Sida : un espoir ténu sur fond d'injustice

La démonstration spectaculaire des militants d'Act Up lors de la cérémonie d'ouverture et la teneur du discours du professeur Peter Piot, responsable du programme des agences des Nations unies contre le sida, ont donné le ton de la XIe Conférence internationale sur le sida qui s'est ouverte dimanche soir à Vancouver, sur la côte ouest du Canada. Les principaux laboratoires pharmaceutiques sont accusés de profiter financièrement de la maladie et de refuser leur aide aux pays en voie de développement les plus touchés par la pandémie. Intitulée « Un monde, un espoir », la conférence de Vancouver rassemble jusqu'au 12 juillet près de 15.000 chercheurs et médecins spécialistes et près de 2.000 journalistes dans un contexte très particulier. Vingt-deux millions de personnes aujourd'hui atteintes par le virus Selon les dernières estimations publiées par Onusida, le programme mis en place par l'ONU pour lutter contre la maladie et coordonner les actions, près de 22 millions de personnes sont aujourd'hui atteintes par le virus ou par la maladie elle-même dans le monde. Au total, depuis la découverte de l'épidémie, on estime que près de 28 millions de personnes ont été infectées par le virus et que 6 millions en sont mortes. Les principaux foyers sont désormais situés dans les pays en voie de développement, l'Afrique concentrant 63 % du total des contaminations, l'Asie du Sud-Est 23 %, et l'Amérique latine 6 %, contre 6 % seulement en Amérique du Nord et en Europe occidentale. Désormais l'épidémie de sida semble connaître un développement à « deux vitesses ». Plus ou moins « sous contrôle » dans les pays industrialisés, selon le Pr Piot, elle continue à progresser dans les pays en développement. Des chiffres qui entérinent une inégalité flagrante de traitement, affirme le responsable de l'ONU, accusant les multinationales pharmaceutiques de laisser les pays pauvres « sans remède ». Des critiques relayées par Act Up qui n'hésite pas à employer le terme de « génocide » en affirmant qu'elles « imposent des prix d'achat inacceptables pour leurs médica- ments ». Situation d'autant plus préoccupante que sur le front scientifique les annonces de progrès se multiplient. Multiplication de nouveaux traitements La semaine dernière, une équipe de chercheurs américains a annoncé la découverte d'une nouvelle thérapie potentielle contre le sida. L'idée étant de doper les globules blancs des malades, puis de les réinjecter dans l'organisme atteint pour renforcer son système immunitaire, à condition qu'il ne soit pas à un stade trop avancé de la maladie. A Londres, le même jour, une équipe britannique a fait état d'un nouveau traitement visant également à renforcer le système immunitaire des personnes atteintes pour leur permettre de lutter contre les infections. Quelques jours plus tôt, c'est un nouveau « corécepteur » utilisé par le virus pour infecter des cellules de l'organisme qui avait été identifié par trois équipes, deux américaines et une britannique. Des progrès tangibles semblent également avoir été réalisés dans le domaine des thérapies. L'agence américaine chargée du contrôle des aliments et des médicaments (FDA) a ainsi approuvé ces derniers mois toute une série de nouvelles molécules, notamment des antiprotéases, capables à un degré ou un autre de freiner la reproduction du virus. Ces progrès médicaux, associés aux efforts de prévention, semblent aujourd'hui porter leurs fruits puisque une évolution positive se manifeste dans les pays industrialisés, comme aux Etats-Unis où l'on enregistre annuellement quelque 40.000 nouveaux cas d'infection contre 100.000 il y a quelques années. Amélioration notable enfin dans certains pays en voie de développement où, pour la première fois depuis l'apparition de la maladie en 1981, un recul des nouveaux cas d'infection a été constaté cette année en Thaïlande et en Ouganda. Toutefois, « l'erreur magistrale serait de parler de victoire » affirme le Pr Piot, qui rappelle qu'entre 75 et 85 % des nouvelles infections chez les adultes constatées dans le monde proviennent encore de relations sexuelles sans protection, et que près des trois quarts des nouvelles infections proviennent aujourd'hui de relations hétérosexuelles. Philippe Flamand
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