La réforme du temps de travail restera d'une portée limitée

La gestion du temps des décideurs économiques coïncide rarement avec celle pratiquée par les " politiques ". Le Medef ne va pas tarder à s'en rendre compte sur la question de la durée du travail : la réforme préparée par le gouvernement pour l'été prochain risque de ne pas aller assez loin pour l'organisation dirigée par Laurence Parisot qui rêvait d'en finir une bonne fois pour toutes avec les lois Aubry sur les 35 heures.Il y a encore quelques mois, l'espoir était pourtant grand du côté du Medef qui espérait que le gouvernement irait jusqu'à supprimer dans le Code du travail toute référence à une durée légale du travail, vieille antienne patronale. De fait, il y a quelques mois encore, le Medef avait de quoi s'enthousiasmer. Nicolas Sarkozy, intervenant le 7 décembre à Lyon devant des chefs d'entreprise réunis par la CGPME, avait expliqué que " chaque entreprise pourra définir par négociation le nombre d'heures travaillées, le nombre d'heures supplémentaires éventuelles et le niveau de majoration des salaires. En l'absence d'accord collectif, la durée légale obligatoire restera de 35 heures par semaine ou de 1.607 heures par an. Ces accords ne pourront être valides que s'ils sont signés par des syndicats représentant la majorité des salariés ".C'était donc clair, une entreprise qui trouvait une majorité syndicale pouvait s'affranchir des dispositions légales sur le temps de travail (contingent d'heures supplémentaires, majoration de la rémunération des heures sup, etc.). Concrètement, donc, le seuil de déclenchement des heures supplémentaires n'aurait plus forcément été la 36e heure de travail, mais la 37e, la 38e, etc.CHAUD ET FROIDMieux, le mardi 8 janvier, lors d'une conférence de presse, le président de la République répond par un " oui " laconique à la question de savoir s'il souhaitait la fin des 35 heures en 2008. Joie au Medef qui pense alors encore que chaque entreprise pourra fixer " sa " durée du travail et " son " seuil de déclenchement pour les heures sup. Mais, dès le lendemain, Nicolas Sarkozy déclarait vouloir maintenir une durée légale du travail. Déception au Medef.Alors, finalement, qu'en est-il ? Le gouvernement maintient son idée de déposer " avant l'été " un projet de loi sur la durée du travail après avoir tenté, par courrier du Premier ministre du 26 décembre, d'inciter les partenaires sociaux à négocier sur cette question en même temps que sur la question de la représentativité. Mais les syndicats ne le souhaitent pas. Et le projet de loi serait d'une portée plus limitée que les ambitions premières.La référence à une durée légale du travail de 35 heures hebdomadaires serait conservée. C'est donc toujours à la 36e heure que se déclencherait le mécanisme des heures supplémentaires. Et pour cause, en pleine période de morosité sur la question du pouvoir d'achat, la majorité ne pouvait pas renier le slogan électoral " travailler plus pour gagner plus ". En revanche, des accords d'entreprise majoritaires pourront fixer un taux de bonification de ces heures sup dérogatoire à celui prévu par les textes légaux (25 % pour les huit premières heures).Cependant, le projet de loi devrait tout de même fixer un taux minimum de bonification (5 ou 10 %). De même, le texte devrait permettre aux entreprises de déroger aux contingents d'heures supplémentaires conventionnels de branche. Et ce, sans obliger les entreprises à accorder des repos compensateurs. Enfin, les accords d'entreprise majoritaires pourraient aussi permettre aux cadres en forfait jours de dépasser le plafond annuel légal de 218 jours.Bref, des décisions qui conviendront certainement au Medef et à la CGPME mais qui, pour autant, resteront d'une portée limitée face à la principale revendication patronale : abolir toute référence à une durée légale du travail, comme cela est le cas au Royaume-Uni.
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