La crise bouleverse le paysage bancaire mondial

Plus rien ne sera comme avant ! Après un an de crise sans précédent, le paysage bancaire mondial a été profondément remodelé au gré des rachats, sauvetages et autres nationalisations éclair. Une " sélection naturelle " des banques les plus solides s'est opérée. Après les premières hécatombes, des établissements comme JP Morgan, Bank of America, Goldman Sachs, Santander ou BNP Paribas ont montré leur résistance et font la différence. À l'inverse, des mastodontes comme Bear Stearns, Lehman Brothers, AIG ou Fortis ont sombré. Concurrentes il y a encore un an, ces banques ne sont plus logées à la même enseigne.Les premières ont joué un rôle offensif dans la recomposition du paysage bancaire mondial. Comme sauveur ou prédateur, elles ont réalisé des acquisitions d'envergure qui leur ont permis de grossir significativement. JP Morgan et Bank of America sont devenus les nouveaux rois aux États-Unis. En Europe, les mouvements stratégiques de Santander et de BNP Paribas (voir ci-contre) ont considérablement accru leur avance dans le classement des banques européennes. Quant aux plus fragiles, qui ont toutefois réussi à sauver leur peau, mais qui n'ont pas pu saisir des opportunités, elles ont été de fait marginalisées. UBS, Citi, Morgan Stanley, Société Générale, UniCredit ont souffert de la crise et se retrouvent tétanisées dans ce nouveau paysage. La crise financière a ainsi accru les écarts entre les meilleures banques qui se sont renforcées et les plus fragiles, qui le sont davantage. Les règles du jeu ont été rapidement à l'avantage des banques les mieux capitalisées, puis de celles qui disposaient des liquidités les plus importantes. Ainsi, même après plus de 40 milliards de dollars de dépréciations d'actifs, Citi et UBS, dont la capitalisation atteint respectivement 76,8 milliards d'euros et 40 milliards d'euros, sont en rémission grâce à la levée de plusieurs dizaines de milliards de dollars d'argent frais. De leur côté, les gigantesques banques de réseaux comme Bank of America, JP Morgan ou Santander ont par ailleurs puisé dans leurs liquidités pour se refinancer. Enfin, le modèle dérégulé des banques d'investissement américaines à petit bilan et liquidités réduites n'a plus sa place dans le nouveau monde de la finance mondiale.L'ATOUT DE LA TAILLE CRITIQUEAu final, la taille critique a été l'un des atouts maîtres des gagnants. Si quelques mois avant le début de la crise, les avis étaient partagés sur la notion de taille critique, les acteurs du secteur manifestent aujourd'hui leur volonté de peser. En témoigne la décision des Caisses d'Épargne et des Banques Populaires d'accélérer leur rapprochement en réponse aux rachats des actifs belges de Fortis par BNP Paribas. " Le fait de créer de grands groupes pourrait en pousser d'autres à se regrouper en Europe ", souligne Stéphane Lepriol, analyste chez Moody's. En France, les options sont toutefois limitées. Dexia et Société Générale pourraient encore faire l'objet de convoitises. En Italie, les regroupements se sont déjà opérés et les cinq premiers groupes représentent 49,7 % de parts de marché. En Allemagne en revanche, le paysage bancaire, essentiellement constitué de banques mutualistes et de caisses d'épargne, reste très fragmenté. Sous la pression ambiante, les autorités pourraient impulser de nouveaux rapprochements.Les Etats s'imposent comme les arbitres de la recomposition en marcheL'aggravation de la crise a fait émerger la puissance publique comme nouvel acteur de poids dans le paysage bancaire mondial. Les États ont joué un rôle majeur dans sa recomposition en nationalisant des banques ou en forçant leur adossement pour leur éviter la faillite. C'est paradoxalement aux États-Unis et en Grande-Bretagne que leurs interventions ont été les plus radicales. Lundi, le gouvernement britannique a nationalisé Royal Bank of Scotland et pris une participation maximale de 47 % dans le nouvel ensemble Halifax Bank of Scotland (HBOS)-Lloyds TSB. Il y a un mois, le gouvernement de Gordon Brown était déjà intervenu en forçant Lloyds à racheter HBOS pour lui éviter la faillite. Les Britanniques ont peut-être eu moins de réticence à lancer cette vague de nationalisation car ils avaient déjà sauvé Northern Rock en début d'année. Les Américains viennent de leur emboîter le pas (lire page 5) en investissant 250 milliards de dollars dans les banques. Ils avaient déjà nationalisé l'assureur AIG pour 85 milliards de dollars et les agences de refinancement hypothécaires Freddie Mac et Fannie Mae pour 200 milliards. Les autorités américaines se sont aussi improvisées spécialistes des sauvetages bancaires organisés. Elles ont ainsi forcé le rachat de Bear Stearns et de la caisse d'épargne Washington Mutual, menacés de faillite, par JP Morgan et poussé Bank of America à voler au secours de Merrill Lynch. En Europe continentale, les interventions ont été plus discrètes. Mais les Belges ont tout de même dû nationaliser Fortis, avant d'organiser son rachat par BNP Paribas, et Dexia avec l'aide de l'État français. Les interventions publiques ont permis d'éviter une crise systémique. Seul bémol dans ce tableau : les Américains ont commis l'erreur qui aurait pu être fatale en acculant Lehman Brothers à la faillite. Cette décision a été le déclencheur de l'effet domino des sauvetages en série et des nationalisations en chaîne.
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