Les patrons ne croient pas à une sortie de crise rapide

En juillet 2008, Carlos Goshn, le patron de Renault et de Nissan, avait fait sensation à Aix-en-Provence en prédisant une crise longue et structurelle du secteur automobile. C'était presque au plus haut des cours du pétrole et avant la tempête née de la faillite de Lehman Brothers. Un an plus tard, le fil rouge d'Aix 2009, dont « La Tribune » est partenaire, aura été la mise en doute du consensus ambiant selon lequel une sortie de crise rapide est possible.Parmi les nombreux patrons, impossible de trouver un optimiste dans les « jeunes pousses » (green shoots) d'une croissance renaissante. Au contraire, l'heure est à la prudence extrême. Gérard Mestrallet, PDG de GDF-Suez, ne voit pas de reprise avant le deuxième semestre 2010 mais reste confiant sur le gisement de croissance des pays émergents. C'est « morne plaine » aux États-Unis et en Europe, confirme Léo Apotheker, PDG de l'éditeur allemand de logiciels SAP. Mais, « en Inde, en Chine, cela repart ».La crise risque de s'étendre à de nouveaux secteurs à mesure que l'emploi sera touché. C'est déjà le cas des télécoms en Espagne, où le taux de chômage est remonté à 18 %, mais pas encore en France, précise Éric Labaye, directeur général de McKinsey en France. « Cela va forcément se répercuter un jour sur la consommation, même si elle se tient encore bien en France », estime Martin Vial, directeur général d'Europe Assistance.La peur d'une aggravation de la crise demeure, même si, conjoncturellement, l'économie va repartir. En mathématiques, on appelle cela un problème de dérivé : il y a bien un ralentissement de la baisse, mais après une contraction de 8 % à 10 % du PIB l'hiver dernier, on risque de plafonner longtemps entre 0 % et 1 %. En clair, à tous ceux qui imaginent une reprise en V ou au pire en W, c'est plutôt le scénario de la racine carrée, aussi appelé le « W écras頻, que l'on voit poindre.« Nous ne sommes pas dans une crise cyclique, au sens classique du terme », note Patrick Artus. Le taux de chômage pourrait, selon lui, atteindre 12 % en France en 2012 et la dette publique serait à 100 % du PIB à l'horizon 2015. La plupart des pays de l'OCDE sont sur la même tendance. Un choc de demande « monstrueux » qui met en question l'efficacité des politiques monétaire et budgétaire. Denis Kessler le dit haut et clair : la croissance « ne sera plus tirée par le crédit, il faut inventer un autre modèle ». Le PDG de Scor s'inquiète pour les finances publiques, proches d'une « situation critique ».nécessaire coordinationIl faut pourtant des réponses audacieuses : face à l'aggravation de la crise sociale, le Cercle des économistes réclame un nouveau plan de relance concerté en Europe à hauteur de 2 points de PIB. Dans une déclaration finale inhabituellement grave, les membres de ce club, réunissant trente des meilleurs économistes français, se sont unanimement démarqués de la thèse du « business as usual », d'un retour à la normale que laisse entendre le rétablissement rapide de la finance américaine. « Cette vision rassurante est inopérante et dangereuse, dans la mesure où elle ne permet pas d'imaginer et de mettre en place les réformes institutionnelles et les coordinations indispensables à l'émergence d'un nouveau modèle de croissance. » À défaut de progrès dans la coordination économique, « on ne peut en aucun cas imaginer une reprise de l'économie mondiale avant plusieurs années, peut-être plus de trois », explique le Cercle, qui propose une grande conférence de la renaissance au printemps 2010.Notre chance : peut-être l'absence d'inflation qui soutient le pouvoir d'achat. Est-elle durable ? Jean-Claude Trichet l'assure et boit du petit-lait, mais apparaît fatigué à Aix, le seul à ne pas afficher une mine bronzée. Dur dur, le métier de banquier central.
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