Le patron de Singapore Airlines cherche le bon plan de vol

Il n'aura pas eu le temps de savourer le plaisir. À peine reconduit le 27 décembre pour un deuxième mandat à la tête de la prestigieuse Singapore Airlines, Chew Choon Seng est tombé de haut. Lui qui rêvait de prendre pied en Chine bien avant tous ses concurrents, et de signer ainsi par un coup d'éclat son premier investissement dans une compagnie aérienne (hors cargo) depuis sa nomination en 2003, il a été contraint de battre en retraite. Son projet de prendre 24 % du capital de China Eastern, idéalement basée à Shanghai, a été torpillé in extremis par Air China avec le soutien de Pékin.En promettant, à quelques heures de l'assemblée générale du 8 janvier, de surenchérir sur l'offre singapourienne de 918 millions de dollars, Air China a gagné la partie. Les actionnaires de China Eastern ont tourné le dos à Singapore Airlines. Une sorte de guet-apens, à l'issue duquel Air China a désormais les mains libres pour consolider autour d'elle le transport aérien chinois.Mr. Chew, comme on le nomme en Asie, a donc essuyé les mêmes déconvenues que son prédécesseur en termes d'acquisition. En 2000, Singapore Airlines échouait à entrer sur le marché australien en prenant une participation dans le capital d'Air New Zealand. Un an plus tard, le projet d'investir dans Air India était abandonné. De toutes ces tentatives, seule la prise de 49 % de Virgin Atlantic en 1999 a abouti... Mais elle n'a pas été, depuis, d'une grande aide stratégique aux Singapouriens. L'autre actionnaire de la compagnie, Richard Branson, cherche depuis quelque temps à racheter leurs parts.UNE CONCURRENCETOUJOURS PLUS SEVERECes tentatives, qui suscitent souvent l'hostilité des autorités nationales, illustrent la problématique à laquelle est confrontée Singapore Airlines. Dépourvue de marché intérieur, la compagnie de lancement de l'Airbus A380 a tout simplement besoin de trouver des relais de croissance ailleurs. Cet impératif a certes toujours existé. Singapore Airlines y a répondu à merveille en se spécialisant sur le trafic de correspondances. En quelques décennies, elle s'est taillé des parts de marché conséquentes tant sur les axes intra-Asie qu'entre l'Europe et toute la zone Asie-Pacifique. Ceci grâce à la qualité de ses infrastructures de transit à l'aéroport singapourien de Changi, mais aussi à celle de son service à bord des avions, considéré comme le meilleur de la planète. Les résultats financiers sont à l'unisson. Au point que Singapore est la deuxième capitalisation boursière du secteur (8,85 milliards d'euros), loin derrière Air China (25 milliards) mais devant Lufthansa (7,87 milliards).Mais aujourd'hui, la donne change. La compagnie asiatique est confrontée à une concurrence beaucoup plus sévère que par le passé. Copiant le modèle singapourien, les transporteurs du Golfe comme Emirates, Qatar Airways ou Etihad Airways lui taillent des croupières sur l'axe Europe-Asie-Pacifique. Tandis qu'en Asie, les compagnies à bas coûts multiplient leur présence à Singapour, malgré la création par Mr. Chew d'une filiale low-cost, Tiger Airways. Elles sont d'ailleurs bien aidées par le gouvernement, pourtant actionnaire majoritaire de Singapore Airlines, qui n'hésite pas à les favoriser. Un terminal à prix réduit a été créé à deux pas des infrastructures de la compagnie. Pire, la malaise Air Asia, " la Ryanair asiatique ", pourrait prochainement avoir le droit de se poser à Changi.NOUVELLES OPPORTUNITESPour autant, Singapore Airlines est loin d'être sur la défensive. Sa puissance et sa notoriété - qui ont aussi bénéficié de la médiatisation autour du lancement de l'Airbus A380 -, lui donnent les moyens de croître sur le marché asiatique en pleine expansion. Surtout, de nouvelles opportunités vont se présenter. En Chine, tôt ou tard. Et peut-être en Australie. Canberra va prochainement négocier un accord de ciel ouvert avec Washington, qui pourrait autoriser Singapore Airlines à desservir cet axe rémunérateur. Du moins, c'est ce que l'on espère à Singapour. Ensuite, l'entrée en vigueur en avril d'un tel accord entre les États-Unis et l'Europe pourrait, selon certains observateurs, donner enfin un sens stratégique à sa participation dans Virgin Atlantic. À condition pourtant que celle-ci ne souffre pas trop de la nouvelle concurrence à Londres-Heathrow. Ce qui est loin d'être gagné. Aussi, c'est peut-être en Inde que les chances sont les plus grandes, en raison de la privatisation prévue d'Air India.ParcoursÀ 62 ans, Monsieur Chew est un pur produit de Singapore Airlines. Après un diplôme d'ingénieuret des études de managementà Londres, il entre dans la compagnie en 1972, au moment où elle se sépare de l'entité commune exploitée par Singapour et la Malaisie. Monsieur Chew a gravi les échelons de Singapore Airlines, où il a exercé diverses responsabilités, au marketing,à la direction financière... Il a été nommé PDG en juin 2003.
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