La livre tombe de Charybde en Scylla

C'est du « benign neglect », cette douce insouciance dont avaient fait preuve les responsables américains à l'égard du dollar dans les années 70, mais à la sauce britannique, qui commence à faire grincer des dents les partenaires d'Albion. Hier, le Premier ministre, Gordon Brown, a tout simplement déclaré?: « Nous n'avons pas d'objectif de taux de change », indiquant clairement que, en dépit de l'effondrement de la livre sterling, le gouvernement n'entendait pas intervenir. Il a même lourdement insisté, déclarant que la chute du sterling pourrait contribuer à soutenir l'économie.Laminée par une récession, des taux historiquement bas qui s'orientent vers zéro, une crise bancaire, une crise immobilière, une dette publique qui explose, la livre sterling a perdu près du tiers de sa valeur face au dollar et à l'euro en un peu plus d'un an. À 1,35 dollar, la monnaie de Sa Majesté se retrouve à son plus bas niveau depuis vingt-trois ans et elle se rapproche à nouveau de la parité face à la monnaie unique qu'elle avait déjà frôlée à la toute fin de 2008, avant de rebondir. Si la livre a été sauvée par le gong hier, grâce à la reprise des indices boursiers et notamment au sursaut des valeurs bancaires, qui a momentanément interrompu sa dérive, une épée de Damoclès pèse sur le 10 Downing Street. Le franchissement de la parité de 1 euro égale 1 livre serait une véritable humiliation pour le gouvernement de Gordon Brown, que les Britanniques pourraient ne pas lui pardonner, dans un pays où le sort de la livre et des politiques sont intimement imbriqués. D'autant que les conservateurs sont déjà crédités d'une nette avance dans les sondages, sous la houlette de leur populaire leader, David Cameron.au forceps dans le SMESi l'histoire peut servir de repère, les crises de la livre sterling, la monnaie la plus volatile du monde, ont déjà eu raison de quatre Premiers ministres britanniques de l'histoire moderne. John Major, le successeur de Margaret Thatcher, fut incapable en 1992 d'empêcher l'éviction de la livre du mécanisme de change du système monétaire européen (SME), sous les coups de boutoir du spéculateur américano-hongrois George Soros, devenu célèbre pour son bras de fer avec le gouvernement britannique. Il perdit les élections de 1997, au profit de Tony Blair qui choisit Gordon Brown comme chancelier de l'Échiquier. Le gouvernement Major avait d'emblée été fragilisé par la volonté de la Dame de fer de faire rentrer la livre au forceps dans le SME en 1990 à un cours grossièrement surévalué, qui lui avait valu d'être acculée à la démission. En 1976, le travailliste James Callaghan avait dû humblement faire appel au FMI pour bénéficier d'un prêt d'urgence, comme un pays en voie de développement. La chute de la livre qui avait suivi lui avait valu de perdre les élections. Tout comme son prédécesseur travailliste Harold Wilson, responsable de la dévaluation du sterling de 1967. Isabelle CroizardIsabelle Croizard
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