Ce coin d'open space, qui est devenu votre petit chez vous, il n'a pas fallu grand-chose pour le personnaliser. À Noël, la direction a décidé de décorer les bureaux avec de fort jolies plantes vertes. Un pot, des tiges et des feuilles qui vous murmurent de douces paroles à chaque courant d'air. Vous en avez aussitôt adopté une. Vous l'avez déplacée pour la rapprocher de vous. Elle égaie les lieux et elle vous protège des curieux. Au bout de quelques mois, votre plante a commencé à montrer des signes de faiblesse. Elle perd son tonus et devient neurasthénique.Vous devriez le savoir : les plantes vertes sont des ingrates qui n'aiment pas jouer les potiches. On les soigne, on les bichonne, on leur parle gentiment mais elles veulent plus de liberté. Et elles décident alors de mourir. Avec autant d'acharnement que pour décrocher un contrat ou une augmentation, vous allez vous battre pour sauver la vôtre. Vous commencez par la changer de place pour lui donner un petit coin tranquille et plus lumineux. Pas trop loin de vous quand même car il faut continuer à lui parler sans trop vous faire remarquer. Vous lui parlez du c?ur et droit dans les feuilles. Vous ouvrez la fenêtre au moins trois fois par jour. Vous guettez les signes de rétablissement. Vous demandez à l'agent d'entretien de ne plus l'arroser. Vous fichez dans le pot une petite pancarte pour être sûr que personne ne perturbera la cure que vous lui faites suivre.un peu coupableVous lui apportez cet engrais qui réussit si bien à vos plantes à la maison. Vous vous sentez un peu coupable de l'abandonner le soir. Elle a compris qu'elle ne vous appartient pas et que vous lui préférez celles que vous avez choisies, plantées, replantées chez vous. C'est vrai, vous avez les mêmes à la maison. Un peu différentes pourtant. Plus raisonnables, plus épanouies, plus dociles. Avec elle vous avez la main verte. Vos plantes s'accrochent à une vie qu'elles ne détestent pas partager avec vous.À votre retour de vacances, votre bureau a perdu son âme. C'est redevenu un open space aride. Votre plante vous a quitté. Elle n'est pas la seule. Une véritable hécatombe, dit-on. Décidément personne n'a la main verte dans cette boîte. Il paraît que les services généraux vont les remplacer par des plantes artificielles. Solides et faciles à entretenir mais impossibles à apprivoiser : elles n'écoutent pas quand on leur parle.

latribune.fr

11 Mars 2009, 1:29

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