Jamila Diani : " Je suis partie là où on m'a donné ma chance "

Jamila Diani avait tout pour prétendre à une belle carrière dans une grande entreprise française. Elle est intelligente, super-diplômée (maîtrise de sciences politiques, DESS en communication, mastère à Bradford de Media Discours & Culturel Studies), parfaitement trilingue (français, anglais, arabe) et, cerise sur le gâteau, charmante. " Sauf que, en France, tout ce qu'on m'a proposé, c'était hôtesse d'accueil à Rueil-Malmaison ! " lance-t-elle en éclatant de rire. Sous bien des aspects, cette trentenaire est à l'image de tous les enfants d'immigrés installés au Maroc : père ouvrier, mère illettrée, famille nombreuse (dix frères et soeurs), enfance au coeur d'une cité HLM dans la banlieue parisienne, très bonnes études et... impossibilité de trouver un emploi à la hauteur de son CV." Je suis partie là où on m'a donné ma chance ", résume-t-elle sans trop insister sur le plafond de verre contre lequel butent de nombreux demandeurs d'emploi qui portent un patronyme arabe. À son arrivée au Maroc en 1999, Shell lui confie sa première mission : mettre en place le département communication de sa filiale, nouvellement installée à Casablanca. Que connaissait-elle du Maroc avant de partir ? " Presque rien. Tous les deux ans, l'été, nous allions à Ouled Abbou, un coin paumé loin de la mer. C'est comme la Picardie, mais au Maroc. "Jamila Diani garde un mauvais souvenir de ces vacances au bled : " Je détestais ce pays où je me retrouvais pendant un mois avec les femmes derrière les fourneaux. " Sa mère, d'ailleurs, n'a pas du tout été contente de la voir partir s'installer dans ce Maroc qui l'a vu naître. " Tu es folle ! me disait-elle, qu'est-ce que tu vas faire dans ce pays sous-développé ? "DIRECTRICE DE LA COMMUNICATIONLes premiers mois furent particulièrement éprouvants. D'autant que, côté salaire, elle n'a pas eu accès aux conditions mirobolantes faites aux expatriés. 11.000 dirhams par mois, soit 1.100 euros, voilà ce dont un cadre sans grande expérience, embauché en contrat local, doit se contenter. " Un jour sur deux, j'avais envie de partir. Nous, les enfants d'immigrés, on est tout le temps en décalage. L'enveloppe est marocaine, mais l'intérieur est complètement européen. " Pas question, non plus, de fréquenter la communauté des expatriés : " Je ne les supporte pas. Ils restent entre eux, toujours à critiquer le pays et les gens. " Puis Jamila rencontre un homme - un coopérant français, dont elle a aujourd'hui deux enfants -, se fait débaucher par Coca-Cola, puis par Ciments du Maroc.Elle est aujourd'hui directrice de la communication de cette filiale d'Italcementi qui emploie 2.700 salariés. Ses responsabilités augmentent, et son salaire aussi. " En dix ans, il a été multiplié par quatre, plus la voiture... "Profitant d'un coût de la vie nettement inférieur à celui de la France, Jamila Diani a conscience que sa situation actuelle n'a rien à voir avec celle dont elle aurait pu jouir si elle était restée en France. Va-t-elle pour autant finir ses jours au Maroc ? Rien n'est moins sûr. " Avec mes dix années d'expérience au sein d'entreprises internationales, mon CV vaut peut-être enfin quelque chose. Il n'est jamais trop tard pour que la France me récupère... "
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