Le Sud est plus que jamais dépendant des marchés du Nord

Brutal retour à la réalité. Les pays émergents n'ont finalement pas échappé aux rigueurs de la crise. Les indicateurs économiques flatteurs qu'ils ont continué à afficher jusqu'au troisième trimestre n'étaient qu'illusion statistique. Derrière les apparences trompeuses, la Chine, l'Inde, la Russie et le Brésil, le groupe de tête des émergents (Bric), étaient minés par la chute de la demande internationale et par le fuite des capitaux internationaux de retour vers leurs économies d'origine.Avec cet effet boomerang, voilà le credo du découplage, qui gratifiait les économies émergentes d'une grande autonomie de croissance vis-à-vis des pays industrialisés, sérieusement écorné. En vertu de cette théorie, née des réflexions des économistes de quelques grandes banques internationales au début des années 2000, les économies dynamiques du Sud avaient été promues nouveau moteur de la croissance de la planète. Une lecture hâtive si on en juge par le paysage économique actuel.sombre tableauEn Chine les prévisionnistes tablent sur une croissance de près de 8 % cette année mais de 5 % seulement l'an prochain, en dépit d'un plan de relance de 586 milliards de dollars. La perte subie par la Bourse de Shanghai atteint quelque 60 %. Même sombre tableau en Inde où la croissance pourrait se limiter à 6 % l'an prochain après 9 % en moyenne sur les trois dernières années. Très endetté, le gouvernement indien n'a prévu qu'un modeste plan de relance de 4 milliards de dollars, mais compte relâcher sa politique monétaire. Également très frappée, la Russie serait entrée en récession dès fin 2008, une baisse de la consommation d'électricité et de la production industrielle ayant été décelée dès novembre. Moscou n'a d'autre choix que de dévaluer le rouble, en recul de 20 % depuis ses plus-hauts de l'été. Plus épargné, le Brésil croit encore en une croissance de 4 % en 2009, après 5 % à 5,5 % en 2008. Mais le real brésilien a perdu un tiers de sa valeur. « Pendant quelques mois après les premières secousses de la crise financière en 2007, l'inflation a persisté dans les pays émergents et les prix des matières premières sont restés élevés alors que les économies du Nord commençaient à se retourner », rappelle Jean-Joseph Boillot, conseiller du Cepii. L'illusion du découplage semble avoir été largement partagée. Comment expliquer autrement le rachat au prix fort de Corus, le spécialiste britannique de l'acier, par l'indien Tata fin 2007 ? Ou encore la surestimation du marché indien de l'automobile qui est retombé aujourd'hui sous la barre du million d'unités alors que la capacité industrielle est quatre fois supérieure ? Mais, au total, « on constate que non seulement les économies du Sud ne sont pas découplées mais que leurs propres bulles, qui ont été alimentées par la surabondance de liquidités, éclatent » dans l'immobilier ou l'acier, ajoute l'économiste.impact plus fortPris de court par ce changement de perspective, les experts craignent maintenant un impact de la crise plus fort sur les pays émergents que sur ceux du Nord. La récession qui gagne du terrain parmi les pays industrialisés pèse sur la demande mondiale et prive les exportateurs du Sud de débouchés commerciaux. Les fermetures d'usines et les licenciements se multiplient comme c'est le cas dans le Guangdong, l'une des province les plus dynamiques de Chine. La faiblesse des filets de sécurité sociale dans les pays émergents fait craindre le retour dans la pauvreté de toute une main-d'?uvre écartée du marché du travail. À présent, les économistes l'admettent, un des enseignements de la crise est la persistance de l'interdépendance des économies. Laurent ChemineauLa récession qui gagne du terrain parmi les pays industrialisés prive les exportateurs du Sud de débouchés commerciaux.
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