Pierre Truche s'installe à la tête de la Cour de cassation

La réunion du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), hier matin à l'Elysée, devait entériner une des plus importantes vagues de nominations de hauts magistrats (une vingtaine) depuis la Seconde Guerre mondiale. Et ce dans un contexte politico-judiciaire difficile et lourd de sous-entendus. Le président de la République, Jacques Chirac, qui préside, comme le veut la Constitution, la haute instance et a droit de veto sur les propositions de nominations avancées par le CSM, a pourtant choisi de donner du temps au temps en entérinant le report d'une partie des nominations à une date ultérieure. Un report sollicité par le CSM et qui concerne l'ensemble les premiers présidents de cours d'appel, parmi lesquels le successeur de Myriam Ezratty, première présidente de la cour d'appel de Paris, qui part en retraite. La candidature à ce poste d'Alexandre Benmakhlouf, actuel directeur de cabinet du garde des Sceaux, Jacques Toubon, et ancien conseiller de Jacques Chirac à la mairie de Paris, avait notamment suscité de vives tensions au sein de l'institution judiciaire. Vendredi, le Syndicat de la magistrature (gauche) avait ainsi adressé une lettre ouverte au CSM pour s'inquiéter des « pressions » subies par ce dernier « de la part de représentants du pouvoir exécutif ». Hier le président de la République a ouvert la réunion du CSM en s'affirmant « scandalisé par la campagne menée depuis quelques jours en vue de mettre en cause la bonne collaboration » entre tous les membres du CSM et « de nuire à la sérénité des délibérations ». Jacques Chirac a notamment « regretté en particulier que l'un des syndicats représentant les magistrats cherche à exercer des pressions inadmissibles par voie de lettre ouverte », en qualifiant cette démarche de « tout à fait anormale ». Le chef de l'Etat a rappelé qu'il était, selon la Constitution, « le garant de l'indépendance de la magistrature », et que cela valait en particulier pour les nominations. Il a souligné que « l'objectif commun pour le bien de la justice devait être de désigner les meilleurs sans aucune autre considération que leurs qualités ». La réunion élyséenne a néanmoins débouché sur une nomination d'importance en la personne de Pierre Truche, actuel procureur général de la Cour de cassation, qui remplace Pierre Drai au poste de premier président de cette même cour. Cette promotion d'un magistrat souvent classé à gauche, ardent défenseur des droits de l'homme (âgé de soixante-six ans, ce magistrat, qui a passé la plus grande partie de sa carrière au parquet, s'est notamment illustré à Lyon en 1987 par son réquisitoire contre Klauss Barbie), prend toute sa valeur dans le jeu de dominos qu'elle risque de déclencher au sein du parquet en libérant des postes clefs, à commencer par le parquet général près la Cour de cassation, qui représente le ministère public à la Cour de justice de la République (créée par la réforme constitutionnelle de 1993 pour juger les crimes commis par des membres du gouverne- ment dans l'exercice de leurs fonctions). Le garde des Sceaux, Jacques Toubon, pourrait alors librement nommer à ce poste un magistrat supposé proche du pouvoir, comme l'actuel procureur général de Paris Jean-François Burgelin, qui serait lui-même remplacé par un homme de confiance, comme l'actuel directeur des services judiciaires du ministre de la justice, Marc Moinard. L'ensemble des ces nominations pouvant être réalisées sans avis du CSM, le parquet étant du seul ressort de la chancellerie. PHILIPPE FLAMAND
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