« Nos tarifs doivent refléter nos investissements »

Vous venez de clôturer par anticipation la souscription de l'emprunt émis par EDF auprès des particuliers. Combien avez-vous recueilli ?Nous avons collecté environ 3,2 milliards d'euros. Le chiffre n'est pas définitif car nous allons servir toutes les demandes postées lundi au plus tard. Nous comptons quelque 250.000 souscripteurs auxquels il faut ajouter 20.000 salariés d'EDF. Je suis très heureux de ce résultat qui démontre la confiance qu'inspire EDF aux Français. Deux sondages récents ont montré qu'EDF était l'entreprise préférée des Français et des jeunes ingénieurs diplômés. Cela n'a pas toujours été le cas. Je suis d'autant plus satisfait de ce succès que j'ai personnellement insisté pendant neuf mois auprès des spécialistes pour les convaincre de faire une émission directe. N'est-ce pas un moyen de financement plus coûteux que d'autres pour EDF ?C'est à peu près équivalent. Cet emprunt nous revient un peu moins cher que le coût moyen de nos dettes actuelles. Rappelons qu'EDF a financé tout son programme nucléaire de cette façon, en lançant deux émissions par an pendant dix ans, dans les années 1980. Mais justement, cette opération nous donne l'occasion de dire aux Français que le temps est révolu où EDF avait des surcapacités de production et investissait moins d'année en année. Au contraire, pour pérenniser le patrimoine industriel que nos concurrents du monde entier nous envient, il faut investir massivement pour transmettre aux générations futures le bénéfice d'une électricité sure, compétitive et sans CO2. à combien estimez-vous vos besoins ?Nous devons rattraper les retards d'investissements opérés dans la maintenance lourde et la modernisation des équipements mais aussi prévoir de nouvelles capacités de production. Depuis deux à trois ans, nous sommes devenus importateur net d'électricité dans les heures de pointe. Nous prévoyons la construction de 6.000 MW d'ici à 2012, essentiellement des centrales thermiques. En 2009, nous investirons plus de 7 milliards d'euros, pour moitié dans les réseaux dont la qualité ne progresse plus depuis cinq ans et pour moitié dans les moyens de production, en consacrant autant aux énergies renouvelables qu'à l'EPR de Flamanville. Pour participer à l'effort national de relance, nous avons programmé 2,5 milliards d'euros d'investissements supplémentaires par rapport à 2008, soit plus de 4 milliards de plus qu'en 2007. Nous sommes le premier investisseur en France et, à ce titre, un fort contributeur à l'emploi. Il s'agit pour nous de pérenniser pendant les quarante prochaines années l'atout dont nous disposons en particulier avec notre parc nucléaire. Comment allez-vous financer ce programme ?Les tarifs doivent refléter les investissements nécessaires. Pour les réseaux, la Commission de régulation de l'énergie a veillé à ce que ce soit le cas. Il faut désormais que la composante production suive. Tant que les tarifs réglementés existent en France, il faudrait une formule tarifaire, comme celle qui s'applique pour le gaz, et qui permette de couvrir les coûts de production.Quelle hausse des tarifs jugez-vous nécessaire ?Un rattrapage est nécessaire. Depuis 25 ans, si nous avions ne serait-ce que répercuté l'inflation, les prix seraient 40 % supérieurs. Or, aujourd'hui, nous avons relancé l'investissement en France pour pérenniser notre patrimoine industriel. Pour poursuivre cet effort sans accroître la dette, l'écart à combler est de 20 %. Il pourrait être étalé par exemple sur trois ansEst-ce réaliste quand le contrat de service public passé entre EDF et l'état limite à l'inflation la hausse des prix pour les particuliers jusqu'en 2010 ?Nous n'avons pas le couteau sous la gorge. C'est au gouvernement de décider quand amorcer la hausse et à quel rythme procéder. La responsabilité lui en incombe mais il est clair que l'absence de signal en ce sens, nous ne pourrons plus financer nos investissements. Il n'y a pas de miracle dans l'industrie. On ne peut pas durablement vivre au-dessus de ses moyens et pénaliser les générations futures. Il faut aussi tenir compte de Bruxelles, qui estime qu'à ce niveau de tarif, la concurrence ne peut exister sur le marché français de l'électricité. Où en est le plan de cession annoncé pour vous désendetter ? On évoque une cession de tout ou partie du RTE, des activités de distribution britannique, de votre part dans Dalkia...Nous avons prévu des cessions d'ici à 2010 avec un impact sur la dette de plus de 5 milliards d'euros. Nous réfléchissons à plusieurs pistes. Les activités régulées, comme les réseaux, affichent un profil moins volatil avec une rentabilité plafonnée et un faible risque. Des investisseurs financiers sont intéressés par ce type d'actifs. Pour ce qui concerne Dalkia, nous allons soit réexaminer notre participation pour la rendre plus efficace, soit sortir. En aucun cas nous renforcer. Où en sont vos projets de développement aux états-Unis ? Aux états-Unis, nous continuons à penser que nous pouvons recevoir d'ici à l'automne toutes les autorisations nécessaires au rachat de 50 % des actifs nucléaires de Constellation. Investir outre-Atlantique est un parcours du combattant. Nous avons besoin de multiples approbations. L'état du Maryland vient d'en ajouter une que nous avions écartée, car elle concerne les activités régulées de réseau. Nous avons toujours dit que nous allions dans un pays à la condition que nous y soyons les bienvenus. Or, j'ai encore eu des signes en ce sens récemment en rencontrant le gouvernement du Maryland et le secrétaire d'état américain. En Grande-Bretagne, l'autorité de sûreté nucléaire refuse de certifier, en l'état, l'architecture de l'EPR, alors que vous voulez en construire quatre.Nous sommes en cours de négociation. Notre volonté est de standardiser au maximum les EPR que nous allons construire en France et à l'international. Il nous faut arbitrer entre cet objectif et la nécessité de nous adapter pour tenir compte des spécificités locales. Nous étudions la possibilité de développer le même système de contrôle-commande en France et en Grande-Bretagne. L'enjeu, c'est uniquement d'optimiser le coût. Où en est le mouvement de grève dans les centrales nucléaires françaises ? Les analystes estiment son coût entre 250 et 650 millions d'euros.La grève est en voie de résorption. Nous avons fait appel au sens de responsabilité du personnel. Depuis le début de l'année, nous avons signé 15 accords avec les partenaires sociaux qui démontrent l'intensité du dialogue social. Ce mouvement minoritaire résulte d'une réaction des salariés à une hausse de salaires intervenue pour une catégorie limitée de personnel dans un filiale de GDF-Suez. Nous chiffrerons le coût de cette grève lors des résultats semestriels fin juillet. L'équilibre du réseau n'a pas été menacé jusqu'à présent, même si nous avions senti fin juin que nous approchions d'une zone de risque.Allez-vous accueillir E.ON au capital du deuxième EPR à Penly ?Pourquoi pas ? Je suis partisan d'accueillir le maximum de partenaires, comme Enel, E.ON ou Centrica, susceptibles de référencer l'EPR. Par ailleurs, en France, nous devons diminuer nos parts de marché dans la production. Nous réfléchissons par exemple à l'échange de capacités thermiques en France contre des actifs à l'international. êtes-vous favorable à une taxe carbone sur l'électricité ?Les producteurs d'électricité sont déjà soumis depuis 2005 au système de quotas de CO2 européen, les permis d'émission étant une autre voie que la taxe carbone qui ne concerne pas que le secteur industriel. Il faut en effet donner un signal au consommateur. propos recueillis par marie-caroline Lopez
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