L'addition économique risque d'être salée

Après la « fête » électorale, la Russie se réveille avec une bonne « gueule de bois » financière. Depuis six mois, afin de retrouver la faveur des électeurs, le pouvoir n'a cessé de multiplier les largesses financières au mépris total de son cadre budgétaire, et donc des engagements contraignants que Moscou avait pris à l'égard du FMI. Des largesses qui sont cepen- dant loin d'être illégitimes puisque la moitié des dépenses budgé- taires effectuées au cours des premiers mois de 1996 ont consisté à régler une partie des arriérés des salaires dus aux fonction- naires et aux employés des entreprises d'Etat. Un salarié qui n'est pas payé vote rarement pour son patron... Conséquence, le déficit budgétaire dérape : il atteignait déjà 4,3 % du PIB annuel fin avril contre l'objectif affiché de 4 % pour l'ensemble de l'année. Mais cette fuite en avant financière ne reflète pas seulement un accroissement des dépenses. Côté recettes, la descente aux enfers est encore plus prononcée puisque les revenus de l'Etat sont passés sous les 8 % du PIB en avril, alors que la Russie s'était engagée auprès du FMI à les porter à 14,5 % sur l'année 1996. Cette fuite devant l'impôt est principalement le fait de chefs d'entreprise tellement caressés dans le sens du poil par le pouvoir qu'ils ne pouvaient imaginer être sanctionnés pour rébellion fiscale. Face à cette situation, le gouvernement n'a que deux possibilités, comme le soulignait hier le conseiller économique de l'ambassade de Russie à Paris : « ou bien il dépasse les normes concertées avec le FMI » ; mais, dans ce cas, il s'expose, lors du prochain examen trimestriel de la bonne exécution de l'accord par les instances du Fonds, à une suspension des versements mensuels de 330 millions de dollars au titre de la ligne de crédit de 10 milliards accordée sur trois ans en mars dernier ; « ou bien le gouvernement contient le déficit avec le risque d'une rechute de l'activité ». Un choc psychologique salutaire Un risque d'autant plus préoccupant que l'activité a fortement chuté depuis le début de l'année et que le PIB devrait enregistrer un sixième recul annuel consécutif en 1996. A l'origine de ce marasme, un net recul de l'investissement qui, sur les quatre premiers mois de l'année, s'inscrit en baisse de 10 %. Toutefois, un certain nombre d'observateurs tablent sur le fait que la victoire de Boris Elstine est susceptible de créer un choc psychologique salutaire. Les contribuables récalcitrants pourraient ainsi rentrer dans le rang, tandis que les investisseurs, rassurés par les perspectives de stabilité et de poursuite de la transition vers le marché, devraient sortir de leur attentisme. Une stabilisation qui, en outre, est de nature à favoriser le rapatriement d'une partie des dizaines de milliards de dollars de capitaux russes placés à l'étranger. Enfin, comme l'a montré la réaction des marchés hier, les taux d'intérêt sur les bons du Trésor pourraient fortement diminuer, facilitant le financement du déficit. Revers de la médaille : une baisse des taux pourrait précipiter des krachs bancaires en série... Bref, les mois à venir risquent d'être fertiles en rebondissements. D. V.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.