont confrontées au même dilemme : allumer plus tard, voire pas du tout le chauffage collectif cet hiver. Tel est le cas des immeubles qui ne sont pas protégées par des contrats à prix stable sur plusieurs années. En conséquence, « les gens sont prêts à faire des efforts, voire des sacrifices cet hiver sur la consommation de gaz. Les copropriétés cherchent à repousser au maximum l'allumage du chauffage », souligne Emile Hagège, directeur de l'Association des représentants de copropriétés. Pour les 10 millions de Français qui vivent dans des copropriétés, l'heure est à une sobriété dictée par le porte-monnaie plus que par le climat.

Le chauffage, premier poste de dépenses des copropriétés

Sur l'ensemble des charges communes (ménage, éclairage...) qu'assume une copropriété, le chauffage représente de loin le principal poste de dépenses. Les résidents, qui paient ces charges, et les copropriétés, souvent endettées par les impayés, veulent à tout prix alléger la facture. « On veut comprimer au maximum le budget chauffage », revendique Martine Wakin, représentante des copropriétaires dans son immeuble des années 1970 dans les Yvelines à Poissy où le chauffage n'est pas encore allumé. « Le but c'est de tenir le maximum de temps sans chauffage », revendique-t-elle. Chaque jour sans chauffage est une petite victoire budgétaire.

Les douces températures confortent ceux qui s'abstiennent de chauffer. Mais l'imminence de l'hiver jette une ombre sur l'été indien. Se profilent déjà les palabres hivernales entre les frileux et les économes. « Chaque année, on a les mêmes tensions entre ceux qui veulent du 24 degrés, typiquement les personnes âgées et les mères de famille, et ceux qui veulent du 18 degrés. Le juge de paix, c'est la température extérieure. Pour l'instant, les gens comprennent qu'on n'allume pas mais s'il faisait 0, on serait fichus », rappelle Emile Hagège de l'Association des résidents de copropriétés.

« Dès que le froid arrivera, ce ne sera plus la même histoire », anticipe par habitude Gilles Fremont, président de l'Association nationale des gérants de copropriétés. Chaque année, il revient aux gérants comme lui de demander aux fournisseurs d'énergie de lancer le chauffage à la demande des copropriétaires.

Même si l'échéance est retardée, viendra le moment de l'allumer. Mais on prévoit de ne pas faire chauffer la chaudière comme avant. « Il faudra bien rallumer le chauffage collectif, mais a minima pour ne pas faire exploser la facture. Ça suppose des petits sacrifices. Par exemple, chauffer à 17 degrés, se couvrir davantage chez soi et acheter un petit radiateur électrique quand le chauffage ne suffit pas », conseille Gilles Fremont, responsable de la gestion d'immeuble anciens et récents en région parisienne.

Pas de prime aux efforts individuels dans un immeuble

Mais ces efforts s'ils ne sont pas faits par tous les résidents d'un immeuble n'entraineront que peu d'économies d'énergie et surtout d'argent. En effet, les factures de chauffage dépendent uniquement de la surface des appartements et pas de la consommation réelle d'énergie. Dès lors, les résidents prêts à faire des efforts chez eux n'ont que peu d'incitation à le faire si leurs voisins ne font pas d'efforts équivalents, leurs économies d'énergie ne se reflétant quasiment pas sur leur facture finale.

Pour amortir le choc énergétique, les Français en copropriété s'en remettent davantage à l'Etat. « Les copropriétés me demandent comment bénéficier du bouclier tarifaire, dont ils ont beaucoup entendu parler. Je leur explique aussi que ça ne couvrira pas toute la facture, qu'il faudra avancer le montant total dans un premier temps avant d'être remboursé, en partie, dans un second temps par le fournisseur d'énergie », explique Gilles Fremont, préoccupé par les immanquables problèmes financiers à venir en dépit des efforts des Français. Ce dernier déplore aussi que certains foyers restent dans le déni et ne prennent pas la mesure des tarifs à venir, n'ayant pas tous reçu les factures prévisionnels pour 2023 qui arrivent ces jours-ci. Parmi ceux qui sont déjà conscients du problème, des résidents avertissent qu'ils ne voudront ou ne pourront pas s'acquitter des charges de chauffage.

Quelques foyers prêts à s'affranchir du chauffage

Pour ne pas en arriver à ces extrémités, quelques habitants sont résolus à s'affranchir totalement du chauffage pour l'hiver. Ils sont rares mais d'autant plus motivés qu'ils le font aussi par conscience écologique et politique. « Depuis le jour de l'invasion russe (ndrl : le 24 février 2022), je ne me chauffe pas du tout chez moi par solidarité avec les Ukrainiens. Via ma copropriété, j'avais un contrat avec une filiale de Gazprom mais je ne veux plus utiliser le gaz russe. Je me suis simplement acheté un petit radiateur électrique d'appoint quand il fait très froid », admet  Martine Wakin. Cette élue au conseil syndical de sa résidence à Poissy n'ignore pas que son parti pris demeure minoritaire. Elle se félicite néanmoins de voir plus de modération dans les habitudes de chauffage, qu'elle juge excessives en temps normal.

Plus que tous les discours écologiques et les injonctions du gouvernement, les prix du gaz auront ainsi converti en un temps record les Français à la sobriété chez eux. Une conversion contrainte et forcée.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 29/10/2022 à 19:00
Signaler
Le moins cher pour les copropriétés c'est de se couper du réseau de chauffage urbain et de s'équiper individuellement de radiateurs électriques thermorégulés afin que chaque propriétaire chauffe son logement selon sa sensibilité et ses moyens fina...

à écrit le 28/10/2022 à 20:27
Signaler
j'espere que la fachosphere de gauche qui veut sauver la planete ne va pas hurler que ne pas chauffer, ca stigmatise les pauvres car la gauche pense que seuls les riches ( ceux qui ne votent pas pour elle donc) devraient non seulement etre prives de ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.