Les pêcheurs d'Islande se rebiffent contre Bruxelles

Union européenneAu plus fort de la crise financière, qui a fauché les trois banques islandaises en octobre dernier, les citoyens ? 320.000 au total, sur cette île perdue dans l'Atlantique Nord ? voyaient l'Union européenne comme une bouée de sauvetage. Face à une sévère récession (? 11 % du PIB en 2009), le nouveau gouvernement la considère aujourd'hui comme une ancre, qui permettrait dans un premier temps de stabiliser la monnaie. La couronne a en effet perdu quelque 50 % de sa valeur face à l'euro en raison de la débâcle financière. Dans un deuxième temps, la couronne disparaîtrait au profit de la monnaie unique. « Nous rêvons de l'euro tout de suite, lance d'ailleurs Dagur B. Eggertsson, le vice-président du Parti social-démocrate. Mais nous savons que nous devons négocier d'abord avec Bruxelles et voir également comment notre économie évolue. » Si les négociations risquent d'être longues ? la stabilisation de l'économie de l'île dépend aussi de l'état de la reprise mondiale ? elles pourraient également se heurter à une opposition forte des pêcheurs islandais.Or, dans un pays où les pièces de monnaie n'affichent ni roi, ni emblème mais des poissons de toutes sortes, les pêcheurs, dont l'activité représente la moitié du total des exportations (le reste étant essentiellement l'aluminium), ont une voix au chapitre prépondérante.« Nous sommes résolument contre une adhésion à l'Union européenne », assure en effet Sigurdur Sverrisson, le porte-parole des armateurs islandais. La raison de cette opposition?? La politique européenne sur la pêche, qui est bien entendu commune. « La plus grande erreur de l'Union a été de retirer la responsabilité concernant cette activité à ceux qui vivent de la mer », poursuit-il. Pour les pêcheurs d'Islande, qui estiment avoir réussi dans leur stratégie de pêche durable, cette dilution des responsabilités est de mauvais augure. « Certes, nos eaux territoriales, qui ont déjà donné lieu à des guerres du cabillaud avec le Royaume-Uni dans les années 50 puis 70, resteront inchangées, admet la fédération des armateurs. Mais qu'en sera-t-il des négociations avec d'autres pays, de la Russie à la Norvège, sur certains quotas de pêche?? Les bancs de poissons, du cabillaud au capelan en passant par le maquereau, qui sont souvent à cheval sur plusieurs eaux territoriales, de l'Atlantique Nord à la mer de Bering, font en effet l'objet de négociations entre pays, par type de poissons, en fonction de l'état des stocks, ceux-ci étant surveillés par un institut maritime indépendant.aucune confiance« Nous avons déjà des difficultés à faire valoir nos intérêts, alors que ce type de pêche, visant les bancs de poissons à la limite de nos eaux territoriales, représente un tiers de nos revenus, poursuit Sigurdur Sverrisson. Et nous devrions faire confiance à Bruxelles?? Vous plaisantez?! » tonne-t-il. De plus, les 5.000 pêcheurs islandais s'inquiètent du fait qu'une adhésion à l'Union induirait l'abandon d'une règle qui les protège, celle qui interdit à un investisseur étranger de détenir la majorité des parts dans une société de pêche. Alors que les prises de pêches ont eu tendance à chuter au cours des dernières années (1,32 million de tonnes de poissons en 2006, contre 2,05 millions dix ans plus tôt), la menace de grands groupes étrangers achetant des entreprises locales pour mettre la main sur le poisson est prise au sérieux par les pêcheurs. Autant dire qu'à leurs yeux, l'Union européenne est plutôt un iceberg, à éviter à tout prix?! D'autant que l'idée du gouvernement, exprimée par le vice-leader du Parti social-démocrate, Dagur B. Eggertsson, selon laquelle certains pays ont réussi à négocier des avantages propres en rejoignant l'Union, paraît ridicule aux pêcheurs. Impossible pour un si petit pays d'obtenir une exception, disent-il. Et, une fois à l'intérieur, il sera difficile d'espérer influencer le cours des choses?: la nation islandaise ne disposera que d'une poignée de voix.référendum à venirLe gouvernement, lui, espère une décision formelle du parlement sur une candidature à l'Union dès la mi-juillet. Une fois ce feu vert obtenu, il entend déposer une demande officielle à Bruxelles cet automne. La partie ne fait donc que commencer. Et si les négociations aboutissent, la coalition au pouvoir ne sera pas au bout de ses peines. Elle a en effet promis un référendum. Or, pour l'instant, l'opinion publique est divisée ? à égalité?
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