Psy au bord de la crise de nerfs

C'est le cauchemar de tous les psychiatres : être, à son tour, victime de dépression et ne plus pouvoir aider ses patients. C'est ce qui arrive au bon professeur Sturrock, portant beau sa soixantaine, un psychiatre londonien renommé. Il n'en peut plus. Il sent qu'il sombre. Pourtant, il ne veut l'avouer ni à ses confrères ni a son épouse. Martin Sturrock continue de recevoir ses patients. Défilent dans son bureau une jeune fille atrocement défigurée à la suite d'un incendie, un avocat un peu trop porté sur le sexe, un jeune homme totalement dépressif, une réfugiée du Kosovo victime d'un viol, une belle Africaine contrainte à la prostitution et, cerise sur le gâteau, un imminent ministre du gouvernement confronté à un très sévère problème d'alcool. Et le psy à la dérive les écoute, tente tout de même de les soigner. Mais au fond de lui, chacun des récits de ses clients l'enfonce davantage, le renvoie à ses propres névroses. Sturrock décroche, décroche, jusqu'à ce que?Incontestablement, Alastair Campbell a réussi son coup. « Tout est dans la tête », son premier roman, se lit fort bien. Les états d'âme du psy y sont décrits méthodiquement. On ressent ce qu'il vit intérieurement. Il en va de même pour la galerie de patients. Leurs blessures psychologiques sont criantes de vérité. Mais comment l'auteur a-t-il pu inventer un tel scénario et imaginer une telle galerie de portraits ?Alastair Campbell, que « La Tribune » a rencontré, raconte : « Je faisais du vélo, je suis passé devant une église où il y avait un enterrement avec une énorme foule. Je me suis demandé qui pouvait déplacer tant de monde. j'ai pensé qu'il s'agissait peut-être d'un médecin et que cette foule était ses ex-patients. Puis, je ne sais pourquoi, ma pensée suivante s'est portée sur mon propre psy. Alors, j'ai imaginé un scénario avec un psy et ses clients. » détails troublantsCertes, mais pour mieux décoder ce roman et certains détails très troublants, il convient de rappeler le parcours de l'auteur. Alastair Campbell, ancien journaliste politique était le « spin doctor » (expert en communication) du Premier ministre Tony Blair jusqu'en 2005. C'est notamment lui qui a géré à la perfection la crise provoquée par le décès de lady Di. Semaine mouvementée, très bien racontée dans le film « The Queen ». Alastair Campbell ne s'en cache pas, lorsqu'il était encore journaliste, à la fin des années 1980, il a fait une très grosse dépression due, notamment, à un important problème avec l'alcool : « Ce que je décris dans mon livre avec le ministre alcoolique a une dimension autobiographique. La consommation journalière hallucinante, les dégâts de l'addiction, le dégoût de soi, je l'ai réellement vécu. Et, comme dans le livre, c'est le dialogue avec mon psy qui m'a aidé. » Le « vécu » d'Alastair Campbell, on le retrouve aussi quand il évoque le traumatisme de la réfugiée kosovare violée : « Quand je suis allé avec Tony Blair au Kosovo, j'ai été choqué par les témoignages des populations sur la pratique systématique des viols commis par l'armée serbe. » « Last but not least », dans son roman, Campbell règle aussi ses comptes avec la presse britannique. Explication : « La presse française est trop coincée mais la nôtre sombre dans le caniveau. » Un livre émouvant, parfois drôle et qui donne à réfléchir. n« Tout est dans la tête » d'Alastair Campbell. Albin Michel, 360 pages, 19,90 euros.
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