Ecran, si tu savais... La forme de l’eau

CHRONIQUE - Qu’il soit de cinéma, de télé, de smartphone, d’ordinateur ou de tablette, l’écran est partout. Révélateur des transformations de notre société, il en est parfois à l’origine. Un double rôle que décrypte Jonathan Curiel* pour T La Revue. (Cet article est issu de T La Revue de La Tribune - N°10 "Pourquoi faut-il sauver l'eau ?", actuellement en kiosque)
(Crédits : Astrid di Crollalanza)

L'eau a toujours inondé les écrans.

Dans les salles obscures, l'eau nous fait passer par toutes les émotions possibles. L'angoisse et la peur dans des films de sous-marins : d'À la poursuite d'Octobre Rouge au Chant du Loup en passant par Abyss. C'est ici une eau profonde, sombre, inquiétante. La terreur et l'inquiétude aussi dans les nostalgiques et toujours efficaces Dents de la mer. L'amour, la tristesse, l'aventure dans le mythique Titanic. L'évasion, le rêve, l'extrême dans le magnifique Grand Bleu. L'humour, le lien social, la solidarité dans le récent Grand Bain. Le mystère, la poésie et la beauté dans le multi-oscarisé La Forme de l'eau de Guillermo del Toro. On ne saurait sérier ici l'ensemble des films dont l'eau est l'élément, principal mais une chose est sûre : elle est un élément incontournable du 7e art.

Concernant le petit écran, c'est une mer longtemps rassurante et sereine qui a pris le visage d'une émission ancrée dans le patrimoine audiovisuel français, Thalassa, avec son générique au pied marin. Une mer également dévoilée par le Commandant Cousteau à bord de la Calypso dans un registre de découverte de notre écosystème.

 La tonalité est devenue plus sérieuse récemment. Comme un cri d'alerte. En matière de documentaires, on se soucie de l'avenir de la planète et des océans par le truchement de l'émerveillement, comme ceux référencés de la BBC qui montrent des étendues d'eau magnifiques hébergeant des populations animales en danger. On s'inquiète aussi de la raréfaction de l'eau, de sa dégradation à travers des images choc de déchets, des conflits géopolitiques que cette ressource devenue stratégique génère. L'eau est l'affaire de tous dans des sujets d'investigation désormais aux accents graves. C'est bien la moindre des choses pour celle qui représente 65 % de notre organisme et 70 % de la surface de la planète.

La publicité, elle, continue depuis des décennies de vanter les mérites des eaux minérales, sources de vitalité et de bien-être pour le corps humain. L'eau, partout et tout le temps.

La société médiatique, cette société des écrans, est une société de la vitesse et de l'immédiateté. Une société dont le débit est ininterrompu, soumise au flux continu et au brouhaha permanent. Un flot d'images et de sons qui défilent et dont certains doivent capter notre attention.

Le philosophe allemand Zygmunt Bauman avait élaboré le concept de « vie liquide » pour caractériser nos existences sous le joug de la vitesse, de l'immédiateté et de l'hypermobilité. La société liquide d'aujourd'hui s'oppose à la société solide d'autrefois. « La modernité liquide ne se fixe aucun objectif et ne trace aucune ligne d'arrivée ; plus précisément, elle n'attribue la qualité de la permanence qu'à l'état d'éphémère. Le temps s'écoule, il n'avance plus. »

La société liquide selon Bauman nous émancipe des contraintes traditionnelles réservées à une élite qui, à la stabilité issue des « sociétés solides », préfère le mouvement perpétuel, la précarité, l'extraterritorialité et le nomadisme. L'eau, symbole de nos sociétés modernes ?

* Ecrivain et directeur général adjoint des programmes du Groupe M6, Jonathan Curiel est l'auteur de Génération CV (Favard, 2012), Le Club des pauvres types (Fayard, 2015), Vite ! - Les nouvelles tyrannies de l'immédiat ou l'urgence de ralentir (Plon, 2020) et de La société hystérisée (L'Aube, 2021).

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Article issu de T La Revue n°10 spécial "eau" actuellement en kiosque et disponible sur notre boutique en ligne

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