La tension monte dans les sociétés détenues par les fonds

Une petite société?: Sublistatic, fabricant de papier pour la mode. Une juridiction de province?: celle des prud'hommes de Lens, dans le Pas-de-Calais. Mais une décision qui fait du bruit?: le 28 novembre 2008, le tribunal lensois a condamné le fonds d'investissement Acland, actionnaire majoritaire de Sublistatic, et son liquidateur judiciaire à verser entre 37.000 et 220.000 euros de dommages et intérêts aux 168 salariés de l'entreprise pour licenciement irrégulier. C'est la première fois qu'un fonds d'investissement est jugé comptable des choix stratégiques de la société qu'il détient. Le tribunal des prud'hommes a estimé qu'Acland avait été « dirigeant de fait » de Sublistatic.La décision serait certainement passée inaperçue avant la crise mais, aujourd'hui, « l'heure est à la chasse aux fonds d'investissement dans les entreprises », observe un avocat spécialiste du private equity. « Beaucoup de sociétés licencient et les juges vont être tentés de répondre à ces situations de détresse en allant puiser dans la poche des fonds, qui ont été parfois associés de manière très étroite à la gestion quotidienne de la sociét頻, continue-t-il.véritable poudrièreLa décision des prud'hommes fait déjà des émules. Un dossier similaire à celui de Sublistatic est en instance de jugement à Paris. Et le risque que l'épiphénomène se transforme en lame de fond est grand.En France, environ 5.000 entreprises employant plus de 1,6 million de salariés, selon l'Afic, sont détenues ou accompagnées par des fonds d'investissement. Sous l'effet de la crise, nombre d'entre elles ont ou vont déposer le bilan. Les plus touchées sont celles rachetées grâce à un montage LBO, c'est-à-dire avec un fort recours à l'emprunt. Lequel pouvait représenter jusqu'à 80 % de la valeur totale de l'opération en 2006 et 2007. Une charge financière qui repose in fine, non pas sur les épaules du fonds, mais sur celles de la société, qui doit faire « remonter » ses dividendes pour les créanciers.inquiétudesFace à cette véritable poudrière, la jurisprudence « Sublistatic » inquiète. Les cabinets d'avocats et fonds d'investissement contactés par « La Tribune » n'ont pas souhaité être cités sur le sujet. Tout juste un juriste a-t-il concédé que « de nombreux fonds se manifestent pour connaître les mesures de précautions à prendre afin de ne pas être pris au piège en cas de dépôt de bilan. Tout doit être passé au peigne fin, jusqu'aux échanges de courriels ».De son côté, l'avocat des salariés de Sublistatic, Fiodor Rilov, s'attend à ce que sa victoire trouve un écho?: « Cette décision de justice résulte de l'application de règles élémentaires de droit. Il n'y a donc aucune raison qu'elle puisse être invalidée dans l'avenir. L'étonnement des fonds d'investissement face à ce jugement provient peut-être du fait qu'ils sont peu habitués à être confrontés au droit du travail. » L'avenir dira qui prêche le vrai. En attendant, le fonds d'investissement Acland a fait appel de la décision des prud'hommes de Lens. L'arrêt de la cour d'appel de Douai est attendu d'ici à un an.Alexandre Madde
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