Bank of America renoue avec le gigantisme

La crise de 2007-2009, avec en point d'orgue la faillite de Lehman Brothers, avait pu laisser penser que la finance américaine resterait longtemps à genoux. Moins de quatre ans plus tard, il n'en est rien. « Les États-Unis ont constitué des banques plus puissantes qu'avant la crise, tant en banque de détail que dans les activités de marchés », constatait Baudouin Prot, président de BNP Paribas, dans un entretien à La Tribune, le 1er décembre 2011.
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L'exemple le plus symbolique de ces colosses forgés sur les cendres de Lehman Brothers est sans doute Bank of America (Bofa). Retour dans le passé : nous sommes le samedi 13 septembre 2008. Dans deux jours, Lehman Brothers mettra la clé sous la porte. Les autorités américaines verraient bien Bofa sauver la banque d'investissement. Mais, surprise, le choix de Bofa se porte finalement sur la mythique banque d'affaires new-yorkaise Merrill lynch. le rachat est bouclé en quelques heures, pour 50 milliards de dollars, soit 29 dollars l'action, une bouchée de pain par rapport aux 98 dollars auxquels Merrill lynch cotait début 2007, avant que n'éclate la crise des subprimes (crédits hypothécaires américains à risque).au coup de théâtre s'ajoute le coup de maître : cette opération menée tambour battant fait gagner dix ans à Bank of America sur son plan de marche, plastronne alors son patron de l'époque, Kenneth Lewis. De fait, l'acquisition du numéro 1 mondial du courtage, également l'une des meilleures banques d'investissement au monde, bombarde la provinciale Bank of America - son siège ne se situe pas à Wall Street, mais en Caroline du nord - première banque des Etats-Unis, avec 2 700 milliards de dollars d'actifs gérés, devant JP Morgan Chase et Citigroup. Tout comme le rachat de Countrywide Financial, quelques mois plus tôt, pour quatre milliards de dollars, l'avait faite numéro 1 des prêts à l'habitat, aux Etats-Unis. Des services aux particuliers les plus classiques aux conseils en fusions et acquisitions les plus sophistiqués, Bank of America-Merrill lynch devient, en 2008, l'un des meilleurs symboles du modèle de banque universelle.

"Too big to fail" ou "Too big to manage" ?

Son statut de première capitalisation boursière du secteur bancaire américain, ravi à Citigroup en novembre 2006, s'en trouve conforté. Mieux encore, à l'échelle mondiale, Bofa fait un bond de deux places, se retrouvant deuxième, derrière la chinoise ICBC ! Et, sur le segment des émissions d'obligations et d'actions, Bank of America devient même numéro 1 mondiale. Tout cela dix ans seulement après sa création, lors de la reprise, en 1998, de Bankamerica par Nations Bank, pour 43 milliards de dollars. Une reprise orchestrée par le prédécesseur de Ken lewis, Hugh McColl, également appelé « Huge », en raison de son appétit pour les acquisitions. Un surnom prédestiné pour Bank of America.
Mais aujourd'hui, le gigantisme de Bank of America est moins une source d'orgueil que d'inquiétude, pour les Etats-Unis. En janvier dernier, des consommateurs, des chercheurs et des économistes, emmenés par l'association de consommateurs Public Citizen, ont déposé une pétition auprès de la Réserve fédérale américaine, appelant à son démantèlement. au motif qu'elle « menace gravement la stabilité financière des États-Unis », sa stature colossale devant immanquablement faire rejaillir ses difficultés financières sur l'économie américaine tout entière. Car Bofa ne se porte pas comme un charme : dans la dot de Countrywide Financial, épousée en 2008, figuraient quantité de subprimes. lesquels collent à Bofa comme son sparadrap au capitaine Haddock, acculant la banque à des pertes et à des poursuites judiciaires coûteuses, face auxquelles ses fonds propres pourraient être insuffisants, selon les analystes financiers.les deux milliards de dollars perdus en mai (qui seraient devenus neuf milliards depuis...) après une grossière « erreur de trading » par JP Morgan Chase, une autre géante grandie sur les ruines de la crise avec le rachat de Bear Stearns et de Washington Mutual en 2008, n'ont rien arrangé. et si la même chose se produisait chez Bofa ? Cette perte malencontreuse, qui a coûté plus de 20 milliards de dollars de capitalisation boursière à JP Morgan, « montre que les banques dites "too big to fail" [si énormes que leur faillite ébranlerait l'économie, et donc soutenues par le gouvernement en cas de besoin, ndlr] sont également trop grosses pour être correctement gérées », a asséné le sénateur démocrate Sherrod Brown, lors de l'audition du patron de JP Morgan devant le Sénat, le 13 juin. Si Brown est favorable à un projet de loi qui limiterait la taille de ce qu'il appelle les mégabanques, les Républicains, qui planchent sur d'autres moyens de mettre fin au too big to manage, ne sont pas en reste. Dans leur collimateur : Bank of america, JP Morgan, Citigroup, Wells Fargo (qui avait profité de la crise de 2008 pour racheter Wachovia) et Goldman Sachs, qui gèrent à elles cinq 8 500 milliards de dollars d'actifs. Un montant égal à 56 % du produit intérieur brut américain, contre 43 % en 2007. Cinq ans après la crise des subprimes, les grandes banques « systémiques » américaines ne sont plus seulement too big mais too giant. Avec tous les risques que cela peut comporter.

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