Le fonds du pauvre

Doter la France d'un fonds souverain est un projet cher à Nicolas Sarkozy. Le chef de l'État en avait énoncé l'idée en juillet dans un discours prononcé au Creusot. Hier, il lui a donné, à Argonay, en Savoie, un premier contour et une date de lancement. Ce fonds d'investissement sera mis sur pied avant la fin de l'année ; il aura pour mission de soutenir les entreprises stratégiques françaises. Mais si le rôle et le calendrier sont clairs, son financement, lui, est plus flou. Car ce fonds souverain à la française n'a pour l'instant de fonds... que le nom. Pour le doter, la France ne peut compter ni sur la rente pétrolière, dont disposent les pays du Golfe, la Norvège ou la Russie, ni sur des excédents budgétaires, comme Singapour, ni sur d'énormes excédents commerciaux, comme la Chine. Autrement dit, Paris devra faire beaucoup avec peu. Mais, pour une fois, pas avec rien. Avec la Caisse des dépôts (CDC), la France dispose déjà d'un investisseur institutionnel de long terme, qui peut être assimilé sans trop d'abus de langage à un fonds souverain. Par sa capacité à investir en actions d'abord, de façon plus importante et pour des durées plus longues que les autres établissements financiers ou les hedge funds. Par son poids relatif, ensuite : la Caisse détient grosso modo 4 % de la capitalisation boursière de la place de Paris, quand les grands fonds d'Asie ou du Golfe possèdent 4 % de la... capitalisation mondiale. L'instrument existe, donc. Mais encore faut-il lui laisser les moyens de jouer le rôle qui lui est assigné. Avant que la crise n'essore les marchés, la CDC disposait d'une force de frappe évaluée à 60 milliards d'euros. Depuis, non seulement la Bourse s'est écroulée et les résultats de la Caisse ont fondu de 57 % au premier semestre, mais l'État n'a cessé de la solliciter. La banque Dexia est-elle menacée de faillite ? La Caisse met 2 des 3 milliards d'euros que la France est contrainte d'injecter. Les promoteurs immobiliers vont-ils au tapis ? Une filiale de la CDC participera, aux côtés de l'État, au programme de rachat de 30.000 logements lancé par l'Elysée. La crise assèche-t-elle le financement des PME ? Le surplus de la collecte du livret A, centralisée à la Caisse, y pourvoira. La Caisse est la seule poche profonde d'un État français fort impécunieux. Il serait imprudent de la transformer en vache à lait. Faute de quoi, le fonds souverain ressemblerait plutôt à un fonds du pauvre.
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