Une étrange campagne

Le dépit contre le manque d'enthousiasme : ce référendum restera dans les annales politiques du pays comme l'un des plus mauvais votes qu'il ait jamais connus. Un non de dépit car, en réalité, le refus de la Constitution n'a pas été autre chose que la collection dispersée d'une multitude de divergences, qui sur l'Europe, qui sur le marasme de la politique intérieure, qui sur la peur, légitime, du chômage et plus largement celle de l'avenir. Mais au final, ce que nous vendent les partisans du non ne tient pas la route : s'ils gagnent, la France sortira durablement affaiblie de cette guerre intestine, dans une Union élargie qui sera sans pitié face au retournement historique d'une des nations fondatrices de l'Europe. Penser le contraire, cela n'est jamais rien d'autre qu'affirmer notre arrogance habituelle, celle du Français qui se croit toujours tout permis. Ce temps est révolu. Mais en face, quel oui sans enthousiasme ! Car jamais, tout au long de cette campagne mal embouchée et ratée, les partisans de l'adoption du traité constitutionnel n'ont su écrire les mots d'une conviction forte, lancer un slogan qui marque, trouver les accents de la victoire. Jusqu'au bout, cette campagne aura été celle des déchirements. Dans l'opposition d'abord, au sein notamment d'un Parti socialiste dont le oui à son propre référendum a littéralement volé en éclats sous les coups de boutoir de la concurrence des éléphants. Dans la majorité ensuite, où même les dernières heures de la campagne hier ont failli sombrer dans le ridicule, avec le patron de l'UMP venu faire concurrence au président de la République - pour une fois pugnace et plutôt convaincant - aux heures de grande écoute pour évoquer, entre autres, ses problèmes conjugaux et les "coups bas" qui lui ont été portés, ce qui, à la mesure du débat référendaire, prend une allure plutôt curieuse... De cette étrange campagne, durement jugée de l'étranger - et notamment par nos voisins européens effarés -, il ne restera sans doute rien de grand. Sauf peut-être, après dimanche, des regrets. Mais il sera alors trop tard.
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