« La Tribune ». - Les appareils photographiques jetables représentent-ils un progrès ou une régression dans l'univers de la prise de vue ? Philippe Bachelier. - Si ces appareils permettent à certains un premier contact avec la photo, c'est très bien. Ils sont moins chers que beaucoup de modèles conventionnels et surtout extrêmement faciles à utiliser. C'est ce qui explique leur succès. Au final, c'est la photographie dans son ensemble qui en bénéficie. Je crois donc qu'on ne peut pas dire que les appareils photographiques jetables desservent la photo, même si les réglages qu'ils autorisent sont très limités. C'est un manque de réflexion sur ce qu'est la photographie qui conduit certains à penser qu'il s'agit d'une pratique compliquée nécessitant réglages et équipements sophistiqués. L'important porte moins sur la technique que sur ce que l'on souhaite faire. Enfin, si on veut prendre la défense des PAP (prêts à photographier), on peut se demander quelle différence il y a entre un compact tout automatique et un PAP ? Que faut-il penser de la sophistication croissante des appareils : automatiques, autofocus... Ce sont de très bons appareils que le grand public comme les professionnels apprécient. Mais une fois de plus la question qui se pose est : « Pour quoi faire ? » La tendance actuelle consiste à automatiser au maximum pour faire croire au photographe qu'il va réussir toutes ses photos. Mais, en dépit des automatismes, on ne réussit jamais toutes ses photos. Et d'ailleurs, qu'est- ce qu'une photo réussie ? Une photographie bien nette ? Ou plutôt une photo avec une émotion ? Il y de très belles photo floues. Et l'APS (Advanced Photo System) ? Je pense qu'il s'agit essentiellement d'un coup marketing destiné à redynamiser le marché des boîtiers, et guère plus. Certes l'objectif de l'APS est de rendre la photo plus facile qu'avec un appareil compact. Et cet objectif est atteint. Il est par exemple plus facile de charger un film dans un appareil APS que dans un boîtier compact. Et donc, de ce point de vue, c'est très bien. Mais attention de ne pas extrapoler et de ne pas faire des amalgames. On a dit que l'APS marque la fin du 24x36, ce qui me semble être une assertion hasardeuse. Le format de l'APS est plus petit que le format 24 x 36, et qui dit plus petit, dit moindre qualité... Mais l'APS trace d'une certaine façon la voie de la photographie numérique... La photographie numérique commence à être bien utilisée dans certains secteurs tels que le catalogue ou la presse, comme le fait Reuters par exemple. Toutefois, même si l'image numérique est de plus en plus utilisée, pour l'heure il faut reconnaître qu'elle est très loin d'offrir la qualité de l'image argentique. D'autre part, le coût de production, en particulier au niveau du matériel de prise de vue, la réserve certainement à un usage professionnel. La diffusion de ce type d'image risque donc de ne pas être très rapide. D'un autre côté, la photographie numérique offre de nombreux avantages au niveau de la retouche d'image, pour les professionnels comme pour les amateurs. On peut penser que ces possibilités de montage et de manipulation attirent un certain nombre de photographes amateurs qui ont déjà un ordinateur et qui souhaitent faire des traitements sur les images. A quelle échéance le support papier est-il condamné à disparaître ? Tant que l'on voudra mettre des photographies dans son portefeuille, on aura besoin de supports papier. La question est en fait de savoir de quel type de papier il s'agira. Aujourd'hui, l'essentiel des tirages se font sur papier argentique, mais avec le développement de la photo numérique on voit apparaître de plus en plus d'imprimantes informatiques qui permettent de réaliser des sorties papiers. Certaines technologies donnent des résultats étonnants, c'est le cas par exemple des imprimantes à sublimation thermique qui travaillent en tons continus. Donc pas de soucis pour le papier. Propos recueillis par Frédéric Lorenzini

latribune.fr

26 Sept 2008, 0:40

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