« Google n'a pas l'ambition de devenir Big Brother »

Vinton Cerf est à l'informatique ce que Pelé est au football : un dieu vivant. Il a conçu l'architecture de base d'Internet, ce qui lui vaut d'être considéré comme l'un des pères fondateurs de la Toile. Sa carte de visite le présente comme vice-président et « chef évangéliste » de Google. « Seuls 23 % du monde ont accès à Internet pour l'instant et l'évangéliste que je suis a encore 77 % du monde à convertir », sourit-il derrière sa fine barbe blanche.En 1977, c'est lui qui avait pris la décision de développer un système de 4,3 milliards d'adresses uniques disponibles. Mais « Internet s'est développé au-delà de nos prévisions les plus folles », admet-il d'une voix douce bien que légèrement rocailleuse. Du coup, « si nous ne faisions rien, d'ici à 2010, nous n'aurions plus assez d'adresses IP pour faire face à la croissance du réseau ». Le nouveau protocole permettra de rendre disponible 340 trillions de trillions d'adresses. De quoi voir venir.Vint Cerf, 66 ans, est un passionné de science-fiction. « Je travaille actuellement sur l'accès interplanétaire du réseau. » Mais ce n'est déjà plus de la « sci-fi », assure-t-il : « Nous procédons déjà aux tests. » Son regard s'illumine et sa voix s'accélère : « Dans vingt ans, nos enfants pourront interagir avec des robots ou même des humains qui exploreront des planètes. » D'ici là, la Toile aura-t-elle été victime d'un 11 Septembre numérique comme certains le craignent ? « Aucun ingénieur sain d'esprit ne dirait jamais que l'on est complètement à l'abri. J'entends parler de l'effondrement d'Internet depuis 1983 mais jusqu'à présent on n'a pas eu d'effondrement global. On a eu des gros problèmes mais les pires ont surtout été causés par des erreurs, des erreurs que nous avons faites nous-mêmes. » Quant aux « hackers », qu'ils aillent « brûler en enfer », sourit-il, content de sa repartie : « C'est typiquement une réponse d'évangéliste, ça ! » Plus sérieusement, il souligne que ces cybercriminels « ne cherchent pas nécessairement à détruire Internet. Ils ont besoin qu'Internet marche pour gagner de l'argent ».droits d'auteurReste que avant d'explorer les risques les plus extrêmes, Internet soulève des questions plus prosaïques comme les droits d'auteur. Vint Cerf se dit optimiste : « La reproduction et la distribution de produits numériques sont beaucoup plus faciles dans le monde actuel. » Loin d'être un problème, Internet serait une chance : « Il y a de la tension autour de cette question mais je ne vois aucun problème qui ne puisse être résolu. Il y a de nombreuses opportunités pour de nouveaux modèles économiques. »L'évangéliste suit de loin le débat en France sur la coupure de l'accès à Internet aux pirates alors que les eurodéputés comparent Internet à un droit fondamental que seule une autorité judiciaire pourrait restreindre. « Je trouve amusant qu'Internet puisse être assimilé à un droit fondamental car ce n'est finalement qu'un artefact, explique le père de cette invention humaine. Mais ce qui est sûr, c'est que cette question n'est pas purement nationale. Il s'agit d'un système global conçu pour ignorer les frontières nationales. »Mais Vinton Cerf n'oublie pas qu'il travaille aujourd'hui pour Google et il est là pour répondre aux attaques. « Nous essayons d'être le plus neutre possible » sur le traitement des données par le moteur de recherche, assure-t-il. Gmail, la messagerie de Google, propose des publicités en lien avec la nature des messages. Ainsi, lorsque le mot « Londres » est écrit, le système propose par exemple des vols ou des hôtels dans la capitale britannique. « Nous cherchons évidemment à développer nos recettes publicitaires au maximum, mais la publicité n'influence en aucun cas les résultats de recherche, explique Vinton Cerf. Contrairement aux sélections de restaurants que l'on trouve dans certains guides touristiques. » Mais ce n'est pas le cas de Google, martèle-t-il.Il balaie d'un revers de la main les critiques et inquiétudes autour de l'exploitation par Google des données personnelles sur ses utilisateurs. « Google n'a aucune ambition de devenir Big Brother ! Il faut justement ne surtout pas être Big Brother pour que notre business marche le mieux possible. » n1943 : naissance dans le Connecticut1976 : amorce le développement du protocole TCP/IP, à la base d'Internet1992 : cofondateur de l'Internet Society (Isoc), qui représente les utilisateurs du Net2005 : embauché par Google en qualité de « chef évangéliste » d'Internet.
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