Les tensions franco-allemandes sur le gaz électrisent le Conseil européen

Alors que les Etats membres se réunissent jeudi et vendredi pour tenter de s'entendre sur la manière de répondre à la crise de l’énergie qui secoue le Vieux continent, les positions semblent inconciliables. Notamment sur la question d’un plafonnement des prix du gaz utilisé pour produire de l’électricité, une solution poussée par la France, mais catégoriquement refusée par l’Allemagne. Signe que l'union se fissure, certains accusent même la Commission européenne de s’aligner sur les positions de Berlin, au détriment de l’intérêt des Vingt-Sept.
(Crédits : Hannibal Hanschke)

Il y avait de l'eau dans le gaz ce jeudi, pour l'ouverture du Conseil européen exceptionnel sur les réponses à apporter à la crise de l'énergie. Car tandis qu'une partie des Etats membres, la France en tête, exige l'adoption rapide de mesures radicales afin d'enrayer la flambée des prix, d'autres traînent des pieds malgré la pression des premiers. Et notamment Berlin, qui refuse toujours fermement l'idée de plafonner les prix du gaz utilisé pour produire de l'électricité dans l'UE, à l'instar de ce qu'ont fait l'Espagne et le Portugal. Ce serait pourtant le mécanisme le plus efficace, martèle de son côté l'Hexagone, bien décidé à faire plier l'Allemagne. Laquelle peut compter sur la Commission européenne elle-même pour freiner les ambitions de Paris.

En effet, cette option se trouve à peine mentionnée par l'exécutif bruxellois dans son plan pour limiter l'envolée des prix, présenté mardi. Y sont simplement rappelées la « complexité » de sa mise en œuvre, et la nécessité de trouver une solution qui convienne à « tous les Etats membres ». Une position attentiste qui promet d'irriter le gouvernement français et d'attiser un peu plus les tensions avec l'Allemagne, déjà vives après l'adoption unilatérale d'un plan contre l'inflation de 200 milliards d'euros outre-Rhin, que la majorité des pays seront incapables d'imiter pour des raisons budgétaires.

Pire : en coulisse, les critiques fusent autour d'un supposé alignement de la Commission sur les positions de Berlin, alors que sa présidente, l'Allemande Ursula von der Leyen, n'a toujours pas réagi au méga bouclier énergétique annoncé dans son pays, et s'oppose très rarement, sinon jamais, à la politique du chancelier Olaf Scholz. « Ursula von der Leyen est-elle encore membre du gouvernement allemand ? » s'était ainsi interrogé Mateusz Morawiecki, le Premier ministre polonais, lors du sommet européen de Prague du 7 octobre dernier. De quoi fragmenter un peu plus la cohésion des Vingt-Sept, décidément mise à l'épreuve en ces temps troublés.

Lire aussiJouer ou pas la solidarité européenne : le grand dilemme d'Olaf Scholz face à la crise énergétique

Des intérêts différents

Il faut dire que, malgré les semblants d'unité, les intérêts des Etats membres divergent sur la question. Et pour cause, l'Allemagne trouverait beaucoup moins son compte dans un plafonnement des prix du gaz utilisé pour générer de l'électricité que la France. En effet, il s'agirait de dédommager les opérateurs de centrales thermiques à Cycle Combiné Gaz (CCG), qui s'approvisionnent elles-mêmes en gaz et génèrent du courant à partir de cet hydrocarbure. En d'autres termes, chaque Etat subventionnerait le gaz afin d'abaisser le coût du combustible pour les CCG, afin que leurs opérateurs puissent vendre moins cher les électrons issus de cette opération.

Or, l'Hexagone produit assez peu de courant à partir de gaz, étant donné la prégnance du nucléaire dans son mix électrique. « Subventionner le gaz reviendrait donc à faire baisser le prix des électrons sans coûter trop cher à l'Etat français, puisqu'il y aurait peu de centrales à CCG à dédommager », explique Jacques Percebois, économiste et directeur du Centre de Recherche en Economie et Droit de l'Energie (CREDEN). Surtout, l'électrification des procédés y est bien plus prégnante qu'outre Rhin, pour le chauffage des bâtiments, mais aussi et surtout dans les processus industriels. À l'inverse, « l'industrie allemande utilise énormément de gaz sous forme brute, et elle ne serait pas aidée par ce mécanisme qui plafonne les prix de l'électricité produite à partir de gaz, mais pas directement le gaz en tant que tel », précise Jacques Percebois. La Belgique, les Pays-Bas ou l'Italie se trouvent d'ailleurs dans la même situation, et demandent donc plutôt une limitation globale du prix du gaz directement auprès des fournisseurs internationaux.

Tableau illisible

Et pourtant, l'Allemagne refuse également cette idée, en plus du mécanisme demandé par la France. Et pour cause, le gouvernement de coalition met en avant un autre argument : tout plafonnement des prix risquerait de braquer les producteurs de gaz, qui pourraient décider de réorienter les flux ailleurs qu'en Europe.

En résulte un tableau illisible à l'échelle de l'Union avec, d'un côté, la France, l'Espagne, le Portugal, les pays baltes, la Roumanie ou la Suède, qui plaident ardemment pour subventionner les centrales à CCG, de l'autre, la Belgique et l'Italie, qui souhaitent obtenir en même temps un plafonnement général des prix du gaz, et, enfin, l'Allemagne et les Pays-Bas, réfractaires aux deux. Une chose est sûre : au Conseil européen, qui se clôturera vendredi, l'atmosphère promet d'être électrique...

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Commentaires 22
à écrit le 22/10/2022 à 15:58
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En période de crise aigüe énergétique, alimentaire, économique, ce sera de plus en plus du "CHACUN POUR SOI" et je n'ai pas compris que tout d'un coup cela faiut les titres des journaux d'avoir si peu de convergence Franco-Allemande. Les 2 pays n'ont...

à écrit le 21/10/2022 à 19:47
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Ah grosse "Ponimenteur" Scholz ! "Vladimir Poutine utilise l'énergie et la faim comme une arme" - Chancelier allemand Olaf Scholz Ce chancelier est étrange. Il a lui-même refusé le gaz russe, et maintenant il accuse le président Russe...

à écrit le 21/10/2022 à 17:12
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La population française est-elle suffisamment sous hypnose des médias subventionnés pour se rendre compte que l' UE et les mondialistes aux ordres du Great Reset de Schwab sont en train de les affamer ?..

à écrit le 21/10/2022 à 15:41
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L Allemagne est avant tout pragmatique. Pourquoi plus de gaz ? le gaz etait paye en euros et servait de de base de substitution a l etalon or. Copie directemment du dollar qui n est pas base sur l or mais sur le petrole ( petrodollar)

à écrit le 21/10/2022 à 13:52
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C' est bien sûr la faute du méchant Poutine qui proposait hier aux européens d' arriver et livrer par la branche du NS2 qui n' a pas été détruite par les straussiens us, voir l' excellent article de Réseau Voltaire sur le ...

à écrit le 21/10/2022 à 9:34
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Décidément visionnaires nos amis allemands, pas de nucléaire , produire de l'hydrogène avec du charbon, dépendance énergétique vis à vis des russes , refus d'une défense commune , etc....

le 21/10/2022 à 11:17
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alors vous commencer a comprendre que l'allemagne et ces dirigeants ne roule que pour leur pays quoi de plus normal et c'est les dirigeanst francais qui sont nul et voir inutile depuis des lustres a avoir ceder a toute les directives de protection ...

le 23/10/2022 à 8:39
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avez vous entendu les voix qui demande une sortie de l'allemagne de l'euro apres avoir siphonné l'europe entiere et oui ou est le couple franco allemand de m macron voile ce qui arrive a force de dire oui a tout idem avec le magreb petite parent...

à écrit le 21/10/2022 à 6:40
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Bonjour, que cetain pays sois en désaccord ne me semble pas catastrophique... Qu'ils n ' y est pas de compromis apres les discussions me semble surprenant.... Bien que le prix de l'électricité soit conduit par la speculation ou sur le cours de g...

à écrit le 21/10/2022 à 2:38
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Il faut rappeler que la France, déficitaire, vit aux crochets de l'Allemagne depuis des décennies. L'économie allemande avait l'habitude de réaliser des excédents, dépensés par les pays du sud via leurs déficits budgétaires. C'est l'Allemagne qui pa...

le 21/10/2022 à 13:19
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+1

à écrit le 20/10/2022 à 22:07
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L Europe des nations est devenue: Chacun pour soi! Et l Allemagne ajoute « tous pour un  seul pays capable de sauver la future Europe fédérale dont elle aura la présidence européenne ! En attendant chers Français fournissez moi du gaz de vos rése...

à écrit le 20/10/2022 à 21:14
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Les Allemands tout comme les Américains ne sont pas nos amis. Sur le plan économique ils s'entendent très bien sur le dos de la plupart des pays européens. Le partenaire naturel de la France en Europe c'est le RU même si de prime abord cela semble p...

à écrit le 20/10/2022 à 21:08
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Le plafonnement du prix du gaz n'est pas une solution, je ne comprends pas que la France s'entête dans ce genre d'absurdité. A moins qu'en France, on ne soit vraiment plus bêtes qu'ailleurs ?

à écrit le 20/10/2022 à 20:23
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avec l'allemagne, il faut être lucide, il faut arrêter drastiquement d'acheter des voitures, des camions, des machines outils et toutes autres importations aux allemands ; a l'évidence, les allemands ont financé massivement l'arsenal militaire de pou...

à écrit le 20/10/2022 à 19:09
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Ça ne date pas d'aujourd'hui que l'axe Franco-Allemand a toujours été sous le lead de l'Allemagne. La France n'étant qu'un vassal 🤣

à écrit le 20/10/2022 à 19:04
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Puisque l'Allemagne a toujours voulu profiter de l'Europe, faisant passer son intérêt avant celui des autres, ne serait il pas temps que chacun la quitte et reprenne sa liberté, la France dévaluerait ainsi son franc retrouvé de 30% et son économie re...

le 21/10/2022 à 10:38
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Avec une dévaluation de 30 % l'inflation serait à plus de 15 % et les taux d'intérêt d'un même niveau avec pour conséquence une baisse de la consommation et un service de la dette insupportable.

à écrit le 20/10/2022 à 18:54
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Il paraît que Nordstream 2 est fonctionnel, il serait peut être temps que nos dirigeants rangent leur ego au placard et arrêtent de sacrifier leurs populations.

le 20/10/2022 à 19:19
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Oh oui !

à écrit le 20/10/2022 à 18:50
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L'Allemagne n'est plus un partenaire, elle essaye non pas de coopérer mais de nous neutraliser. Dans tous les domaines: sur le nucléaire, sur le marché de l'énergie, sur les coopérations militaires, sur la défense anti-missile... Sur tous ces sujets,...

le 20/10/2022 à 19:21
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Vous avez oublié de mentionner que l'ordolibéralisme allemand à aggravé la crise des dettes souveraines en Europe (les p'tits soldats de Merkel ayant pris en otage les technocrates de Bruxelles) de 2009 à 2019, et que ses excédents commerciaux (en tr...

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