La puce à l'oreille

Avec Feydeau on ne sait jamais où la folie et le délire vont s'arrêter. Ils semblent inépuisables. Prenez « La Puce à l'oreille », pièce écrite en 1907, aujourd'hui donnée au Théâtre de l'Athénée dans une mise en scène de Paul Golub. Ca commence tout bêtement par un doute. Madame Chantebise découvre que son mari vient de recevoir par la poste une paire de bretelles provenant d'un hôtel du nom évocateur du « Minet Galant » à Montretout. Tout Feydeau est déjà là. Elle s'imagine trompée. Cocue quoi ! Pour se venger elle demande à son amie Lucienne d'écrire une lettre anonyme dans laquelle elle propose à son mari un rendez-vous dans ce même hôtel. Et c'est là que tout déraille.Lorsqu'il reçoit la missive, son Victor Emmanuel en question croit que ce n'est pas pour lui et envoie son meilleur ami à sa place. Ce n'est que le début d'une série de malentendus en cascade. Et l'hôtel du Minet Galant va résonner des poursuites et des portes qui claquent. Ajouter à cela quelques personnages farfelus comme le cousin qui ne peut pas prononcer les consonnes et vous avez là une société qui prend l'eau de toute part. Toujours au bord de la noyade mais qui se sauve de justesse, même si elle ne sait pas nager. Et caviar sur le toast, dans cet hôtel du Minet Galant il y a un valet, Poche, qui ressemble comme deux gouttes d'eau à Victor Emmanuel Chantebise. Vous imaginez les quiproquos. C'est dire si la scène de l'Athénée est en plein remue-ménage.Feydeau ça se joue à l'arrache, tant par le langage que par l'action. Il ne faut laisser au spectateur aucun moment de répit. Les mots fusent comme des balles traçantes sans jamais louper la cible. Cette langue, on s'en étonne toujours n'a pas vieilli, même si on transpose la pièce dans notre époque ce qu'a fait avec beaucoup de dynamisme Paul Golub.une course au néantDerrière la frivolité du propos se cachent les m?urs d'une société qui s'épuise dans les apparences et l'argent. Une course au néant dans laquelle le sexe sert d'aiguillon à tous les mensonges, à toutes les turpitudes, tout en aiguisant les appétits. Pas un n'y échappe. Dans un tel tourbillon qui, parfois, prend des allures de cyclones, il faut des comédiens qui s'engagent physiquement. Feydeau ce n'est pas de tout repos. Le metteur en scène a réuni une troupe très cohérente, soudée dans l'action, et qui ne s'égare jamais du texte. Parmi ces comédiens, le fabuleux David Ayala dans le rôle de Victor Emmanuel Chantebise. Avec lui on tient un des plus grands comiques du théâtre actuel, déjà remarqué dans les mises en scène de Pierre Pradinas et de Dan Jemmet. A l'aise dans le clin d'?il comme dans l'outrance shakespearienne. Dans Feydeau il est éblouissant. Tout en replis, prêt à exploser, esquissant un mime comme une citation, donnant au délire une noblesse, une tenue que peu de comédien savent exprimer. Véritable aristocrate du rire. nThéâtre de l'Athénée Louis Jouvet. Square de l'Opéra Louis-Jouvet Paris 9e. Tél. : 01.53.05.19.19. Jusqu'au 7 février.
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