La Grande-Bretagne accusée d'hypocrisie

Selon une estimation des douanes britanniques, l'évasion fiscale, générée par le transfert de sociétés vers des paradis fiscaux, atteindrait entre 4 et 15 milliards d'euros.À en croire Gordon Brown, la lutte contre les paradis fiscaux sera l'un des sujets importants du G20 de Londres début avril, et de la réunion de ce week-end à Berlin. Mercredi, dans sa conférence de presse mensuelle, le premier ministre britannique a demandé « au monde entier d'agir, et cela comprend des actions contre les paradis fiscaux ». Il va même plus loin : « Je suis plus optimiste qu'avant, après avoir parlé aux leaders internationaux, que nous soyons en position de prendre des actions supplémentaires sur ce sujet. »Mais ces déclarations font grincer des dents. La City n'est-elle pas un refuge de juristes et financiers qui se spécialisent dans le contournement des règles fiscales ? Les « dépendances de la Couronne » que sont Guernesey et Jersey n'ont-elles pas leur part de responsabilité ? Selon une estimation des douanes britanniques, citée par « The Guardian », l'évasion fiscale, générée par le transfert de sociétés vers des paradis fiscaux, atteindrait entre 4 et 15 milliards d'euros. « Gordon Brown tente de distraire l'at tention, mais on ne voit rien de nouveau dans ses déclarations, accuse John Christensen, de l'association Tax Justice Network. Le voir mener la lutte contre les paradis fiscaux est aussi approprié que de mettre un renard en charge du poulailler. »Il est vrai que le Premier ministre ne donne aucun détail concernant un possible accord lors du G20 sur le sujet. Dans le document de 74 pages détaillant la feuille de route fixée par Downing Street pour préparer le sommet du 2 avril, il y est à peine fait référence, si ce n'est pour souligner que toute nouvelle régulation doit « être identique dans toutes les juridictions ». Stephen Timms, secrétaire d'État en charge des Affaires financières, se contente, de son côté, d'affirmer que le G20 « sera utilisé pour renforcer le débat sur l'évasion fiscale ». Le Trésor britannique réplique que la Grande-Bretagne travaille depuis de nombreuses années contre l'évasion fiscale. Plusieurs programmes ont été mis en place, notamment pour inciter les résidents qui ont des comptes offshore à les divulguer. Un groupe de travail conjoint avec l'Australie, le Canada et les États-Unis a aussi été installé en 2004. Quant à Jersey et Guernesey, « ce sont des pays indépendants et nous ne pouvons pas leur imposer ce que nous voulons », affirme une source du Trésor.peu convaincantMais les arguments du gouvernement peinent à convaincre : la couronne britannique nomme directement une grande partie des officiels de Jersey et Guernesey. « De plus, la Grande-Bretagne freine au maximum le renforcement de la directive européenne sur la fiscalité de l'épargne, pour qu'elle n'inclut pas les trusts et les entreprises offshore », explique John Christensen. Il reste à Downing Street à réconcilier la parole et les actes.Éric Albert, à Londre
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