L'approche des fonds émergents remise en cause

L'année 2008 pourrait mettre fin à quatre années de vache grasse sur les marchés émergents. La première partie de l'année avait déjà montré des différences entre les performances décevantes des places asiatiques comme la Chine et l'Inde et celles légèrement orientées à la hausse comme le Brésil ou la Russie. La principale explication était l'envolée du cours des matières premières et son corollaire, l'inflation.Mais, depuis l'été dernier, on assiste à un véritable krach boursier et ces marchés n'ont pas été épargnés. " On observe durant la crise une forte corrélation entre les Bourses émergentes et celles des pays développés, indique Martial Godet, responsable des investissements marchés émergents chez BNP Paribas Asset Management. Du fait de leur volatilité plus élevé, on constate une amplification à la baisse de ces pays émergents. " Ainsi, les indices RTS à Moscou, Hang Seng en Chine et Bovespa au Brésil ont respectivement plongé de 69 %, 44 % et 43 %.Si l'écart avec les marchés développés reste mesuré par rapport aux précédentes crises, les marchés émergents restent plus volatils que les autres car relativement étroits. De plus, ils sont dominés par les investisseurs étrangers, notamment anglo-saxons. Sur fonds d'aversion au risque grandissant, ces derniers ont débouclé leur position sur ces marchés, s'empressant de prendre leurs bénéfices.CONTAGIONLa dernière enquête mensuelle de Merrill Lynch auprès des gérants montre que la proportion des gérants sous-pondérant ces marchés dans leurs portefeuilles a atteint un record depuis 2001. Cette défiance a pour conséquence " d'importantes sorties de capitaux, que ce soit des hedge funds ou fonds de fonds ", indique Anne-Laure Frischlander, responsable du développement de BNY Mellon Asset Management pour la France et le Benelux. En moyenne, les rachats, principalement sur des fonds actions, sont compris entre 2 milliards et 2,5 milliards de dollars. Mais ces dernières semaines, ils se sont accélérés. Selon l'EPFR Global, depuis le début de l'année il y a eu 32,8 milliards de dollars de décollecte dont 29,5 milliards de dollars depuis le mois de juin. Une vraie rupture face à une collecte 2007 de 40,8 milliards de dollars." Il y a donc une contagion des économies émergentes aux absurdités des banquiers occidentaux ", confie un gérant. Pour autant, cela remet-il en cause la théorie du découplage ? " Sur le plan financier certainement, répond Éric Le Coz, membre du comité d'investissement chez Carmignac Gestion . Mais aussi économique car dans un monde globalisé, il est contradictoire de parler de découplage. " Cependant, la croissance mondiale restera tirée par ces pays qui continueront d'enregistrer une croissance supérieure à celle des pays développés. De plus, leurs fondamentaux sont meilleurs qu'il y a dix ans. Et " les valorisations deviennent intéressantes avec des multiples de capita- lisation des bénéfices et des ratios de valorisation des fonds propres ("price to book") très faibles " , note Anne-Laure Frischlander . Dans une optique de diversification, les gérants recommandent d'y allouer entre 5 % et 8 % des portefeuilles sur un horizon d'investissement de trois à cinq ans.Pour que la collecte sur ces fonds reparte à la hausse, il faut bien sûr un retour à la confiance des investisseurs. Cela sera long car ces fonds sont victimes de l'effet de mode sur ces supports avec la multiplication de fonds Bric (Brésil, Russie, Inde et Chine), VIC (Vietnam, Inde et Chine). Ou encore des produits exposés sur un seul pays ou jouant les thèmes des infrastructures, du vieillissement de la population. Ainsi, Europerformance recense aujourd'hui 178 fonds globaux investis sur les émergents, contre 77 il y a cinq ans. Les promoteurs ont peut-être trop vendu une histoire économique. Martial Godet retiendrait plutôt cinq critères (la macroéconomie, la capacité des entreprises à réaliser des bénéfices, les critères de valorisation, les flux de capitaux et la géopolitique) qu'il convient de pondérer.Enfin, jusqu'à récemment, les promoteurs se sont livrés à une course aux encours à laquelle ces produits n'ont pas échappé. Les promoteurs vantaient le plus souvent un concept et non pas la surperformance que peuvent livrer ces produits qui, pour beaucoup, sont gérés avec des trackers, c'est-à-dire passivement.
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