Tapis rouge pour les acheteurs

Mathilde et Alain n'en sont pas revenus. À force de négocier le prix d'un appartement de 120 m2 dans une très chic banlieue parisienne, ils ont fini par obtenir gain de cause. Il y a quelques mois, ils n'auraient pas pu se l'offrir. Mais à 5.470 euros le mètre carré, soit 20 % de moins que l'an dernier, ils se sont laissés tenter. En position de force, les acheteurs sont devenus exigeants. Fréquemment, des couples refusent de signer parce que les charges ou le programme des travaux dans les années à venir sont trop importants, observe Emmanuel Cordié, directeur marketing d'Ad Valorem : « Le marché est plus sélectif. Si les bons produits encaissent le choc, les plus faibles sont très impactés. Il est essentiel de procéder à des rénovations pour en améliorer la qualité. »Alors que pendant longtemps, les acheteurs se bousculaient au portillon même à des prix déraisonnables, la crise a changé la donne. Ils désertent les agences. Pour survivre à la baisse du pouvoir d'achat, les acteurs du marché n'ont d'autre choix que de s'adapter. à la pêche au clientQuand les acheteurs ne viennent plus spontanément, il faut bien les appâter. En la matière, la palme de l'audace revient à Bouygues Immobilier. Il y a quelques mois, le promoteur a choisi d'offrir une Mercedes classe A à tout nouvel acquéreur d'un bien dans les environs de Mulhouse. Un geste largement médiatisé. « Il est essentiel de stimuler l'acte d'achat », souligne Laurent Vimont, président de Century 21, qui a mis en place une plate-forme de courtage dispensant les nouveaux acquéreurs de frais de dossiers. « Nous leur proposons aussi un guide intitulé ?les solutions clés? dans lequel ils trouvent des remises allant jusqu'à 4.500 euros sur plus de 120 offres dans l'univers du déménagement, de l'habitat et des travaux », explique-t-il. En plein marasme économique, les promoteurs multiplient les gestes commerciaux, avec chacun leur marque de fabrique. La signature d'ORPI, ce sont les garanties reventes. « Nous pouvons rembourser au client jusqu'à 30.000 euros, témoigne Bernard Cadeau, directeur de ce réseau. Nous proposons aussi des remises tarifaires chez les prestataires dans le domaine du déménagement et de la décoration (que ce soit chez Hertz, Castorama?). Enfin, dans le cadre de nos solutions d'assistance pour les problèmes du quotidien, nous offrons une heure de main-d'?uvre gratuite par artisan. » De son côté, Nexity, afin d'atteindre un quota de placements, a considérablement développé ses opérations de commercialisation sur une journée ou un week-end, consistant à faire bénéficier les premiers acheteurs d'un prix très attractif. Comme le précise Bruno Corinti, à la tête de la branche logement de cette structure : « Pour aider au financement, nous prenons en charge les frais de notaire. » remise immédiateKaufman & Broad s'est aussi lancé dans la course aux promotion. En juin dernier, le constructeur a noué un partenariat avec le discounter en ligne Venteprivée.com et offert une remise immédiate de 20.000 à 40.000 euros sur le prix d'un trois-quatre pièces ou d'une villa neuve dans les Alpes-Maritimes ou le Var, frais de notaires inclus. Tentant?? Certes, mais quand l'avenir devient source d'inquiétude, le superflu passe souvent à la trappe. Il est devenu plus difficile de convaincre les particuliers d'acheter un bien dont ils n'ont pas un besoin immédiat. Les acteurs spécialisés dans les résidences secondaires ont affûté leurs approches. Les acteurs spécialisés dans les résidences secondaires ont eux aussi affûté leurs approches. Sur un modèle qui a fait ses preuves outre-Atlantique, la société My Stones propose ainsi à des investisseurs de devenir actionnaire d'une foncière et membre d'un club leur permettant de séjourner dans ses résidences luxueuses situées un peu partout dans le monde. « Initialement, nous avions l'intention de vendre uniquement des parts, mais flexibilité oblige, nous avons opté pour cette offre permettant à la clientèle de découvrir le concept », précise François D'Hauthuille, cofondateur de My Stones. Dans un autre registre, Garrigae rembourse leurs vacances aux clients qui se décident à acheter les villégiatures testées.Au-delà des stratégies marketing, les méthodes de travail semblent, elles aussi, avoir évolué. Les acteurs du marché sont unanimes : il est essentiel de mettre les clients au centre de la démarche et de leur offrir un accompagnement personnalisé. Bref, de les chouchouter. « Si les agences veulent être de vrais partenaires de services, elles devront trouver une école pour les enfants, sélectionner les meilleurs architectes, identifier un câblo-opérateur? », relève Stéphane Maisonneuve, vice-président de la chambre Fnaim de l'immobilier de Paris et de l'Ile-de-France. « La crise a créé un climat très anxiogène : il est important de rassurer les clients. Il faut aussi positionner les produits commercialement. Certains sont sensibles à la sécurité, d'autres aux espaces verts? il faut faire dix fois plus d'efforts pour être à leur écoute », ajoute Philippe Bottari, directeur régional de Constructa à Marseille.achat de nécessitéClients mystères, négociateurs formés à la problématique de la revente, nouvelles équipes dédiées au suivi des dossiers? : les grands réseaux ont déployé l'artillerie lourde pour vérifier que l'accueil est à la hauteur dans leurs agences et que les acheteurs potentiels sont systématiquement relancés. « L'achat ne répond plus systématiquement à une logique de coup de foudre, mais à une nécessité en cas de mutation ou d'agrandissement de la famille », souligne Guy Nafilyan, président de Kaufman et Broad. Depuis plus de trente ans qu'il dirige cette société spécialisée dans la promotion immobilière, cet ancien avocat en a vu d'autres. Il reste donc relativement serein, arguant que l'effet Madoff semble jouer à plein : « La pierre est perçue comme une valeur sûre. Les Français privilégient des investissements solides à des actions volatiles. » La hausse du crédit et l'abaissement de la durée des prêts représentent des obstacles majeurs. Une partie de la clientèle n'est plus à même d'investir, notamment les locataires qui souhaitent devenir propriétaires. Les apports personnels exigés ? de l'ordre de 10 à 15 % du montant de l'achat ? sont beaucoup plus importants qu'avant. Les organismes de crédit sont accusés de bloquer le marché. Plus de 20 % des ventes seraient impactées par leur degré d'exigence et leur frilosité. « Nous nous mettons en relation avec les courtiers les plus performants très en amont pour que les acheteurs puissent contracter un emprunt dans les meilleures conditions », souligne Mike Mettoudi de l'étude Cambronne. Les intermédiaires immobiliers comptent sur le plan de relance initié par l'État et l'aide apportée aux municipalités. Par exemple, la ville de Marseille propose aux acheteurs une TVA à 5,5 % dans certains périmètres, mais aussi des chèques premiers logements et un financement par le biais de la Caisse des dépôts et consignations. De quoi motiver les plus récalcitrants?
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