« Nous n'imposerons pas à la Chine notre lecture du monde »

Comment interprétez-vous le communiqué conjoint franco-chinois émis la veille du G20??Ce communiqué confirme la position diplomatique affirmée par le général de Gaulle et la France il y a exactement quarante-cinq ans. Il clarifie la position française sur le sujet très sensible pour la Chine du Tibet. Il permet aussi au dialogue entre les deux pays de reprendre son cours sur une base sereine.La brouille entre la France et la Chine est-elle terminée??Il y a eu un gros coup de froid entre nos deux pays. Cette rencontre et ce communiqué sont un pas important vers le retour à la sérénité. Mais la période récente est exceptionnelle par rapport à la constance de la relation entre Paris et Pékin, qui a toujours été forte. Les deux pays ont cherché à se comprendre et à s'aider, y compris lorsqu'ils traversaient des difficultés. Nous devons capitaliser sur cette histoire longue et forte.Plus que des déceptions, on a plutôt vu un fossé se creuser entre la France et la Chine?Si l'on se place dans une perspective longue, je ne pense pas. Si l'on se souvient que la Chine était un pays fermé il y a seulement trente ans, on se rend compte que nos deux pays se sont rapprochés de façon spectaculaire en très peu de temps. On oublie trop facilement en France le tour de force accompli par la Chine depuis son ouverture. Elle s'est intégrée au commerce international et, souvent, a répondu aux demandes des Occidentaux. En un temps record, elle est sortie du cadre de son économie planifiée. Plus important, elle a fait émerger de la pauvreté la plus profonde des centaines de millions de personnes ? soit l'équivalent de la population de l'Europe ? en moins de trente ans et sans désordres sociaux majeurs. L'espérance de vie y est maintenant élevée. En rejoignant en 2001 l'Organisation mondiale du commerce, la Chine en a adopté les règles et s'est transformée pour s'y conformer. Elle a accepté et développé l'investissement étranger, y compris en pleine propriété. Face à ces efforts considérables, les Chinois ressentent comme injuste l'hyperpolarisation de certains sur le sujet du Tibet. Je pense d'ailleurs que nous ne parlons pas suffisamment ici de l'incroyable transformation de la société chinoise, et de l'enrichissement historique de sa population pendant les vingt dernières années.La Chine est devenue l'une des toutes premières puissances économiques de la planète?: comment traiter avec elle??D'abord, en acceptant les faits et en regardant la réalité en face?: dans le grand village mondial, une famille sur cinq est chinoise, avec sa tradition et sa propre culture. Tout en restant fidèles à nos valeurs, nous n'imposerons pas à la Chine notre lecture du monde. Nous devons comprendre nos différences, nos grilles de lecture et nous respecter. Pour cela, le meilleur moyen est de créer des relations à tous les niveaux entre les personnes, entre les entreprises et bien évidemment les États. Le comité France-Chine jouera tout son rôle dans la sphère des relations entre les entreprises.Vous avez récemment pris la tête du comité France-Chine?: sur le plan économique, comment mettre fin aux malentendus??J'ai accepté de prendre la tête de ce comité, car je crois connaître la Chine, où j'ai vécu entre 1994 et 1999. Encore aujourd'hui, la Chine est un des pays où je voyage le plus. C'est devenu le 2e pays en importance pour Schneider Electric, le groupe que je dirige. Je suis convaincu qu'entre Français et Chinois, nous avons beaucoup à gagner en misant sur ce qui nous rassemble. Pour cela, nous devons établir un dialogue économique plus approfondi. En dix ans, les choses ont beaucoup changé?: à l'époque, nous parlions surtout de transfert de technologie. Aujourd'hui, les entreprises chinoises se sont développées, y compris dans le domaine de la technologie, et ont acquis une culture internationale.Le coup de froid dans les relations diplomatiques a-t-il affecté nos relations d'affaires avec la Chine??Non, mais il ne fallait pas qu'il persiste. La rencontre entre Hu Jintao et Nicolas Sarkozy a été très utile. De bonnes relations diplomatiques aident les bonnes relations économiques, L'objectif du comité France-Chine est uniquement économique?: nous développons les liens industriels, scientifiques, mais aussi personnels afin de créer des opportunités entre les acteurs économiques des deux pays. Nous sommes très pragmatiques.Pensez-vous que la Chine sortira renforcée de la crise??Indéniablement. Quelques jours seulement après la chute de la banque Lehmann, aux États-Unis, je participais à un forum économique à Tianjin. J'ai vu ce jour-là des banquiers américains se faire sermonner par leurs homologues des banques chinoises?! L'homme d'affaires hongkongais, Li Ka-shing, qui a récemment prédit que la Chine serait la première économie à repartir, a probablement raison. Face à la crise, l'ensemble du gouvernement chinois est sur le pont. Les dirigeants chinois, qui disposent de marges de man?uvre considérables, ont annoncé un plan de relance ? avec des stimulus packages ? bien réel, qui se met aujourd'hui en place. Je pense que l'économie chinoise sera l'une des premières à retrouver un taux de croissance élevé et, ce faisant, elle sera l'un des principaux moteurs de la reprise mondiale. Toutes les entreprises qui font partie du tissu chinois en profiteront, y compris les étrangères. n Le président de Schneider Electric a pris la tête en février du comité France-Chine, qui organise aujourd'hui et demain à Pékin, sous la présidence de Jean-Pierre Raffarin, son XVe colloque économique sur le thème des nouveaux partenariats entre les deux pays.
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