« Le système des bonus est, et restera, opaque. »

Emmanuelle Rivez-Domont (jones day)Les banques françaises ont pris des engagements sur les bonus. Cela va-t-il changer les pratiques ?Il faut d'abord souligner que ces mesures, sans être trop restrictives, permettent de faire passer de bons messages. Elles vont imposer aux banques d'être plus transparentes sur les politiques de rémunérations. Mais, au niveau individuel, elles ne vont pas changer grand-chose. Pourquoi ?Le système actuel est opaque et les mesures annoncées ne feront pas bouger ces pratiques. Tout repose sur des engagements informels : les objectifs donnés à un opérateur de marché et le bonus lié à sa performance sont rarement écrits et détaillés. Les engagements sont oraux et peuvent évoluer dans le temps. Cette absence de formalisation des bonus peut, en cas de conflit entre un salarié et un employeur, être très favorable à ce dernier puisqu'il n'y a pas de preuve écrite.La rémunération ne doit-elle pas être prévue dans un contrat de travail ?Il existe deux cultures de l'écrit. Chez les Anglo-Saxons, certaines modalités d'un contrat peuvent être modifiées unilatéralement sans que cela pose de problème. La valeur de l'écrit est moins contraignante. À l'opposé, en France, il y a une crainte de l'écrit. Le droit social est tellement rigide que tout document fait peur. En effet, changer la rémunération d'un salarié (même si cela est plus favorable au salarié) dans son contrat impose son consentement. Le refus du salarié peut conduire à ce qu'il soit licencié. Et, à partir de dix refus de salariés, un plan social est obligatoire. À trop vouloir protéger les salariés, le droit social a conduit les entreprises, en l'espèce les banques, à écrire le moins possible et donc à naviguer entre deux eaux. Dans la pratique, en revanche, les traders sont habitués à ce que leurs bonus soient revus, à la hausse ou à la baisse, en fonction des revenus générés. Et personne ne le conteste, sauf à vouloir quitter l'établissement. Comment néanmoins faire un pas vers les nouvelles règles ?On écrira effectivement dans un contrat que la moitié du bonus sera versée sur une période différée. Mais, pour les raisons citées plus haut, sur les objectifs individuels et le montant du bonus, le système restera aussi opaque. On peut néanmoins penser que les banques feront évoluer leurs pratiques : elles définiront par contrat une rémunération variable de base associée à un objectif. Au-delà, elles pourront toujours s'autoriser le versement de bonus exceptionnels, qui n'auront pas été formalisés auparavant. Propos recueillis par Guénaëlle Le SolleuEmmanuelle Rivez-Domont, avocate en droit social chez Jones Day.
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