APS, numérique, la photo se fait un allié de l'électronique

Mardi 25 juin. Un magasin Fnac parisien. Dialogue habituel en cette veille de vacances. « Mon budget photo est de 2.000 francs. Quel type de compact me proposez-vous ? » Les appareils défilent. Au bout de cinq minutes, question timide de l'acheteur : « On m'a parlé de nouveaux modèles... APS, mais je ne les vois pas sur le présentoir... » Le vendeur l'invite à se déplacer un peu plus loin. Au bout du comptoir, signalés par un logo plutôt discret, une dizaine de boîtiers semblent quelque peu oubliés, coincés entre compacts traditionnels et classiques reflex 24x36. Les explications du vendeur sont franchement hésitantes et n'encouragent guère à l'achat. Une présentation pour le moins timide alors que la Fnac apparaît en France comme le partenaire privilégié du fameux club des cinq (Kodak, Fuji, Nikon, Canon et Minolta) et, à ce titre, le mieux placé pour promouvoir ce nouveau concept. Las. Au lancement en grande pompe du 22 avril dernier de l'APS (Advanced Photo System, sur une base argentique), format qui allait révolutionner le marché de la photo et est appelé à devenir le futur standard du XXIe siècle, a succédé une pénurie d'équipements : le club des cinq comme la plupart des fabricants ayant adhéré au projet s'est montré incapable de respecter ses engagements. Commentaire laconique d'un analyste du secteur : « C'est un joli loupé de départ... » Et cette situation n'est pas sans inquiéter les distributeurs qui s'interrogent déjà sur les moyens à mettre en oeuvre pour remplir leurs objectifs annuels. D'autant plus que la photo n'est pas ce que l'on pourrait appeler un marché particulièrement dynamique qui peut s'autoriser ce type de faux départ. Tous les professionnels s'accordent : le business est certes solide, mais de nature plutôt stable. Le parc est estimé à 40 millions d'appareils. Ordre d'idée : le marché tourne autour de 14 milliards de francs. Les travaux photo et les films s'y taillent la part du lion avec 83,4 % de l'activité, le matériel représentant 16,6 % des ventes. La raison en est simple : 84 % des foyers possèdent au moins un appareil photo, et achètent en moyenne cinq films par an. Dans ce paysage plutôt calme, seul le PAP (prêt à photographier) ou jetable connaît un rythme de croissance soutenu : plus de 18 % l'an dernier, ce qui fait de la France le premier consommateur européen avec 60 % de part de marché. Il faut bien l'admettre, trouver aujourd'hui un de ces nouveaux modèles APS relève bien souvent de l'exploit ou du hasard. Selon que l'on s'adressera à une grande surface parisienne ou au petit distributeur de Feuquières-en-Vimeu, dans la Somme. Mais les fabricants se veulent confiants. Tout sera réglé à la fin du mois de septembre, à l'occasion de la Photokina, l'un des deux grands salons annuels de l'industrie. La deuxième grande campagne de pub pourra alors débuter pour doper les ventes dans la perspective des fêtes de fin d'année. Pour l'heure, les prix affichés oscillent entre 490 et 4.000 francs. Il faut l'avouer, à la fin du mois de mai, seuls quelque 35.000 appareils APS avaient été écoulés, contre 140.000 au Japon. D'ailleurs, les fabricants comptent bien en profiter pour étoffer leur gamme et présenter déjà la seconde génération d'équipements répondant à ce format. Il s'agit cette fois d'être au rendez-vous. Certains fabricants vont jusqu'à avancer que, pour l'an 2000, les compacts APS devraient représenter 80 % du marché grand public. D'autres sont plus prudents. Et pour cause. Car l'automne va voir déferler sur ce marché une nouvelle race d'équipements complètement étrangers au monde de l'« argentique », celui de la pellicule photo traditionnelle. Vont y évoluer aussi bien les acteurs de la photo que ceux de l'électronique grand public ou de la micro-informatique. C'est l'univers de la photo numérique. Ce qui laisse présager de grands bouleversements et n'est pas sans poser un certain nombre de questions. Entre autres, les émulsionneurs (les producteurs de films photo) ne risquent-ils pas de voir leur rôle réduit à néant ? L'APS ne représenterait alors qu'une étape simplement destinée à leur donner un dernier coup de fouet avant de basculer dans l'ère numérique. D'ores et déjà, les laboratoires industriels proposent aux consommateurs, en plus de leur pochette standard, la possibilité d'obtenir ces clichés sur disquette informatique. Dans ce contexte, les petits labos de proximité qui ont bâti leur succès sur le traitement photo en une heure sont condamnés à suivre le mouvement. D'ailleurs, certains distributeurs actuellement équipés de minilabs traditionnels ont déjà entamé une réflexion sur les traitements photos numériques pour tenter de conserver leur clientèle. Chantal Colomer et Gilles Musi
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