Un pot de mayonnaise, de la brioche ou des cookies chocolatés : à première vue, les produits de la start-up Algama, trouvés dans les rayons d'Auchan, Carrefour ou encore Franprix, ressemblent à tous les autres. Et pourtant, ils contiennent un ingrédient peu répandu dans les étals des grandes surfaces : des micro-algues, comme la spiruline ou la chlorelle. Grâce à un procédé maintenu secret, l'entreprise parvient à substituer les protéines d'origine animale par ces minuscules organismes végétaux unicellulaires.
Car ceux-ci présentent d' « incroyables bénéfices », assure le cofondateur d'Algama, Alvyn Severien. « Ce sont de véritables bijoux nutritifs », vante-t-il. Et le jeune chef d'entreprise sait de quoi il parle : avant même de créer la société, en 2013, il en était lui-même fidèle consommateur - sous forme de compléments alimentaires. Conquis par leurs propriétés « exceptionnelles » pour la santé, il lui vient alors une idée novatrice, lors d'un projet de fin d'études : les intégrer dans les biens courants de consommation. « Je souhaitais trouver un moyen de les valoriser, pour démocratiser leur accès », avance-t-il aujourd'hui.
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Le train est lancé. Son diplôme en poche, il s'associe à une équipe de chercheurs, notamment au CNRS, pour débuter l'étude des souches existantes. Et la mayonnaise prend rapidement, puisque l'entreprise décroche un prix au Salon de l'Alimentation un an plus tard, avant d'engendrer d'importantes levées de fonds. Fin janvier 2021, c'est la Région Ile de France qui distingue la start-up en lui accordant 600.000 euros de subvention dans le cadre du plan de Relance Industrie. De quoi financer de nouveaux produits, comme le dernier en date, le « tamalga », une mixture végétale permettant de remplacer l'œuf dans les préparations.
Enrichir nos assiettes
Présentes dans toutes leurs recettes, les micro-algues offrent un avantage considérable : elles peuvent pousser partout, y compris hors-sol, à condition de baigner dans un milieu aquatique. « On peut les produire sur des surfaces verticales, les cultiver en intérieur... Y compris à Paris par exemple », précise le chef d'entreprise. Et même si elles se développent dans l'eau, elles en consomment in fine beaucoup moins que certaines matières céréalières et que les animaux d'élevage, pour des niveaux de protéines équivalents ou meilleurs, insiste le cofondateur. « D'autant que cette eau sera récupérée pour les prochaines cultures », ajoute-t-il.
Cependant, « l'objectif n'est pas de remplacer toute l'industrie agroalimentaire par des micro-algues », affirme Alvyn Severien. Mais de l'enrichir, tout en diminuant son empreinte environnementale. « Nos assiettes se basent essentiellement sur une vingtaine d'ingrédients seulement, souvent produits de manière industrielle. Le but est de constituer un mix plus varié, avec des méthodes différentes et plus respectueuses de la planète », souligne-t-il.
A « mi-chemin » entre agriculture cellulaire et production classique, il espère ainsi séduire de plus en plus de consommateurs. « Sans aller jusqu'à fabriquer des produits de synthèse, de manière artificielle, on montre qu'il est possible d'utiliser la biomasse naturelle pour créer des produits différents de ce qu'on voit d'habitude », fait valoir Alvyn Severien.
Structurer la filière
Positionné en aval sur la chaîne, Algama n'a pas non plus pour vocation de produire la matière première. « Des milliers d'entreprises le font, mais aucune ne propose des produits facilement utilisables pour l'agro-alimentaire », précise le cofondateur. Pour transformer la matière première, l'entreprise s'approvisionne « essentiellement en France et en Europe ».
Mais la tâche n'est pas aisée : la texture particulière et le goût iodé caractéristique des micro-algues ne sont pas du goût de tous, surtout en Occident. Et le produit, très riche, favorise le développement de bactéries, qui peuvent elle-même provoquer l'apparition de maladies. « Pour l'éviter, on multiplie les efforts sur la R&D, en partenariat avec des instituts mais aussi dans nos propres laboratoires, de manière à ne prendre que ce qu'il y a de meilleur, et laisser le reste. C'est un processus vertueux, qui se fait entièrement sans solvant », développe Alvyn Severien. Ainsi, promet-il : le goût final de ses produits se rapproche de ceux qu'ils substituent.
Quid des composants non retenus ? Afin d'éviter le gaspillage, ils pourront être utilisés par d'autres industries, assure-t-il. Car les promesses du micro-organisme marin sont nombreuses, et s'étendent à une multitude de domaines - de la cosmétique aux biomatériaux. « Pour que cela profite à tous, nous mettons en place des projets de mutualisation », affirme le cofondateur.
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La stratégie d'Algama est claire : encourager une coopération entre ces secteurs, de manière à pouvoir structurer une filière. Et ainsi diversifier les débouchés et faire baisser les coûts de la matière première, encore élevés. « Il existe beaucoup d'acteurs qui s'y intéressent en France. Ils doivent pouvoir avancer dans la même direction », souligne Alvyn Severien. Y compris dans nos assiettes, alors que la demande des consommateurs pour une nourriture saine et respectueuse de l'environnement explose. Le chef d'entreprise en est convaincu : en la matière, « les micro-algues peuvent répondre aux enjeux de demain », affirme-t-il.
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