Avec deux voiliers cargos en commande, l'armateur breton Towt prend le large

Chantre de la décarbonation de la marine marchande, l’armateur breton Towt change d’échelle. Après avoir bouclé un tour de table d’une cinquantaine de millions d’euros, il peut lancer la construction de ses deux premiers voiliers cargos. « Ils préfigurent les dizaines d’autres unités que nous enverrons sur les mers », assure son président. Prétentieux ? Pas si sûr.
Vue 3D des navires que le chantier naval Piriou doit livrer en 2023 et 2024
Vue 3D des navires que le chantier naval Piriou doit livrer en 2023 et 2024 (Crédits : Piriou)

Ce n'est pas un cap, c'est une péninsule que vient de franchir l'armateur finistérien Towt (pour Transoceanic Wind Transport). Le breton, qui s'est fait connaître en armant des vieux gréements pour le transport de marchandises, a réussi son pari. Il a annoncé en début de semaine avoir passé une commande ferme pour la construction de deux premiers voiliers cargos.

Première à bénéficier du suramortissement vert promise par Emmanuel Macron lors des assises de la mer de Nice, l'opération a été rendue possible au terme d'une levée de fonds proche de 50 millions d'euros. La plus grosse part est apportée par le CIC et le Crédit Agricole via un crédit-bail, le reste par une vingtaine d'investisseurs privés en capital et une campagne de financement participatif*.

Les navires transocéaniques de 81 mètres long seront construits en Roumanie par le chantier naval Piriou qui les livrera en 2023 et 2024. Sans équivalent dans le monde, ils devraient être capables d'embarquer plus de mille tonnes de marchandises en vrac ou en conteneurs. Signe particulier : ils seront propulsés quasi exclusivement grâce à la force du vent pour un objectif de décarbonation « de plus de 90 %, par rapport aux solutions existantes sur un trajet transatlantique ». Un niveau imbattable.

Les sceptiques auront beau jeu de souligner que ces esquifs futuristes seront des nains comparés aux méga porte-conteneurs très émetteurs de CO2 qui sillonnent les mers du globe (100 « boites » dans un cas, plus de 20.000 dans l'autre). Il n'empêche. De plus en plus de marques mises sous pression par la génération Greta s'intéressent à ce mode d'acheminement zéro émission que Towt sera le premier à porter à ce niveau de maturité.

Des vents favorables

Orange envisage ainsi de recourir aux voiliers cargo pour importer le quart de ses Livebox fabriquées en Asie. Pernod Ricard a annoncé vouloir charger 400.000 bouteilles de champagne à leur bord, direction New York. De son côté, l'importateur de cafés girondin Belco s'engage à faire appel à la compagnie pour la moitié de ses volumes (environ 5000 tonnes) d'ici deux ans. Quant au chocolatier Cémoi, son objectif est de porter à 12.000 le nombre de tonnes de cacao transportées chaque année à la voile à compter de 2025.

Rien qui surprenne Guillaume Le Grand, président et co-fondateur de l'armement. Lui assure être en capacité de remplir ses deux navires pour les dix ans qui viennent. « Nous ne vendons pas du rêve. Notre proposition est raisonnable et réaliste sur le plan commercial et technologique. A plus forte raison dans la période que nous traversons », insiste t-il. De fait. Outre l'impérative nécessité de décarboner les échanges maritimes, la congestion des grands ports pourrait aussi jouer en faveur de la compagnie.

« Du fait de leur absence de tirant d'eau, les voiliers cargos pourront accéder à des terminaux datant du 19ème et du 20ème siècle qui ne sont plus exploités dans les interfaces villes-ports », souligne t-on au siège de l'armement. Ainsi au Havre, leur port d'attache, ils escaleront dans un bassin directement relié au domaine fluvial et qui n'est pourtant plus guère fréquenté que par des cormorans. Détail qui n'en est pas un pour un chargeur : les navires, équipés de leur propre système de levage, échapperont à l'engorgement des portiques portuaires.

Dans le port normand, on semble d'ailleurs persuadé de la pertinence de la solution proposée par Towt. « Le projet est tout sauf utopique ou hors du temps », nous confiait, il y a peu, sa direction. De quoi conforter la stratégie de développement imaginée par Guillaume Le Grand. L'ancien trader de la City envisage, dès à présent, de passer commande de deux voire de quatre autres voiliers cargos en attendant, peut-être, de passer la surmultipliée avec une flotte beaucoup plus importante de « plusieurs dizaines d'unités ». « Personne n'avait vu venir le développement exponentiel des énergies renouvelables pas plus que celui du bio. Je suis convaincu que c'est ce qui attend la marine à voile », conclut-il. Qui sait ? Il arrive que le vent tourne.

*Plus de 2.000 particuliers ont souscrit pour 4,5 millions d'obligations sur la plateforme Lita.co.

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