Bernard Madoff, un financier au-dessus de tout soupçon

Qui ne s'est entendu murmurer par son voisin de table, lors d'une de ces exquises soirées du Maxim's Business Club ou du Club des Cent : « Voilà trois ans que j'ai investi dans les fonds de Bernard Madoff, et tout à fait entre nous, j'en suis très content. Croyez-moi, cet homme est un gestionnaire hors pair. Et qui plus est, un homme for-mi-da-ble ! » Parmi les grandes familles françaises qui font gérer leur patrimoine et leur fiscalité par un service de « family office », un bon nombre d'entre elles, exilées à Genève ou à Bruxelles, font aujourd'hui leurs comptes. Dans la douleur.Il faut dire que l'homme en question était l'honorabilité même : à Palm Beach, en Floride, qui ne connaît « ce bon vieux Bernie » au large sourire si accueillant ? À 70 ans, il est un des plus anciens membres de son Country Club, où il est si apprécié que la quasi-totalité des 300 membres lui ont confié l'essentiel de leur patrimoine. Or, pour en être, il faut avoir plus que de l'argent : une fortune proprement acquise, du caractère, et se montrer généreux donateur. Au-delà des fondations caritatives liées à Israël, Bernard Madoff donnait chaque année, depuis 2006, 25.000 dollars au comité de campagne sénatoriale des démocrates. Dans toute légende, il y a un démarrage atypique. Bernard Madoff a commencé comme maître nageur à Long Island. Avec de petites économies en poche, il se reconvertit en courtier en actions indépendant, avec toute la famille. Très vite, il comprend l'importance des plate-formes informatiques, devient un des tout premiers teneurs de marché du Nasdaq, un de ceux qui font les prix. Et il sera assez influent, en 1990-1991, pour être nommé, à un peu plus de 50 ans, président du Nasdaq, la Bourse qui allait être la plus dynamique de Wall Street.clientèle des ultrarichesFort de cette consécration d'homme de marché, Bernard Madoff a su développer, surtout à partir de 2000, une activité de gestion de fortune. Il cible la clientèle des ultrariches. À Palm Beach, Minneapolis, Dallas, Chicago, Boston, il fait vanter ses performances par des tiers, dans les cercles restreints du club de golf et du Country Club local. Entre puts et swings, sa réputation s'étoffe. Partout, on exalte la régularité de ses rendements : le Fonds Fairfield Sentry, un de ses clients, n'affiche-t-il pas, depuis quinze ans et malgré toutes les crises, 11 % par an ? Les nouvelles recrues n'y mettent d'abord que de petites sommes. Puis, la confiance venant, elles augmentent leur mise et deviennent ses meilleurs avocats. Même les épouses s'en donnent à c?ur joie, confiant à leurs chères amies les prouesses de Bernie?Seulement, dans toute escroquerie pyramidale, il faut augmenter la collecte : pour servir aux vieux clients le rendement promis, il faut toujours plus d'argent frais? Aux dépositaires, censés garantir l'existence de l'actif, Bernard Madoff envoie des « avis d'opér頻, des relevés de transactions, tous fictifs. Quant aux certifications de ses positions liquidatives, elles sont réalisées par trois auditeurs ? dont une secrétaire ? dans une pièce hors de Manhattan. En janvier 2008, il déclare à la SEC détenir 17 milliards de dollars d'actifs sous gestion, pour le compte de 23 clients institutionnels.Pour monter en puissance, il a fallu industrialiser la collecte. Des fonds ayant pignon sur rue, et qui opèrent comme fonds nourriciers (feeders), vont proposer dans les soirées privées, puis auprès des professionnels du « family office », divers fonds Madoff, voire des produits structurés à partir de ces fonds. « Aucun de ces gérants ne parvenait à justifier ces rendements, explique un investisseur sollicité récemment. Ils ne montraient que des chiffres sans explication. »multi-cartesDe ce côté-ci de l'Atlantique, le profil du rabatteur est des plus divers. Il est tantôt un représentant de la noblesse française exilée à Genève. Tantôt l'héritier d'une dynastie industrielle émigrée à Bruxelles pour échapper à l'ISF, et qui y a personnellement placé une partie de ses liquidités. Tantôt un de ces professionnels que l'on voit dans les dîners de charité qui animent les soirées d'hiver. Parmi les plus connus sur la place, on compte des personnalités comme Philippe Junot, le premier mari de Caroline de Monaco. Mais aussi des professionnels de la gestion, comme Bernard Lozé, de la société Lozé et Associés, basée à Genève et à Paris, qui se présente comme un des pionniers de la gestion alternative. Ou encore Patrick Littaye, qui travaille depuis longtemps pour Bernard Madoff, et dirige depuis dix ans un fonds luxembourgeois, International Success, chargé de récolter de l'argent en Europe. L'affaire est si fructueuse qu'il crée, en 2003, sur Madison Avenue une société de gestion, Access International Advisors, qui se révèle un des plus importants pourvoyeurs de capitaux européens pour Bernard Madoff. Il a ainsi vendu, parmi d'autres, une Sicav luxembourgeoise LuxAlpha, dont le prospectus indique qu'elle investit « sur les marchés américains en actions ou en obligations américaines ». Son dépositaire : la banque UBS. D'investissement dans le fonds Madoff ? Il n'en est nullement question ! n++BSD ++SupprimerBalise NePas supprimer n signature++BSF ++
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