Quotas de CO2 : le cours est-il trop bas ?

Une troisième phase du marché européen d'échange de quotas débute en 2013 avec la mise aux enchères d'une part importante des quotas en circulation. Mais les observateurs s'interrogent devant les multiples problèmes de sécurité survenus ces dernières années et un cours trop bas pour avoir une quelconque efficacité en terme environnemental.
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Le marché européen d'échange de quotas de CO2 pèse environ 80 milliards d'euros et 6 milliards de quotas. Il a connu en 2011 une progression de 6 % en valeur et 17 % en volume. Derrière ces chiffres, qui traduisent une baisse du cours de la tonne de CO2 échangée, se lit un diagnostic inquiétant. Lors d'une récente conférence organisée par l'Institut européen de la régulation financière (IERF) sur la comptabilisation des quotas de carbone, et à l'aube d'une troisième phase qui s'ouvre en 2013, la pérennité même du système a été évoquée par plusieurs intervenants.

Instauré en 2005, l'European Trading Scheme (ETS) a pour objectif d'optimiser et d'égaliser les coûts d'abattement des émissions de CO2. En effet, le système de plafonnement et échange de quotas (cap & trade) permet d'éliminer en premier lieu les émissions les moins coûteuses. Un volume de quotas décidé au niveau européen puis réparti entre les Etats membres est ensuite attribué à quelque 10.000 sites industriels.

Les assujettis sont les électriciens, cimentiers, sidérurgistes, papetiers, fabricants d'engrais, soit 45 % des émissions de l'Union européenne, ainsi que, depuis le début de l'année,  les compagnies aériennes dont les vols atterrissent ou décollent d'Europe.... Ceux qui n'utilisent pas la totalité des quotas qui leur ont été attribués peuvent les vendre sur le marché à d'autres assujettis qui les auraient dépassés. De ces échanges résulte un cours de la tonne de CO2 qui, s'il est suffisamment élevé, incite les assujettis à investir pour adopter des process moins polluants, plutôt que d'acheter des quotas sur le marché.

Les dysfonctionnements d'un cours trop bas

Mais à 6 euros la tonne, son cours actuel, les industriels n'ont aucun intérêt économique à investir dans des équipements bas carbone. Ce cours (qui avait atteint un record de 35 euros en 2008) résulte d'une sur-allocation de quotas dans la première phase (2005-2008), puis de la baisse de l'activité industrielle liée à la crise économique sur la deuxième période (2008-2011). En outre, la courte vie de l'ETS a déjà été émaillée de multiples accidents et fraudes : phishing, carrousel à la TVA, recyclage indu de crédits, etc. Plusieurs mesures ont été prises pour éviter que ne se reproduisent les fraudes passées, notamment la création d'un registre unique au lieu de registres nationaux, ou encore des règles plus strictes d'accès au marché.
Quant au cours, plusieurs mesures sont également envisagées au niveau européen pour le  soutenir (réduction plus drastique des volumes mis en circulation, décalage dans le temps des enchères...) En effet, outre l'absence d'incitation économique sur les acteurs, un cours trop bas entraîne d'autres dysfonctionnements, dont l'instauration en ordre dispersé de mesures de soutien nationales (à l'instar du prix plancher décidé par le Royaume-Uni) et la baisse des perspectives de revenus dégagés par les prochaines enchères. Or, la vente des quotas qui ne seront plus alloués gratuitement mais mis aux enchères à compter de 2013 (50 % des quotas mis en circulation, contre 4 % aujourd'hui) doit financer une part significative de la transition vers une économie bas carbone. Une révision du règlement de mise aux enchères est d'ailleurs à l'étude pour cet automne.

Un marché "parfaitement mortel"

A l'instar des marchés financiers, les observateurs craignent que le marché carbone de devienne une fin en soi, et ne perde de vue les objectifs environnementaux qui ont conduit à sa création. Mais à l'inverse des marchés de matières premières, il apparaît « parfaitement mortel », pour Christian de Perthuis, professeur associé et président de la chaire économie du climat à l'Université Paris-Dauphine, ancien chef de la Mission climat de la Caisse des dépôts et des consignations (CDC) et l'un de ses plus fervents défenseurs. Christian de Perthuis préconise la création d'une autorité indépendante de régulation (AIR) capable d'assurer à la fois une gestion efficace à court terme (un cours suffisant pour orienter les investissements) et d'injecter une contrainte de long terme.

« La seule solution, c'est de fixer des objectifs de long terme contraignants », abonde Jérôme Malka, directeur général d'Orbeo, structure de trading de quotas créée à l'origine par la Société Générale et Rhodia et aujourd'hui détenue à 100 % par Solvay (qui a entre-temps racheté Rhodia). Cela permettrait en effet aux assujettis de faire des provisions de quotas en prévision des restrictions annoncées et de consentir des investissements avec une vision claire de leur rentabilité. S'il reconnaît « des signes de faiblesse » et admet que « la question du poids économique et environnemental de l'ETS est posée », il tient aussi à souligner la résilience du marché, qui traverse tant bien que mal la crise depuis deux ans.

En attendant, à l'exception de l'Europe et des Etats-Unis, où elles diminuent à la faveur de la crise économique, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont battu un nouveau record en 2011, en hausse de 3,2 % globalement, mais de 9,3 % en Chine et 8,7 % en Inde. Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), si une telle tendance se poursuivait, on se dirigerait tout droit vers une hausse des températures moyennes de 6°C à l'horizon 2050.



 


 

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