Espion en classe touriste

Outre-Atlantique, on compare souvent Olen Steinhauer à Graham Greene ou à John Le Carré. Rien de moins ! Il est vrai que son dernier roman « le Touriste » possède toutes les qualités pour devenir un classique du genre : une intrigue maîtrisée de bout en bout ; un suspense parfaitement distillé et surtout une impressionnante description des milieux du renseignement. Le roman repose sur une idée astucieuse : créer une nouvelle catégorie d'espion, les « touristes ». Ces agents sont lâchés dans la nature sous une fausse identité et enchaînent les missions sous les ordres d'une cellule ultrasecrète de la CIA chargée d'exécuter les basses ?uvres de la politique extérieure américaine.Intrigue complexeMilo Weaver a été pendant dix ans un de ces « touristes », un tueur implacable qui obéit aveuglément à sa hiérarchie, opérant comme une ombre, jusqu'à cette dernière mission où il a frôlé la mort en tentant de neutraliser un agent ripoux? Le roman s'ouvre sur le même homme qui occupe, quelques années après, un bureau au siège de cette agence de voyages très particulière. Loin du terrain et de l'action, Milo a fondé une famille et semble avoir exorcisé les démons de cette vie passée. Jusqu'à ce qu'un mystérieux terroriste croise son chemin et ne le force à ressortir son passeport de « tourisme ».On ne dévoilera bien sûr aucun des ressorts de cette intrigue complexe qui transpose les codes classiques du roman d'espionnage dans la société mondialisée du début du XXIe siècle. Le récit se développe autour des rivalités entre la CIA et la Homeland Security Agency (l'agence chargée de la sécurité intérieure créée après les attentats du 11 septembre) sur fond de lutte d'influence pour le contrôle du pétrole soudanais. Olen Steinhauer décrit la multiplication des menaces qui a amené à une remise en cause des pratiques des services de renseignement américains. Vie d'erranceDe fait, les ennemis de Milo sont nombreux et variés : terroristes islamistes, diplomates chinois très indiscrets et oligarques russes tout-puissants. Sans compter ses propres collègues de la CIA, loin d'être irréprochables.Déjà auteur d'une demi-douzaine de romans d'espionnage se déroulant derrière le rideau de fer entre 1945 et 1989, Olen Steinhauer a franchi une étape avec cet opus plus ambitieux et bien mieux maîtrisé. Il confesse s'être inspiré de sa propre vie d'errance pour imaginer le personnage principal du « touriste » : cet Américain bien peu tranquille a en effet sillonné les États-Unis avant de rejoindre l'Europe à 19 ans. Après Zagreb, Prague, l'Italie et la Roumanie, il vit depuis six ans à Budapest où il a rencontré sa femme d'origine serbe. n « Le Touriste », d'Olen Steinhauer. Éditions Liana Levi, 524 pages, 22 euros.
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