L'industrie des hedge funds va survivre

Un chiffre suffit à résumer l'ampleur de la crise. Au troisième trimestre 2008, les hedge funds ont dû rendre à leurs clients investisseurs 31 milliards de dollars. Soit une chute de 11 % ! Du jamais-vu pour cette industrie dont les actifs gérés sont ainsi tombés au 30 septembre à 1.720 milliards de dollars, selon Hedge Fund Research. Citadel Investment Group, l'un des plus importants gestionnaires de fonds spéculatifs dans le monde avec 18 milliards de dollars d'actifs sous gestion, a récemment avoué dans une lettre à ses clients que " septembre aura été le plus mauvais mois de son histoire ". Pourtant, le pire est sûrement à venir. Le début du mois d'octobre a été catastrophique pour les marchés financiers et de nombreux dirigeants de hedge funds s'attendent à une vague de fermeture de fonds au cours des prochaines semaines.200 fonds en faillite. Selon les chiffres qui circulent sur le marché, plus de 200 fonds spéculatifs auraient déjà mis la clé sous la porte. Fin juin, Citigroup a annoncé la fermeture de son fonds Old Lane. Un coup dur. Celui-ci avait été fondé par l'actuel patron du groupe bancaire américain Vikram Pandit. Victime du retournement cet été du marché des matières premières, Ospraie Management a dû fermer son fonds vedette (Ospraie Fund Ltd). Philip Richards, gérant-fondateur de RAB, a démissionné après la chute de la valeur des actifs de son fonds. Et avec la faillite de Lehman Brothers, de nombreux fonds, comme GLG, se débattent pour tenter de récupérer leurs actifs bloqués.Aussi violente soit-elle, cette hécatombe ne sonne pas pour autant le glas de l'industrie. Déjà, en 1998, après la faillite du fonds spéculatif LTCM, de nombreux observateurs prédisaient l'extinction des hedge funds. Certains ont en effet été emportés. Les autres ont connu par la suite la plus belle décennie de leur histoire. Évidemment, la crise actuelle est nettement plus sévère que celle de LTCM dont les actifs ne s'élevaient à l'époque qu'à 2 milliards de dollars. À la différence de 1998, il faut donc s'attendre à ce que les autorités mettent davantage leur nez dans la réglementation des hedge funds. " Il est probable que nous assistions à une prise de conscience et à des changements de comportements de la part des gérants, des investisseurs et des contreparties, comme ce fut le cas suite à la faillite du fonds LTCM ", estiment ainsi les économistes de Natixis. Mais cela changera-t-il la donne ? Pas évident. Si les hedge funds américains ne sont pas réglementés aux États-Unis, la plupart d'entre eux sont enregistrés auprès des autorités de contrôle européennes pour pouvoir intervenir sur ces marchés. Les gérants eux-mêmes reconnaissent qu'ils doivent faire preuve de plus de transparence. La cotation ces derniers mois de nombreux fonds devrait y contribuer.La principale difficulté est ailleurs. L'accès limité au crédit et le possible encadrement du prêt-emprunt de titres, et donc de la technique de la vente de à découvert (short selling), risquent de considérablement peser sur l'effet de levier avec lequel jouaient les hedge funds pour gonfler leurs marges. Un danger réel mais qui ne remet pas en cause l'existence de ces investisseurs, selon Jean-Louis Juchault, fin connaisseur du milieu et relativement neutre puisqu'il a vendu son fonds, Systeia, à Crédit Agricole Asset Management au printemps dernier. " De nombreux fonds vont certes disparaître au cours des prochains mois. Mais dans le même temps, les banques traditionnelles ne pourront plus faire des opérations de trading comme elles l'ont fait ces dernières années grâce à leurs fonds propres. Résultat, la concurrence sera nettement moins forte, ce qui aura un effet favorable sur les marges des hedge funds ", explique Jean-Louis Juchault. Et si certains sont obligés de réduire, voire supprimer, leurs commissions de gestion, il suffira aux hedge funds de réduire leur train de vie pour absorber cet effort commercial à destination de leurs investisseurs.Grand nombre d'opportunités. Dans le même temps, la gestion dite traditionnelle - qui n'a pas hésité ces derniers mois à enrichir ses produits d'épargne non risqués d'actifs structurés à risques - pourrait se voir encore plus réglementée par les autorités de marché. Au risque de perdre en performance. " L'écart de rémunération entre les hedge funds et les fonds classiques va perdurer ", est ainsi persuadé Jean-Louis Juchault. D'autant que " l'accumulation des déséquilibres de marché au cours de l'année 2008 générera un grand nombre d'opportunités propices à l'arbitrage et au "stock-picking" [stratégie de sélection d'actions en fonction de critères précis, Ndlr], deux thèmes fondamentaux pour les hedge funds ", sont convaincus les économistes de Natixis. Ceux qui auront survécu à la crise en sortiront aussi enrichis.(*) Journalistes au service Marchés & Finance.
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